Fadwa El Gharib : « Le vrai luxe est un intérieur qui a une âme »

Exit l’ostentation, place à l’essentiel. Matières nobles, gestes artisanaux, lumière maîtrisée et sens du détail redéfinissent une esthétique où l’émotion prime sur la démonstration. Fondatrice de elf&partners, agence d’architecture d’intérieur et de design d’exception, Fadwa El Gharib décrypte cette nouvelle élégance marocaine, à la croisée de l’héritage et d’une modernité assumée.

Comment définiriez-vous aujourd’hui le luxe dans les maisons marocaines ?

Historiquement, le luxe marocain était indissociable d’un art de recevoir, profondément enraciné dans nos traditions. Chaque région possédait son propre langage esthétique, sa manière d’habiter l’espace, de célébrer l’hospitalité et de mettre en scène le quotidien. Ce luxe ne cherchait jamais l’excès, mais s’exprimait dans la qualité des textiles, la finesse des objets et le soin porté aux détails. Aujourd’hui, cette notion s’affine. Le vrai luxe réside dans l’harmonie. Dans la capacité à créer un intérieur qui a une âme, qui raconte une histoire intime tout en dialoguant avec un héritage collectif. Un luxe qui ne s’impose pas, mais qui se vit, se ressent, s’habite.

Les intérieurs marocains ont-ils changé de visage ces dernières années ?

Ils ont changé de rythme, plus que de nature. Le salon marocain traditionnel, par exemple, n’a pas disparu : il se réinterprète. Il devient parfois un espace plus ponctuel, intégré à une architecture contemporaine, répondant à des modes de vie en mutation. La surcharge décorative laisse place à une écriture plus épurée, mais jamais froide. Les motifs opulents et la vaisselle dorée cèdent le pas à une autre forme de sophistication : la sensualité d’un bois travaillé, la profondeur d’un textile, la délicatesse d’une céramique façonnée à la main. Chaque pièce est choisie pour ce qu’elle raconte, pas pour ce qu’elle affiche.

Existe-t-il un luxe marocain reconnaissable parmi les grandes scènes internationales ?

Absolument. Le luxe marocain est d’abord contextuel. Il se nourrit de la richesse géographique du pays, de ses matières premières, de sa lumière, de ses savoir-faire régionaux. Chaque intérieur devient une signature, intimement liée à son environnement. Mais sa singularité tient surtout à la place centrale accordée à l’humain. Là où le luxe international valorise souvent la perfection industrielle, le Maroc célèbre le geste, le temps long, le fait-main. Même dans les projets les plus contemporains, l’intervention de l’artisan reste un marqueur de prestige. Ce luxe ne fige pas le passé : il le réinterprète. Il revisite les géométries, sublime la terre, le zellige ou le tadellakt, pour les inscrire dans des usages résolument actuels. C’est cette tension entre mémoire et innovation qui le rend si singulier.

Que recherche aujourd’hui une clientèle haut de gamme ou ultra-premium ?

Ces clients, marocains comme internationaux, arrivent avec une culture visuelle extrêmement riche. Leur maison n’est plus un simple lieu de vie : elle devient un manifeste personnel, un espace d’expression identitaire. Ils ont souvent une vision du Maroc, parfois idéalisée, et souhaitent la voir se matérialiser dans un intérieur unique, sur mesure. Notre rôle est alors d’orchestrer cette vision, de traduire une émotion en matière, une idée en expérience sensorielle. Cela passe par des choix très précis : une essence de bois rare, travaillée de manière inédite ; un zellige sculpté pour créer de la profondeur ; la réhabilitation de matériaux oubliés comme le parchemin ; ou encore une relecture contemporaine du tadellakt. Chaque détail participe à un récit global, profondément personnel.

Quels détails incarnent aujourd’hui le vrai raffinement à la maison ?

Le raffinement ne se crie pas, il se ressent. Il se niche dans un linge de maison en lin brodé à la main, dans une œuvre d’art subtilement intégrée, dans une senteur qui évoque un souvenir. Ce sont souvent des éléments presque invisibles, mais essentiels à l’atmosphère. Le vrai luxe ne réside plus dans la valeur marchande d’un objet, mais dans son histoire, son intention, sa capacité à créer une émotion durable.

Quelle place occupe l’artisanat marocain dans cette nouvelle esthétique du luxe ?

L’artisanat n’est plus un simple décor, il est devenu l’ADN même du luxe marocain. Dans un monde saturé de produits standardisés, l’authenticité est devenue la nouvelle rareté. Aujourd’hui, les frontières s’estompent : les artisans deviennent créateurs, les artistes explorent la matière, et les grandes maisons internationales s’inspirent de nos savoir-faire. Le véritable luxe ne consiste plus à posséder un objet, mais à participer à sa création. Notre mission est de remettre l’artisan au centre du processus créatif, de favoriser ces dialogues pour produire des pièces qui ont une âme. L’avenir du luxe marocain se joue là.

À quoi ressemblera la maison marocaine de luxe de demain ?

Elle sera guidée par l’essentiel. L’espace et la lumière en seront les premiers luxes. La technologie y sera présente, mais discrète, intuitive, presque invisible, au service du confort et de la sérénité. Ce sera une maison de réconciliation : entre héritage artisanal et innovation contemporaine, entre identité marocaine profonde et vision universelle de l’habitat. Un lieu pensé pour durer, ressentir et transmettre.

 

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