Le business juteux des mariages

Réussir sa cérémonie de mariage, en faire un évènement sophistiqué, un moment unique et en garder un souvenir magique est le rêve d’un grand nombre de futurs mariés. Mais à quel prix ? Décryptage des dessous d’une cérémonie réussie.

Si la symbolique de la célébration du mariage est universelle, au Maroc, où les traditions et le patrimoine culturel ont une grande valeur, cette cérémonie revêt une importance notable. Peu de gens optent pour une soirée intimiste, en comité restreint. La majorité voit grand pour le jour J.  Les futurs mariés et leurs familles respectives, toutes catégories sociales confondues, veulent que cet évènement soit une belle réussite, quitte à payer le prix fort. Selon Dr Fathi Berrada, sociologue-radiologue à Casablanca, cette cérémonie censée être un moment de convivialité devient une opportunité d’exhiber sa richesse. “Dans les familles aisées, le mariage est souvent considéré comme une occasion de montrer sa position sociale et son prestige en organisant des cérémonies somptueuses”, explique Dr Fathi Berrada, sociologue-radiologue à Casablanca.

Le coût faramineux des réceptions

Le coût global d’un mariage varie selon la région, la date et le nombre d’invités, les prestataires et les services souhaités. “Cela peut aller de 200.000 DH  à 2.000.000 DH, voire beaucoup plus”, explique Najoua Moustassir, co-fondatrice de Neggafa Tadlaouia. Même son de cloche chez Laila Boulmane, wedding planner à Marrakech. “Donner un devis pour un projet de mariage dépend de plusieurs paramètres. Le WP travaille avec les mariés pour établir un devis selon leurs besoins, leurs choix et leur budget.” 

Des espaces de mille et une nuits

Les tarifs grimpent de façon vertigineuse quand on s’adresse à des enseignes prestigieuses. C’est  le cas de plusieurs villas et riads et autres demeures luxuriantes disséminées dans le désert, cachées dans la palmeraie ou dans la médina. 

Le palais Namaskar est privatisé entre 330.000 et 380 000 DH la nuitée. Le Namaskar compte 48 unités de diverses catégories (chambres, suites, villas), ce qui signifie une capacité d’hébergement d’une centaine de personnes, en BB, alors que les espaces communs  peuvent accueillir jusqu’à 300 personnes. Les mariés auront l’embarras du choix, entre l’espace piscine, le jardin synthétique, le restaurant, …  Ce tarif dépend de la saisonnalité et des exigences des mariées. 

C’est le même principe à la Mamounia, où il n’existe pas une location à proprement dit des espaces dédiés aux cérémonies, mais des offres personnalisées. Pour cela, l’établissement exige la réservation totale ou partielle (si la saison le permet). Au moins 80% des invités à la cérémonie doivent être résidents à l’hôtel. 

Toujours à Marrakech, la Villa Taj est une adresse exceptionnelle qui séduit de nombreuses célébrités. L’espace est privatisé le temps du mariage pour une durée de 48 heures et plus. La villa compte 21 chambres et a une capacité d’accueil d’environ 150 personnes. Les prix démarrent à 650.000 DH/ nuitée pour l’intégralité de la villa. Ce prix ne comprend pas les honoraires d’organisation de la cérémonie du mariage.  Ainsi, outre les frais de location de la villa, il faut débourser en moyenne entre  200.000 et 400.000 DH, voire plus pour s’offrir la décoration et des services personnalisés. 

À Casablanca, l’offre est assez variée. Mais, les salles de fêtes des hôtels sont les plus convoitées. Les tarifs démarrent à partir de 120.000 DH pour réserver une salle de réception dans un hôtel de luxe. 

Des postes de dépenses à profusion 

Sur le budget global du mariage, celui consacré au traiteur reste de loin le plus important. La générosité conjuguée au consumérisme font que le menu des mariages marocains est toujours ultra copieux. 

Ces derniers temps, on constate une montée de gamme dans l’offre traiteur. Outre les plats traditionnels, certains mets s’invitent également dans le menu du grand jour. Sushis, Kebbah, chawarma, mini-burgers et autres canapés… sont également proposés. La tendance est d’avoir plusieurs corners avec diverses spécialités. Les foods-trucks sont également en vogue, tout comme les cocktails dînatoires. Là encore la fourchette de prix est variable, et peut atteindre 30.000 DH par table. Cela varie en fonction du menu, de la gamme du matériel (services de table, argenterie, nappes,…). 

