L’art du Caftan exposé à Dar El Bacha

Du 9 au 12 mai, le majestueux musée Dar El Bacha a abrité l'exposition “Musée éphémère du Caftan”, mettant à l'honneur cet emblème marocain ainsi que les artisans et mâalems du pays. L'événement a braqué les projecteurs sur leur savoir-faire, les divers métiers associés au Caftan, ainsi que l'héritage ancestral du Maroc. Un succès retentissant auprès des visiteurs, tant locaux qu'étrangers. Reportage.

C’est dans les dédales des ruelles de la médina de Marrakech, à quelques pas de la place Jemâa Lfna, que le Musée des Confluences Dar El Bacha, nous invite à une immersion au cœur de l’histoire marocaine et de ses expositions éclectiques. Ce précieux bijou architectural, datant du 18ème siècle, rénové par la Fondation nationale des musées (FNM) et ouvert en 2017, propose une exposition permanente consacrée à la tradition de la boiserie au Maroc. “Nous présentons des pièces remontant aux 14ème et 15ème siècle, illustrant l’importance des métiers du bois, à mi-chemin entre le patrimoine naturel et le patrimoine culturel”, explique Salima Aït Mbarek, conservatrice du musée. Parallèlement, le Musée héberge des espaces dédiés aux expositions temporaires. Parmi celles-ci, une rétrospective sur le parcours de Fatna El Gbouri, une artiste pratiquant l’art post-brut, et une exposition mettant en valeur le Caftan marocain.

Le barchmane, travaillé avec passion par l’artisan.

Le Musée éphémère du Caftan

En cette matinée du mois de mai, une longue file de touristes venus des quatre coins du monde qui se dresse devant le guichet de Dar El Bacha est venue pour admirer les trésors du musée éphémère du Caftan. Une douzaine de tenues traditionnelles, datant du 18ème et 20ème siècle, est exposée dans des vitrines ou en plein air.  Appartenant à la collection privée de Azzedine Sedrati, un amoureux des costumes traditionnels, ces Caftans, représentatifs de la richesse du patrimoine marocain, proviennent de différentes villes du Royaume. “J’ai eu l’honneur de prendre en charge la sélection des modèles de Caftans pour le Musée éphémère du Caftan à Dar El Bacha. Chaque modèle sélectionné était soigneusement évalué pour son authenticité, son esthétique et son importance culturelle”, explique le styliste Mao Lakhdar, à côté de ces objets rares offerts aux regards des visiteurs.

Des artisans mâalems dévoilent leur savoir-faire ancestral dans des stands disséminés au seuil de la douiria, dans le cadre d’une exposition sur les métiers du caftan. Parmi ces  mâalems, cinq artisans, majoritairement venus de Fès, partagent avec passion les secrets de la création du Caftan marocain. En parcourant ces lieux chargés d’histoire, les visiteurs plongent dans la complexité de la confection d’un Caftan, de sa conception à sa réalisation finale. Car la chaîne opératoire du Caftan fait appel à plusieurs opérations et donc plusieurs artisans qui viennent insuffler leur savoir-faire distinctif  sur l’étoffe. Il s’agit d’une succession de tâches à accomplir, et d’artisans à interpeller, chacun son domaine, chacun son bagage et habilité techniques, son imaginaire et sa créativité. 

Le Zwak mÂalem est différent de la broderie. Il est confectionné avec de la soie.

“Après avoir tracé le patron selon des mensurations précises, les différentes pièces du tissu sont soigneusement disposées avant d’être méticuleusement découpées”, fait savoir Mohammed El Aaidi, mâalem en Berchmane. Avant l’assemblage final, la broderie, appelée “Tarz”, prend vie. Effectuée d’abord sur les morceaux de tissu découpés selon le patron, elle confère au Caftan son caractère unique. “La broderie faite à la main se distingue nettement de celle réalisée à la machine”, souligne Fatima Zahra El Idrissi, une des artisanes brodeuses. “Ce processus méticuleux peut s’étendre sur plusieurs mois, mais offre une qualité inégalée, perceptible tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du tissu”, ajoute-t-elle. Un savoir-faire qui se transmet de génération en génération, et qui fait la fierté des artisans marocains, où chaque détail raconte une histoire. Une fois l’assemblage des pièces terminé, vient l’étape cruciale de la finition, où sont apportés les derniers détails essentiels du Caftan : la sfifa, le perlage, le zwak mâalem, les akads, le berchmane, la mremma, etc. “Le perlage effectué à la main se compose de strass, de cristaux, de sequins et parfois même de perles de culture. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le perlage est personnalisé et s’adapte à la broderie, au zwak, etc. Chaque perlage réalisé à la main est unique, offrant une touche personnelle à chaque pièce”, souligne Nacéra Lagrini, artisane spécialisée en perlage. Requérant une habileté manuelle, le perlage est un art qui exige précision et sens esthétique aiguisé. 

