Accro à facebook

Hala se lève et dort (ou plutôt ne dort pas !) avec Facebook. Plongée dans une connexion permanente aux ramifications tentaculaires, elle ne peut plus, ni ne veut s'en extirper... quitte à en subir les dommages collatéraux.

Je n’ai pas de vice déclaré. La cigarette, l’alcool, la fête, n’ont jamais été mes péchés mignons. Je me suis toujours contentée de parler des heures au téléphone avec mes copines, pour délirer, rire ou médire des uns et des autres. Mais ça, c’était avant ma période Facebook. Parce que je peux affirmer à présent qu’il y a bien eu un “avant” et un “après”. J’ai progressivement investi le réseau social, jusqu’à ne plus pouvoir m’en passer. Ma mère dit souvent que le jour à marquer d’une pierre noire, c’est celui où j’ai acquis mon smartphone actuel. Je peux oublier de manger, mais pas de pianoter sur les touches !

J’ai 27 ans et je suis encore étudiante, je prépare une thèse de troisième cycle en économie. J’ai donc beaucoup de temps libre. Comme je ne suis pas une fana des sorties au café, je suis connectée en permanence. Internet a toujours fait partie de ma vie, que ce soit pour effectuer des recherches pour le travail ou discuter sur des sites de rencontre. Sur le tchat, j’ai essuyé quelques déconvenues : il m’est souvent arrivé de tomber sur des voyous qui, au bout de trois phrases, ont enchaîné sur un registre très cru comme : “Vas-y, mets ta webcam et montre-moi tes seins”, par exemple. Je dis cela par comparaison avec Facebook, où on a quand même la possibilité de verrouiller ses paramètres personnels et de sélectionner les personnes auxquelles on donne accès à son profil. J’ai beau avoir cinq cents amis sur la Toile, je me sens en sécurité vu qu’il s’agit d’amis de mes amis, pour la plupart. Un peu comme une très grande famille dont on connaîtrait les proches, mais pas les petits cousins ou la tante au deuxième degré !

Sur Facebook,je n’ai jamais le temps de m’ennuyer, et je suis aussi voyeuriste qu’exhibitionniste : je mate les infos des autres, mais je mets régulièrement à jour mon statut. Je sais qu’on critique les gens qui postent des âneries qui n’intéressent personne, style leur position géographique ou la photo du couscous qu’ils vont manger, là, tout de suite ; mais moi, justement, j’assume ce côté tberguig bidon qui permet de maintenir ce lien avec les autres. Facebook est mon grand défouloir où je raconte mes humeurs ou mes aventures de la journée.

C’est une sorte de journal intime exposé à tout le monde, mais où il convient, tout de même, de soigner la présentation. On a le devoir de justifier d’une certaine tournure d’esprit et de rivaliser de bons mots. Des messages courts mais percutants ! Pour ma part, plus on me “like” avec des “j’aime” à profusion, et plus je me sens importante et populaire. Ça me booste vraiment pour aller chercher “the” vidéo qui va faire rire aux larmes mes suiveurs, ou pondre un super pamphlet sur ce qui embrase le Web. Parfois, j’ai le moral à zéro. Je poste alors : “L’humeur en berne…”, et je reçois un déluge de consolations qui me remettent sur selle sur le champ. Audelà de l’aspect social, toutes les dix minutes, je mets à jour le fil d’actualités, pour savoir ce qui se passe. Bien sûr, c’est un peu le bazar, mais on y trouve de tout : de l’utilitaire (shopping, bons plans), des citations, des blagues et de l’info. Ainsi, j’ai suivi la révolution tunisienne sur Facebook, pratiquement en direct. Je suis également au courant des événements culturels de ma ville, des naissances, anniversaires, mariages ou commémorations. On communie ensemble dans la joie ou la tristesse et pour moi, c’est formidable de partager tout ça avec les autres… Sans Facebook, je n’aurais jamais eu accès non plus aux photos du Casa historique des années 50, un thème qui me passionne ; ou reçu un superbe bouquet de roses pour le 8 mars !

Bon, évidemment, dans la vraie vie, je suis moins présente, et cela embête beaucoup mes proches. A la maison, la plupart du temps, je fais bande à part et mon père m’appelle “la sauvageonne”, vu que je descends rarement de ma chambre pour m’asseoir avec eux ou bavarder avec les invités. Avec mon ex-fiancé, j’ai essuyé aussi quelques déboires. Il me reprochait le fait de recevoir des “pokes” sans arrêt. Extrêmement jaloux, il entendait que je supprime tous mes contacts masculins avant de me passer la bague au doigt. Je l’ai enjoint poliment d’aller voir ailleurs… Il n’a pas saisi combien ces amitiés virtuelles étaient vitales pour moi ; tant pis pour lui ! Le jour où on a rompu, j’ai changé mon statut en “célibataire” et il m’a abreuvée d’insultes sur mon mur, en public, me traitant même de “marhouma” (la défunte). C’était un peu la honte, même si tous mes amis, quand ils ont appris l’affaire, m’ont envoyé des messages de sympathie en quantité. Mon autre mésaventure résulte d’une petite distraction de ma part : j’ai posté des photos de moi en train de passer le weekend à Marrakech avec mes soeurs, alors que j’avais prétendu être malade au cours de cette période, pour me dispenser d’assister au mariage d’une cousine à Fès. Celle-ci a prévenu sa mère qui n’a pas manqué de le glisser vicieusement à ma propre génitrice, laquelle m’a fait, à son tour, une scène mémorable. Depuis, je fais davantage attention lorsque je m’expose…

Si mon quotidien est très classique, grâce à mon activisme, je le rends extraordinaire. Du fait de ma participation continue, je sens que j’existe vraiment sur les ondes. Mais dans ce domaine comme dans tant d’autres, il faut soigner ses contacts pour ne pas se faire larguer. Donc, à partir de 20h et jusqu’à deux, trois heures du matin, je papote. Le temps s’écoule tellement vite… Au fil de la nuit, mes interlocutrices deviennent progressivement des interlocuteurs. Car après une certaine heure, la Toile se teinte de séduction et de drague. Je flirte avec des garçons que je trouve mignons, en ouvrant plusieurs fenêtres en même temps. Evidemment, à chacun d’entre eux, je fais croire que je dialogue en exclusivité avec lui. On se charme et on se fait des confidences. Nos rapports sont empreints d’une liberté qui n’aurait peut-être pas existé sans écrans interposés.

Poussée par mes copines, j’ai dernièrement fait le pas de me confronter au réel, en cédant à la tentation de la vraie rencontre. Malheureusement, cette première expérience a été décevante et j’ai vite coupé les ponts. On s’est retrouvés un peu godiches au café, sans trouver grandchose à nous dire… Toute l’excitation de l’attente de se voir était retombée comme un soufflet. Ayant jugé le monsieur d’une banalité affligeante, je ne sais pas si cela vaut vraiment le coup de retenter l’expérience avec un autre. Je ne voudrais pas non plus me faire piéger par un zouave marié, comme cela est arrivé à une amie à moi. Si Facebook m’est indispensable et m’apporte beaucoup de choses, il serait donc préférable qu’il reste à sa place, dans le monde virtuel. Ne mélangeons pas les genres… Pour l’instant, ma situation de geek sans visage me va très bien !

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