C’est mon histoire : J’ai accouché à la maison

Meriem a mis au monde son deuxième enfant dans une piscine gonflable installée au beau milieu de son salon. Entourée de son mari, de son frère et d’une sage-femme, elle a accouché sans péridurale, il y a tout juste un an, d’un beau petit Jad. Une expérience en toute intimité et en pleine conscience que cette femme de 35 ans referait sans hésiter.

C’était une évidence. Lorsque je suis tombée enceinte de mon deuxième enfant, je savais qu’il verrait le jour à la maison. L’idée a germé deux ans auparavant, après ma rencontre avec Heida, l’épouse islandaise d’un collègue de mon mari. Elle était à 7 mois de grossesse, et elle m’a raconté qu’elle comptait accoucher chez elle, dans une piscine gonflable, avec l’aide d’une sage-femme venue d’Islande. J’avais déjà entendu parler de cette pratique, mais elle restait marginale, surtout au Maroc. Heida voulait être totalement actrice de son accouchement. Son discours m’avait marquée. Il avait résonné très fort en moi.

Quand mon test de grossesse s’est révélé positif, une forte envie en moi a jailli : je veux donner la vie à la maison et en pleine conscience. Je voulais que cette naissance rime avec douceur, chaleur et intimité, alors qu’en clinique, ce n’est pas le cas. J’en ai fait l’expérience lors de la naissance de mon premier enfant, Sara, aujourd’hui âgée de 4 ans et demi. A la différence de beaucoup de femmes au Maroc, je n’avais pas opté pour une césarienne mais pour un accouchement par voie basse afin que ce soit « le plus naturel » possible. C’était essentiel pour moi. J’ai appris à écouter mon intuition ainsi que les signaux et les envies de mon corps. L’accouchement de Sara s’est très bien passé étant donné les attentes que j’avais. Mais, j’en suis tout de même sorti avec un sentiment d’inaccomplissement que je n’ai réussi à verbaliser que plusieurs années après. En effet, en comprenant par la suite comment se passe un accouchement physiologique, j’ai pris conscience de l’impact d’une médicalisation non nécessaire (injection d’ocytocine pour accélérer les contractions, péridurale, position gynécologique et aucun mouvement pendant 8 heures, monitoring en continu, toucher vaginaux à répétition, etc. ). Alors lorsque j’ai su que j’étais enceinte, je ne voulais pas repartir à la clinique, j’en étais certaine. C’était VIS-CÉ-RAL.

 

J’étais décidée et j’en ai parlé à mon mari, Jonathan. Au départ, il a cru que c’était une blague et n’a pas été emballé par l’idée. Pour lui, mon choix était trop risqué et hors de sa zone de confort. Pour qu’il le comprenne, nous avons surfé ensemble sur le net pour regarder une multitude de vidéos qui nous ont permis de démystifier le concept des naissances à la maison. Elles nous ont séduites et émues tellement ces moments étaient intenses. Je crois qu’il s’est fait à l’idée au bout du 5ème mois. Cette décision était la bonne  pour moi, pour le bébé mais aussi pour lui. Nous étions donc alignés.

 

Après mon mari, ma famille. Mon frère et mes sœurs ont, très vite, été mis au courant. Ils ont bien réagi et ils ont été à l’écoute tout au long de ces mois. En revanche, j’ai mis beaucoup plus de temps à prévenir mes parents, tous deux médecins et très angoissés à la simple idée d’y penser. Je leur ai annoncé… la vieille de mon accouchement. En effet, comme par hasard (ou pas) j’ai perdu les eaux le lendemain, deux semaines avant terme…

 

 

Trouver une sage-femme formée aux accouchements à domicile est très difficile. Au Maroc, il n’y en a qu’une. Le problème, c’est qu’elle n’était pas disponible la semaine de mon accouchement. Je me suis alors tournée vers la sage-femme de Heida, Kristie qui vit en Islande. Nous avons skypé ensemble. Lors de notre discussion, nous l’avons d’emblée interrogée sur les risques encourus. Elle nous a rassurés. Sur plusieurs centaines d’accouchements à domicile pratiqués, seule une dizaine a finalement fini en milieu hospitalier car les mamans étaient tellement stressées qu’elles ont changé d’avis. Toutefois, l’accouchement à domicile n’est pas recommandé à toutes les futures mères. Kristie m’a ainsi posé toute une série de questions afin de savoir si ma grossesse était à risque ou non (problème d’hypertension artérielle, de diabète, etc.). J’avais tous ces éléments de réponses car j’étais suivie au Maroc par un gynécologue qui m’avait aussi assuré qu’il serait présent, si besoin, en cas de complications le Jour-J. Le cheeking validé et le feeling passé, nous avons programmé l’arrivée de la sage-femme 17 jours avant la date prévue de mon accouchement, début mars 2018.