À leur tour, les âkads, petits boutons en fils de soie et d’or tressés, alignés sur le devant et toute la longueur du Caftan, servent à la fois à le fermer et à l’embellir. “C’est le visage du Caftan !”, affirme Aïcha Benbouanane, artisane en âkads. Ces boules de fils sont maintenues par des œillets et sont souvent serrées, ce qui rend les Caftans difficiles à modifier. “Je les crée à l’aide d’une petite aiguille, d’un petit morceau de papier, d’un fil de soie tressé et de cire d’abeille. Le fil entoure le papier horizontalement et verticalement, formant des nœuds jusqu’à obtenir la forme désirée”, explique l’artisane. Les détails comme le zwak, le berchmane, la sfifa, la mremma, etc., sont ensuite minutieusement travaillés selon les préférences des clientes. “Le zwak se distingue nettement de la broderie et est souvent confectionné avec de la soie. Il existe différentes variétés de zwak, en fonction des désirs de la cliente”, explique Driss Belfquih, mâalem spécialisé dans cette technique. Il souligne que ces divers métiers peuvent être, soit combinés dans un seul Caftan, soit choisis individuellement par la cliente. Enfin, pour parfaire l’ensemble, une ceinture assortie au Caftan est confectionnée, réalisée soit avec le même tissu que le vêtement, soit avec de l’or ou de l’argent.

À Dar El Bacha, les visiteurs sont séduits par le musée éphémère du Caftan.

Trésors vestimentaires

À 11 heures passées, la foule atteint son apogée dans l’espace dédié au Musée éphémère du Caftan. Marocains, touristes, et journalistes du Maroc et d’ailleurs se pressent, émerveillés non seulement par la splendeur du lieu, mais aussi par la richesse de l’exposition. “C’est une immense joie de voir notre héritage ancestral exposé dans un tel palais enchanteur. Nous, Marocains résidant à l’étranger, avons besoin de ce genre de manifestations qui mettent en valeur notre pays. C’est un bonheur et une bouffée d’air frais”, déclare Malika, une Marocaine vivant au Canada, venue passer ses vacances à Marrakech avec sa famille. Naviguer à travers cette foule dense, composée de visiteurs avides d’en apprendre davantage sur la culture marocaine et sur les caftans et takchitas, est un véritable parcours du combattant. L’exposition, organisée dans le majestueux palais Dar El Bacha, attire l’attention par ses pièces uniques, chacune racontant une partie de l’histoire marocaine. Les mannequins habillés de ces tenues majestueuses semblent presque prendre vie, invitant les spectateurs à imaginer les célébrations et les événements pour lesquels ils avaient été portés. “C’est impressionnant de voir à quel point ces vêtements traditionnels sont appréciés, non seulement par les Marocains, mais aussi par les visiteurs internationaux”, observe Ahmed, un guide local. “Cet engouement montre l’importance de préserver et de promouvoir notre patrimoine”. 

Des Broderies réalisées avec un grand soin pour embellir le caftan.

Cette initiative, bien que temporaire, laisse une empreinte durable dans les esprits et souligne l’importance de continuer à valoriser et à partager les trésors culturels du Maroc avec le monde entier. “Nous connaissons tous l’importance du Caftan, un costume qui s’est développé dans une ère géographique importante, mais qui a vraiment trouvé ses racines au Maroc et qui a pu s’y développer grâce à cette ouverture du pays sur les confluences de la Méditerranée, de l’Orient, de l’Andalousie mais aussi de l’Afrique. C’est vraiment un costume d’apport culturel et de confluence culturelle multiples”, explique Salima Mbarki. Ainsi, le succès de cette exposition au palais Dar El Bacha renforce la mission de préserver et de promouvoir les traditions marocaines. En mettant en lumière le caftan et la takchita, le Musée éphémère du Caftan célèbre non seulement la beauté de ces vêtements, mais aussi l’histoire riche et diverse du Maroc. “Cette exposition inspire un respect et une admiration renouvelés pour ces trésors vestimentaires et encourage la poursuite des efforts pour préserver ce patrimoine culturel pour les générations futures”, explique Salima Mbarki.