Par ailleurs, un mariage marocain sans Neggafa n’est pas envisageable. Cette dernière a un rôle prépondérant dans l’organisation de la cérémonie puisqu’elle influe de manière importante sur l’ordonnancement de la soirée. L’enveloppe de la Neggafa est très variable et peut atteindre les 120.000 DH. “Cela dépend des tenues, des bijoux, du design la Aamaria, des accessoires, etc. Certaines neggafas ont des bijoux qui datent de plus d’un siècle. Le cachet diffère selon la ville, la réputation de la Neggafa, la qualité des tenues, la durée de la prestation…”, explique un organisateur de mariage.  

L’animation est aussi importante dans une cérémonie du mariage. On accorde ainsi une grande attention au choix de l’orchestre. “Cela dépend de la date, de la taille de l’évènement, si la cérémonie se tient en dehors de Casablanca, etc.”, explique Hadj Abdelmajid. Ce dernier réclame une enveloppe entre 50.000 et 150.000 DH pour un évènement à Casablanca. Les prix passent du simple au double selon la renommée de l’artiste. Les Tahor, Laasri, Mouline, Lamrini, Mernissi, Lebbar, Bennani, … sont assez sollicités. Leur cachet démarre à partir de 70.000 DH et peut grimper jusqu’à 150.000 DH. C’est  le cas pour Tahor (à partir de 80.000 DH), Mouline (entre 100.000 et 120.000 DH), Pour d’autres artistes plus célèbres, le cachet oscille entre 250.000 et 600.000 DH. C’est le cas pour Adil Miloudi, Hamid Mardi, etc. Les fans de la Aïta doivent débourser entre 140.000 DH et 200.000 DH pour écouter Hajja Hlima. Les cachets de Abderrahim Souiri, Bajeddoub, Raymonde Al Bidaouia, etc., sont tout aussi élevés. 

Enfin, les stars marocaines connues sur la scène internationale exigent des sommes assez conséquentes. Il faut compter pas moins de 1.200.000 DH, pour espérer avoir Saad Lamjared chanter à son mariage. Certains artistes étrangers ont également le vent en poupe. Il s’agit notamment des artistes libanais comme Ramy Ayach, Riad El Omr…. Ce dernier touche un cachet aux alentours de 8 000 $ US. D’autres artistes plus cotés exigent des cachets qui frôlent les 3 millions de DH. 

La coiffure, le make-up et les soins qui précèdent la grande soirée, ne sont pas en reste. Il faudra débourser en  moyenne entre 5.000 DH à 20.000 DH. “Il y en pour tous les budgets. C’est pareil pour les vêtements, il y a le prêt-à-porter et la haute couture”, explique Sonia Ngadi, make-up artist. Cette dernière estime que le travail de la make-up artist ne se limite pas à l’aspect technique. “Il faut être capable de gérer le stress de la marié, être à son écoute, et la mettre à l’aise”, explique-t-elle.

Le faste est trop onéreux

L’enveloppe réservée aux tenues de la mariée constitue également un débours important. Une seule tenue peut coûter jusqu’à 150.000 DH. Toutefois, les petites bourses peuvent se procurer une tenue relativement correcte entre 9.000 DH et 12.000 DH.  “Actuellement, on ne fait plus beaucoup de tenues, mais tout dépend des familles. Certaines tiennent toujours à la cérémonie du henné, à la cérémonie du grand jour et à celle du Sbohi. Alors que d’autres optent pour une seule soirée. Du coup, on ne va pas avoir besoin de plusieurs tenues. En moyenne, on a besoin de 2 à 3  tenues maximum”, explique la styliste Samira Haddouchi. Et d’ajouter:  “certaines futurs mariées exigent une seule et belle tenue, indépendamment du prix. Elles vont choisir un tissu haut de gamme qui coûte dans les 40.000 à 50.000 DH. Pour la façon, il faudra compter quelque 25.000 à 30.000 DH et plus (si on introduit le perlage, la broderie, …). Pour d’autres, ça va être un budget maximum de 15.000 DH pour le tissu et environ 15.000 DH à 20.000 DH pour la façon. On parle bien sûr de tissus de qualité, de marque et de  haute couture.” 

