Assia El Ouadie La « mama » justicière

Assia El Ouadie est une militante dans l'âme. Magistrate et femme de terrain, celle que l'on surnomme affectueusement "Mama Assia" s'efforce d'améliorer les conditions de détention et la réinsertion des jeunes détenus marocains. Itinéraire d'une femme engagée.

Il est des personnes qui vous marquent pour la vie. Assia El Ouadie en fait résolument partie. Un petit bout de femme à la fois bouleversante de tendresse et d’une rigueur infaillible. Engagée dans une lutte acharnée pour l’amélioration   des conditions de détention des mineurs et leur réinsertion, Assia El Ouadie a le militantisme dans la peau.
Quoi de plus naturel, quand on est issue d’une grande famille d’activistes ? Sa mère n’est autre que la regrettée Touria Sekkat, et son père est Mohamed Belarbi El Assafi, grande figure de l’opposition. Assia est l’aînée d’une fratrie de
neuf enfants dont deux frères, Salah et Aziz, sont d’anciens détenus politiques. C’est donc tout naturellement qu’elle choisit de faire carrière dans la justice.

Défendre au lieu de juger
Tout la prédisposait en effet à rejoindre ce domaine, ce qu’elle a fait en entamant des études de droit à la faculté de Casablanca. Elle intègre ensuite la magistrature en 1971, mais après dix ans d’exercice en tant que magistrat au  parquet du tribunal de première instance de Casablanca, elle décide de changer de cap et de rallier la justice du côté de la défense, probablement plus conforme à son tempérament ainsi qu’à ses aspirations. Elle devient donc avocate après un stage à l’École Supérieure de Magistrature à Paris. Maître Assia El Ouadie intègre le barreau de Settat jusqu’en 1984, puis celui de Casablanca jusqu’en 2000. Défendre des causes, notre militante en a fait son leitmotiv, et pas  seulement en sa qualité d’avocate. Féministe dans l’âme, elle s’engage très tôt dans ce combat, en 1978 déjà, et devient membre du Centre d’écoute et d’orientation pour femmes battues. En 1988, elle participe à la naissance de l’Organisation Marocaine des Droits Humains, en tant que membre fondateur. La rage au coeur, elle se bat sur tous les fronts, rejoignant plusieurs autres organisations de la société civile. Elle contribue ainsi à la création de l’Observatoire Marocain des Prisons et du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme. Actuel membre de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, elle a aussi été à l’origine de la création de l’Association des Amis des Centres de Réforme, qui porte d’ailleurs son nom en hommage à ses bons et loyaux services.

“Mama Assia” à la rescousse
En 2000, Assia El Ouadie, qui ne cesse de se battre pour une politique pénale juste, réintègre la magistrature. Cette fois-ci, elle rejoint la direction pénitentiaire, un monde qu’elle ne connaît que trop bien, au vu de son expérience aussi  bien personnelle que professionnelle. Elle est appelée à la rescousse pour prendre en charge et réhabiliter les centres de réforme et de rééducation pour jeunes mineurs. C’est un chantier colossal qu’elle est chargée de superviser et qui consiste en la mise en place de centres de réforme pour jeunes délinquants à travers tout le Maroc. Assia El Ouadie a du pain sur la planche et elle s’en réjouit. Elle a en effet des idées plein la tête, susceptibles d’améliorer les conditions de détention des jeunes délinquants. Elle pense, entre autres, à occuper ses “enfants” par des ateliers de formation mieux élaborés, et par des activités utiles à même de leur éviter un probable retour vers un mauvais chemin. Grâce à ses efforts, les centres en question sont en train de devenir de véritables établissements réformateurs et rééducateurs. De l’avis de tous, de grands pas en avant ont été enregistrés dans l’univers carcéral des mineurs, notamment en matière d’encadrement. Un centre de formation continue a par exemple été mis en place, en 2003, à la prison pour mineurs de Casablanca. Des centaines de jeunes de moins 20 ans y suivent des cours dans de multiples domaines : bâtiment, électricité, plomberie, mécanique, informatique…

Sauver les jeunes détenus
Parallèlement à son engagement au sein de la Fondation Mohammed VI, notre magistrate participe en 2001 à la création, avec plusieurs de ses proches, de l’Association des Amis des Centres de Réforme. Celle-ci s’est assigné comme objectif d’encadrer les jeunes prisonniers et de leur fournir le soutien psychologique nécessaire durant leur séjour derrière les  barreaux. Elle les fait par ailleurs bénéficier d’un soutien juridique, médical et éducatif. Des événements culturels sont ainsi organisés à leur intention dans l’enceinte des établissements pénitentiaires. L’association organise régulièrement des campagnes de soins au profit des détenus : traitements contre les maladies contagieuses, soins dentaires, pulmonaires, soins usuels et distribution de médicaments. Elle prépare également les détenus à une insertion post-carcérale effective et réussie. Des dizaines de détenus ont ainsi pu être intégrés dans des entreprises à leur sortie de prison. Que ce soit dans le cadre de ses fonctions officielles ou dans celui de son engagement associatif, Assia El Ouadie est, dès qu’elle le peut, présente sur le terrain pour effectuer des tournées d’observation dans les centres  de détention. Elle y est d’ailleurs reçue avec enthousiasme de la part des jeunes détenus. A chacune de ses apparitions, on s’approche d’elle, on l’embrasse respectueusement sur le front. Celle que l’on surnomme “Mama Assia” se retrouve à tous les coups au centre d’un tourbillon de doléances. D’une sensibilité extrême, elle s’enquiert de l’état de chacun, demande des nouvelles des uns et des autres, et contrôle même l’état de santé des jeunes détenus. Rien de plus normal pour cette grande dame à la générosité débordante ! Pour “Mama Assia”, un enfant ne naît pas criminel, ce sont les circonstances qui le poussent à la délinquance. Elle reste en effet convaincue qu’on peut sauver ces jeunes détenus, pour peu qu’ils y mettent de la bonne volonté. Et de la bonne volonté, elle a réussi à en créer autour de ses projets, grâce à sa sincérité et à son abnégation. Cette native de la ville de Safi, en 1949, et maman de deux enfants, a été pour beaucoup dans le changement du monde pénitentiaire au Maroc, celui des mineurs en particulier.

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