 

Ma maternité a été incroyable. Pour me préparer à l’accouchement, je me suis plongée dans la lecture, surtout le dernier mois pendant lequel je m’étais arrêté de travailler et où je me suis consacrée exclusivement à créer une connexion avec mon bébé. J’avais notamment trois livres de chevet qui ne me quittaient pas : « Accouchement, naissance : un chemin initiatique », « Intimes naissances », et « Rituels de femmes pour réenchanter la maternité ». J’ai aussi aménagé notre salon, lieu que nous avons choisi pour accueillir notre enfant. Par exemple, j’ai recouvert l’un des murs par une série de mantras qui m’ont aidé à méditer, comme « J’accoucherai dans la joie et le plaisir » ou encore « Plus besoin de penser, il faut juste sentir ». J’étais consciente qu’il s’agissait d’une expérience spirituelle très intense. Je me suis donc mise dans un état de présence avec mon bébé tout au long de mes journées. Méditations, exercices de yoga et de respirations visualisations, tout en écoutant la musique de relaxation signée Michel Pépé.

 

 

Ma sage-femme est arrivée à Casablanca deux jours avant mon accouchement. Depuis l’Islande, elle a apporté une immense valise remplie d’outils comme un monitoring pour surveiller le rythme cardiaque du bébé ou d’autres appareils utilisés au cas où nous devrions nous rendre en milieu hospitalier. Nous avons pris une longue journée pour faire connaissance et refaire le monde. En effet, une connexion forte avec Kristie était nécessaire pour que je puisse lâcher prise complètement le jour-J.

J’ai perdu les eaux le 8 mars à 5h du matin. Cela a été l’une des plus belles journées de ma vie. J’ai ressenti une intense connexion avec mon mari et mon bébé… J’ai dansé, mangé, marché autour de chez moi, fait la sieste avec mon mari, déjeuné avec ma sœur, écrit une lettre à mon bébé, et eu un fou rire mémorable avec ma fille et ma mère. La nuit tombée, nous avons gonflé la piscine et mon frère accompagné de son épouse sont passés nous voir. A partir de 22h, j’ai commencé à ressentir des contractions. A 23h, j’ai ressenti le besoin d’avoir une intimité forte dans mon environnement. J’ai fermé les volets, allumé quelques bougies, et mis ma musique. Il ne restait plus que mon mari, mon frère et ma sage-femme. J’étais super bien chez moi dans cette ambiance sacrée.

 

 

A minuit, je suis rentrée dans l’eau. Elle était à plus de 37°. Je me suis mise en position verticale, légèrement couchée sur le rebord de la piscine. C’était génial de pouvoir bouger facilement en raison de notre léger poids dans l’eau. Les contractions étaient fortes. Je respirais profondément et lentement, je visualisais mon bassin s’ouvrir, je disais « oui » aux contractions. A la fin de chacune, je ne sentais plus la douleur. Au fur et à mesure, j’étais transportée dans une dimension parallèle comme flottant entre ciel et terre. C’était magique ! J’étais très calme voire sereine. Je ne pensais pas, mais je ressentais. Kristie était là pour penser et anticiper les situations si besoin. Pendant ce temps, mon mari et mon frère étaient avec moi. Ils me tenaient la main. Ils rigolaient, déliraient, somnolaient sur le canapé et faisaient des pronostics sur l’heure d’arrivée du petit.

 

La descente du bébé a pris moins d’une heure. C’était incroyable. Je suis allée aux toilettes et en rentrant dans la piscine, j’ai senti les fameuses poussées que je n’attendais pas si tôt. Surprise, j’ai demandé à Kristie : « Je fais quoi là, je dois pousser maintenant ? ». Elle m’a répondu gentiment : « Essaie et regarde comment tu te sens ». En effet, j’ai essayé et ça faisait du bien. Deux mins plus tard, j’ai poussé un cri de libération extatique. Jad est arrivé dans ce monde. Ce qui m’a le plus marqué, c’était son regard et sa présence intense dès la première seconde où il a été contre moi. C’était magique ! Il a respiré en douceur car nous n’avions pas encore coupé le cordon. Les premiers bruits entendus étaient ses petites inspirations. J’avais perdu la notion du temps et de l’espace. J’étais vraiment dans une dimension parallèle, sublime et sensationnelle. J’ai ressenti une profonde gratitude de pouvoir vivre un tel moment et d’être si bien entourée.

 

Jad et moi, nous sommes restés 2 heures dans la piscine. Il était collé à ma poitrine, et a très vite fait sa première tétée. Quelques minutes après, la sage-femme a réalisé les premiers examens et tests au bébé qui était toujours sur moi. Elle n’a pas gâché ce moment si intime entre nous deux. Je me rappelle que lorsque ma fille est née. Le personnel de l’hôpital me l’a très vite enlevée pour vérifier son état de santé. On ne me l’a rendue que 30 minutes après. Elle était en pleure…J’ai eu tellement peur que je leur ai demandé de vérifier encore si tout allait bien. Cette fois-ci, l’expérience était totalement différente. Je suis heureuse d’avoir accueilli Jad dans tant de douceur et de magie.

 

Lorsque je suis sortie de la piscine, nous avons pesé Jad et pris la taille et le tour de tête, ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons coupé le fameux cordon. Après deux autres heures à admirer ma merveille, je me suis remise rapidement sur mes deux pieds. Je n’ai eu aucun déchirement. Les hormones ont fait leur travail. Rien n’a précipité l’arrivée de mon fils. A 5h du matin, me voici en train de faire le lit de ma sage-femme, avant de prendre une douche et de me coucher dans notre lit. Et cerise sur le gâteau, mon fils sur moi, en peau à peau, avec mon mari à mes côtés. Jad était déjà bien chez lui.

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