Selon les derniers chiffres du World Obesity Atlas 2025, la situation du surpoids et de l’obésité au Maroc est alarmante. En effet, 24 % des adultes souffrent d’obésité. D’ici 2030, près de 17 millions de Marocains pourraient être concernés par ce phénomène. “Il faut reconnaître l’obésité comme une maladie et comprendre que lorsque les personnes ont recours à la chirurgie bariatrique, ce n’est absolument pas pour des raisons esthétiques, mais pour des raisons médicales. L’obésité engendre plusieurs maladies cardiovasculaires, essentiellement l’hypertension artérielle, le diabète, l’infertilité, ainsi que des problèmes psychologiques qui isolent la personne en surpoids. L’obésité est un vrai problème de santé publique à prendre au sérieux pour ne pas arriver au stade de l’obésité morbide, qui nécessite une prise en charge très particulière”, insiste Dr. Mohammed Kohen, chirurgien spécialisé dans le traitement de l’obésité. Pour pallier à ce problème, la chirurgie bariatrique regroupe plusieurs techniques chirurgicales destinées à réduire la taille de l’estomac et/ou à modifier le processus de digestion, afin de favoriser une perte de poids durable. Contrairement aux idées reçues, cette chirurgie est une véritable solution médicale pour les personnes en surpoids sévère. Le Dr. Richard Abittan, chirurgien spécialisé dans le traitement de l’obésité, précise pour sa part que “la chirurgie bariatrique est réservée aux personnes souffrant d’obésité lorsque les autres méthodes (régime, activité physique, rééducation alimentaire) ont échoué. Cette intervention est généralement recommandée lorsque l’indice de masse corporelle (IMC) d’un patient dépasse 35-40 kg/m² et que les solutions conventionnelles ne donnent plus de résultats.” Il existe plusieurs types d’interventions, chacune adaptée à des besoins spécifiques. Certaines sont aujourd’hui obsolètes, comme le souligne le Dr. Abittan: “L’anneau gastrique ne se pratique quasiment plus, c’est rarement une solution durable”. Même constat du côté du Dr. Kohen. Pour ce praticien, “l’anneau gastrique n’est pas la seule intervention qui ne se pratique plus, le ballon gastrique aussi, car il présente plus d’effets indésirables que de bénéfices. Une fois que la personne retire le ballon, elle reprend ses habitudes alimentaires et, par conséquent, les kilos perdus”.
Au fil du temps, le Maroc est devenu une destination prisée pour la chirurgie en tout genre en raison de ses cliniques modernes et bien équipées, qui offrent des soins de qualité à des prix plus abordables, sans compromis sur les standards internationaux. “Avant toute intervention, un bilan médical complet est effectué pour évaluer l’éligibilité du patient, et une rééducation alimentaire est souvent recommandée”, explique le Dr. Kohen. Les opérations sont réalisées sous anesthésie générale et nécessitent généralement quelques jours d’hospitalisation, et ensuite un suivi médical et nutritionnel pour assurer un amaigrissement durable et éviter les carences.
Sleeve gastrectomie et bypass : quésaco ?
En matière de chirurgie bariatrique, seules deux méthodes sont couramment pratiquées : la sleeve et le bypass. “Les deux opérations se font sous cœlioscopie, c’est-à-dire que l’on n’a pas besoin d’ouvrir le ventre. Il s’agit simplement de 4 ou 5 petites incisions presque invisibles à travers lesquelles on passe les instruments pour réaliser l’intervention”, explique Dr Kohen. La sleeve gastrectomie est une chirurgie de réduction qui consiste à retirer une grande partie de l’estomac (environ les deux tiers) pour réduire la sensation de faim et limiter la quantité d’aliments ingérés. “Le but de cette opération est d’offrir une satiété précoce, c’est-à-dire que l’on mange très peu. Avec cette opération, le patient perd 60 à 70 % de l’excès de poids”, précise le chirurgien. L’opération dure environ 30 minutes et nécessite une surveillance de 24 à 48 heures. “La sleeve est une intervention largement pratiquée, notamment chez les patients souffrant d’hyperphagie. Elle permet une perte de poids efficace et une amélioration notable du diabète et de l’hypertension”, confirme Dr. Abittan. Cependant, elle nécessite une supplémentation en vitamines pendant un an et peut provoquer un reflux gastro-œsophagien dans 20 à 30 % des cas. La récupération dure environ 10 jours et le coût varie entre 50.000 et 70.000 dirhams, selon l’IMC du patient. Le bypass gastrique, quant à lui, est une chirurgie à la fois restrictive et malabsorptive. “On réduit la taille de l’estomac à celle d’un œuf et on court-circuite le début de l’intestin grêle, où se fait l’absorption des vitamines et des oligoéléments. Les