La décoration florale représente également un poste important dans le budget global du mariage. De nombreux fleuristes proposent un grand choix de fleurs, de design et de contenant pour donner à l’espace un aspect glamour et raffiné. On ne se contente plus des centres de tables, mais il s’agit désormais de faire une décoration florale et/végétale très élaborée, en vue de donner un cachet particulier à l’espace (selon le thème choisi). Le prix de la décoration florale dépend de plusieurs facteurs: types de fleurs, saisonnalités, produits locaux ou importés… Le design est aussi important. “Ça peut aller de quelques dizaines à des milliers de dirhams. Cela dépend du choix de l’élément de décoration :  centres de table, arches, houppa ? Pour cette dernière, il faut compter 20 000 DH et 6000 et plus pour un mur végatal”, explique Leila Boulemane

Et puis, dans ce budget qui monte en flèche, n’oublions pas la pièce montée (jusqu’à 50.000 DH), le photographe- caméramen (entre 5.000 et 25.000 DH, etc. Autant de corps de métiers qui œuvrent de concert pour faire du mariage le plus beau jour de votre vie.

Les enjeux sociétaux du mariage

Le mariage d’un point de vue sociologique est considéré comme un contrat social qui répond à un rapport de force à la fois économique, d’alliance et de positionnement social. 

Plus le mariage est somptueux et coûteux, plus on a l’impression de valoriser la mariée et de répondre aux exigences de la tradition et de respecter les représentations sociales.

Le couple est très souvent réduit à une entité ou un instrument qui a la contrainte de répondre aux exigences imposées par les familles et les coutumes.

Ainsi, on peut dire qu’il y a un rapport direct entre le coût du mariage et sa rentabilité sociale. C’est une question complexe multidimensionnelle qui intègre des considérations économiques, culturelles et sociétales.

Au final, tout cela ne doit pas éliminer le rêve construit souvent par deux jeunes où l’amour est en principe la centralité. La notion du couple existe-t-elle réellement dans notre société ? Sommes-nous capable de dépasser la pression des traditions et de perpétuer le principe du cœur ?

Pour ce faire, on doit s’écarter de la notion : “Ouled men hada, Bent men hadi” (C’est le fils de qui, c’est la fille de qui”, s’écarter de ces marqueurs sociaux d’un autre temps et de l’importance qu’on accorde au regard de l’autre.

Le coût de l’engagement par amour doit primer sur le coût de la fête.

Pensez-vous que les célébrations des mariages sont en recul ? 

Les cérémonies de mariage ont repris leurs droits après une longue période d’arrêt due à la crise sanitaire. Il n’y a pas de recul, je dirais plutôt que ces fêtes sont organisées différemment. Pendant les restrictions, les gens ont goûté à une forme de cérémonie plus intimiste, plus centrée sur les proches, très proches. L’ambiance y est plus conviviale, plus chaleureuse et donc les mariés et leurs familles prolongent ce plaisir au-delà de la période Covid.

Le mode d’organisation du mariage a beaucoup évolué. Mais qui est ce qui a changé de manière globale ?

Les cérémonies de mariage sont de plus en plus personnalisées. C’est-à-dire que chaque couple, chaque famille conçoit sa fête selon ses désirs, ses envies, ses rêves. Nous ne sommes plus dans le modèle traditionnel qui faisait que toutes les cérémonies se ressemblaient à peu près. Aujourd’hui, on voit des soirées thématiques avec une attention particulière sur la décoration. On maintient le rituel traditionnel mais on le revisite, on le modernise pour donner à chaque fête son propre cachet. Toutefois, 

l’attachement aux traditions séculaires qui forment le socle de notre identité est un élément central de toutes les cérémonies.

Quel est le coût d’un mariage marocain basique, moyen et féerique ?

Une cérémonie de mariage basique exige un budget d’environ 200 à 300 0000 DH. Et plus on va être exigeant et on va chercher à se faire plaisir, plus il faudra débourser plus. Certains mariages coûtent 2 millions de dirhams et même plus, beaucoup plus. 

Les wedding planners ont le vent en poupe. Que représente ce business dans l’économie nationale et quel serait le CA annuel d’un wedding planner ? 

Oui c’est une prestation de plus en plus sollicitée et il y en a de plus en plus. Mais  ils se comptent encore aujourd’hui sur le bout des doigts. Les préparatifs font encore partie de la fête du mariage. Les gens veulent s’occuper personnellement des détails, négocier, choisir, toucher, goûter. On le fait en famille, tout le monde est impliqué. Ceci dit, faire appel à un/e wedding planner va petit à petit s’inscrire dans les mœurs. Et là on pourra parler de CA.

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