Emouvant. Magique. Spectaculaire. Exceptionnel. Les qualificatifs pour décrire le mariage juif marocain sont aussi abondants que dithyrambiques. Chaque étape de cet impressionnant cérémonial est un temps fort à lui-seul. “Même si le mariage civil, tenu en amont de celui religieux, est poignant, il n’a pas la même portée symbolique”, signale Thérèse, la grand-mère de Romy Elkeslassy qui s’est mariée au printemps dernier. En effet, pour cette heureuse aïeule et tant d’autres familles juives marocaines, c’est le mariage religieux qui acte véritablement l’union entre un homme et une femme. “J’ai eu la chance d’avoir un mariage traditionnel qui a duré une semaine. Sept jours ponctués de festivités et chargés d’amour !”, confie la jeune mariée, qui est originaire de Casablanca. “Je n’aurais pu me marier autre part qu’au Maroc où mon cœur réside même si j’habite depuis 7 ans à Paris, Pouvoir me marier dans mon pays de naissance, tout en respectant les coutumes et perpétuant les traditions, était un rêve !”, tient à préciser la jeune femme.
La Grande Soirée
Le premier chapitre de ce conte de fée ? La cérémonie du henné. “Il n’y a pas plus marocain que le mariage juif marocain”, certifie Zhor Rehihil, conservatrice du Musée du judaïsme marocain à Casablanca. “La cérémonie du henné est aussi chère au cœur des musulmans qu’à celui des juifs. C’est cela la beauté d’une culture millénaire.” Indispensable, la cérémonie du henné est gage de bonheur, de joie et d’abondance. “Cela a été mon moment préféré. Je me suis beaucoup amusée !”, se remémore, avec beaucoup d’émotions, Romy. “C’est la soirée la plus folklorique, la plus importante en termes de richesses et de symboliques”, enchérit sa grand-mère. Durant les festivités rythmées par les applaudissements et les youyous, la promise se vêtit successivement de trois sublimes robes ou caftans dont la fameuse Keswa el Kebira. “Cette tenue traditionnelle en velours, brodée de fils d’or se transmet de mère en fille”, explique Thérèse. ”Dans certaines familles, elle est quasi centenaire ! La mienne s’est abîmée avec le temps. Aussi, ma fille, Valérie, la maman de Romy, en a fait faire une nouvelle pour que ses quatre enfants puissent la mettre le jour-J de chacune.”
Réjouissances et partages
“Jadis, seules les femmes étaient conviées à la cérémonie du henné. Aujourd’hui, les hommes le sont aussi”, poursuit-elle. Durant ce rendez-vous mémorable, les deux familles officialisent leur alliance et couvrent la mariée de bijoux en or. Les futurs époux s’offrent aussi mutuellement des présents. Outre ces cadeaux, la pose du henné est également un moment très attendu par les convives. “Chaque mère met à l’autre fiancé le henné dans la main sous forme de boule, appuyé d’un Louis d’or puis attaché avec un ruban rouge”, décrit Thérèse. Tout au long de cette soirée féérique, les invités enflamment la piste de danse au son de la musique andalouse et châabi jouée par un orchestre. “Pour moi, un mariage juif marocain, c’est la cérémonie du henné, la keswa el kebira et la chanson Abiady”, appuie Zhor Rehihil. “D’ailleurs, dès que la mariée arrive en portant sa keswa el kebira, l’orchestre ainsi que les invités commencent à chanter ce beau titre que, personnellement, j’adore.”
Purification et sacralité
Après cette soirée inoubliable, suivent des étapes plus solennelles comme le Mikvé (bain rituel) et la cérémonie religieuse. Sur le tapis rouge, les futurs mariés s’avancent vers la houppa où sera célébrée l’union. C’est un dais nuptial constitué d’une étoffe posée sur quatre piliers, joliment décorés et ouverts. “Il symbolise le futur foyer qui sera construit par le couple”, indique Thérèse. Sous cette tonnelle, le Rabbin procède à la lecture de la Ketouba, contrat de mariage rédigé en amont, avant que les deux époux s’échangent leurs alliances. “Le marié scelle son engagement avec une bague en or à passer à l’index de la main droite de sa femme qui la mettra elle-même à l’annulaire de sa main gauche”, fait remarquer Thérèse. “Un geste fort, signifiant qu’elle donne son accord. Et à la fin de la cérémonie religieuse, le marié portant son Talith (châle de prière) brise un verre blanc (cassable) en mémoire du Beth Hamikdach (le sanctuaire) détruit”. Ensuite, la soirée est lancée ! C’est une très grande fête qui est loin d’être la dernière puisque après leur union, les jeunes mariés sont reçus chaque soir par un membre de la famille ou des amis. “Cela correspond aux Cheva Brahots, (les 7 bénédictions)”, explique Thérèse. “Chaque soir, une prière sera récitée afin de bénir le couple”. “Ce mariage représente le début d’une nouvelle vie, celle avec mon époux, bâtie dans le respect de la religion juive et enrichie par la culture marocaine qui nous a nourris, confie Romy. C’est un héritage dont je suis extrêmement fière !”