patients maigrissent forcément, car l’estomac est réduit au minimum et les aliments ne sont pas totalement absorbés”, explique Dr. Kohen. Le bypass donne des résultats similaires à la sleeve, mais ses indications sont différentes. “Personnellement, je réserve le bypass aux patients qui ont une hernie hiatale ou un reflux gastrique”, précise le chirurgien. Cependant, cette intervention comporte des risques à long terme, notamment des occlusions intestinales. “Il est impératif pour le patient d’avoir une supplémentation vitaminique à vie, car les vitamines ne sont pas absorbées. Il doit aussi être très vigilant et consulter en cas de douleur suspecte”, alerte Dr. Kohen. Le bypass gastrique coûte environ 70.000 dirhams. La chirurgie bariatrique nécessite un suivi rigoureux par une équipe pluridisciplinaire (chirurgien, diététicien, psychologue et coach). L’obésité étant une maladie chronique, un encadrement régulier est essentiel pour éviter les récidives. Un patient est considéré comme ayant réussi son intervention s’il perd au moins 50 % de son excès de poids en 18 à 24 mois. La qualité de vie s’améliore significativement sur le plan physique et psychologique. Cependant, la chirurgie agit sur l’estomac, pas sur le cerveau : environ 25 % des patients reprennent partiellement du poids après une sleeve en quatre ans, contre 5 % après un bypass. Pour ceux qui hésitent, le Dr. Abittan recommande de consulter un spécialiste de l’obésité et de rejoindre des groupes de patients opérés pour s’informer et échanger des expériences. La chirurgie bariatrique est donc une option efficace pour les personnes souffrant d’obésité sévère, mais elle doit être abordée avec sérieux. Un bon encadrement médical et un engagement personnel sont les clés du succès pour transformer durablement sa vie.
Anneau et ballon gastrique : des méthodes désuètes
Autrefois populaire, l’anneau gastrique est aujourd’hui rarement pratiqué. “C’est une opération qui est banni du protocole chirurgical, plus personne ne pose d’anneau ! Cela a causé énormément de problèmes et on s’est rendu compte que l’on enlevait pratiquement 8 anneaux sur 10 au bout de 5 à 6 ans parce que soit il migre, soit il abîme l’estomac, soit il n’est plus efficace dans la durée”, affirme Dr. Kohen. L’anneau gastrique présente donc un risque de complications (glissement, infections dans 2 à 5 % des cas) et offre des résultats souvent non durables. “De nombreux patients finissent par le retirer, une opération parfois plus complexe que la pose initiale. Son coût est d’environ 35.000 dirhams”, confirme Richard Abbitan. Si l’anneau gastrique n’est plus en vogue, le ballon gastrique, autrefois utilisé comme solution temporaire pour la perte de poids, est pratiquement abandonné de nos jours en raison de ses nombreux effets secondaires. “C’est une solution que je ne vois pas d’un très bon œil”, confirme Mohammed Kohen avant de préciser, “c’est un ballon que l’on pose dans l’estomac par voie endoscopique. En général on fait une cœlioscopie pour s’assurer de la qualité de l’estomac, on s’assure qu’il n’y a pas de germe associé, pas d’ulcère et à ce moment-là on autorise la pose du ballon que l’on enlève 6 à 9 mois après, toujours sous anesthésie. Or l’inconvénient de cette pratique est que le patient doit faire deux anesthésies et qu’il doit prendre un traitement durant toute la durée où il porte le ballon. Le deuxième inconvénient et qui est, pour moi, majeur, est que lorsque l’on enlève ce ballon, on se retrouve avec une configuration normale de l’estomac et par conséquent il y a une reprise de poids.” Contrairement aux autres interventions, ce ballon peut être posé chez les personnes qui ont un IMC inférieur à 30, et actuellement, rappelle Dr. Abittant, il a été remplacé par “les injections de sémaglutide, une approche plus efficace pour gérer le surpoids”. Le sémaglutide agit comme un coupe-faim en imitant une hormone intestinale appelée peptide-1, qui cible les zones du cerveau qui régulent l’appétit et la prise alimentaire. L’hormone est libérée après les repas et donne généralement une sensation de satiété, ce qui contribue à réduire l’apport calorique global. “Ces injections doivent être prescrites par un médecin, elles ne doivent pas être prises sans ordonnance médicale car elles peuvent provoquer de nombreux effets secondaires dont des troubles gastro-intestinaux, des pancréatites ou des hypoglycémies”, souligne Richard Abittan. Les injections hebdomadaires d’analogues du GLP ralentissent la vidange gastrique et augmentent la satiété, offrant une alternative pour les surpoids circonstanciels. Toutefois, ce traitement ne peut être pris à vie.