Les AKAds, petits boutons en fils de soie et d’or tressés pour fermer le Caftan.

Confortable et polyvalent, le caftan transcende les générations

 

Au Maroc, le Caftan revêt une importance culturelle significative, représentant un symbole de tradition et de raffinement esthétique à travers ses diverses écoles ou styles. Parmi ceux-ci, le Caftan de Tétouan se distingue par ses motifs floraux, taillé sur du velours ou de la soie, avec des coupes larges et des manches amples, souvent agrémenté du motif emblématique “Lkhanjar”. Porté ouvert avec un gilet, il incarne l’élégance décontractée.

Quant au style de Fès, véritable kaléidoscope de sous-écoles, il offre une diversité remarquable. Le Caftan “Lkhrib” ou “Benchrif”, nommé d’après l’atelier des frères Benchrif du début du 20ème siècle, se distingue par sa richesse ornementale. Le “Ntaa”, taillé dans du velours et brodé de fils d’or, est traditionnellement porté lors de cérémonies telles que le henné. Le Caftan de la “Hettara” honore l’invitée d’honneur de l’événement.

À Rabat et Salé, la proximité géographique ne masque pas la différence stylistique. Le velours est le tissu de prédilection, mais la disposition des motifs varie : dispersée de manière équilibrée à Salé, la broderie est concentrée dans la partie supérieure du Caftan à Rabat, créant des effets distincts. Le style de Marrakech, similaire à celui de Rabat, voit la broderie davantage présente dans la partie basse du Caftan, ajoutant une touche distinctive. Quant au Caftan Oujdi, ou “Blouza” oujdia, il puise son inspiration des styles de Tétouan et de Salé, mais se distingue par sa richesse et son opulence accrues.

Confortable et polyvalent, il transcende les classes sociales et les générations, incarnant une tradition vivante et un héritage culturel précieux.

DES CAFTANS SOMPTUEUX, témoins du savoir-faire des maîtres artisans.

Si les visiteurs du Musée Dar El Bacha ont été fascinés par l’exposition éphémère du Caftan, il n’en ont pas moins été subjugués par l’architecture et les ornements propres au Palais du Pacha. Les cours intérieures, ornées de zelliges multicolores et de fontaines en marbre, dégagent une atmosphère de sérénité. Les jardins luxuriants, où se mêlent les parfums de jasmin et de roses, offrent un havre de paix au milieu de l’effervescence de la médina. Les hauts plafonds en bois de cèdre, finement sculptés, et les stucs délicats qui ornent les murs ajoutent une touche d’élégance et de raffinement. “J’ai l’impression d’être plongée dans l’histoire du Maroc”, s’exclame Marie, une touriste française, en s’adressant à son amie, avant d’ajouter : “C’est ma première fois ici et je ne pense pas que ce sera la dernière”.  Dar El Bacha abrite, dans ses différents espaces, une vaste collection d’objets d’art, de meubles, de tapis, de poteries et d’autres artefacts traditionnels marocains. On peut admirer les différents salons richement décorés, avec des plafonds en bois sculpté, des tapis tissés à la main, des lanternes en laiton, des mosaïques en zellige et des carreaux de céramique colorés. L’espace, sous forme de Riyad, est aménagé autour d’un jardin entouré de diverses pièces, un espace Harem, et des annexes incluant une bibliothèque, un Hammam et une petite mosquée.

Chaque pièce du musée est un voyage à travers le temps. En déambulant dans ces espaces, en passant par les jardins paisibles, les visiteurs découvrent l’histoire de Marrakech et de sa région, captivés par la beauté et l’authenticité de ce lieu exceptionnel. “La visite de Dar El Bacha est une immersion complète dans l’histoire et l’art marocains, où chaque détail architectural raconte une partie de l’héritage du pays”, conclut la conservatrice du Musée.

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