L’été évoque souvent les escapades au soleil et les journées sans contraintes. Mais pour de nombreux parents célibataires, cette saison n’est pas toujours synonyme de farniente. Contrairement aux familles avec deux adultes à bord, le parent solo n’a souvent que peu de relais. Selon Noura Kadim, psychiatre et psychothérapeute, la disparition du cadre scolaire modifie profondément l’organisation familiale. “Les vacances d’été représentent de nombreux défis pour les parents célibataires. Durant l’année scolaire, le cadre structurant de l’école allège en partie leur charge mentale et organisationnelle. Mais en été, ce repère disparaît, laissant le parent solo face à un quotidien à gérer seul, à temps plein”. Même constat du côté d’Imane Oukheir, pédopsychiatre et psychothérapeute, qui explique que “l’absence de l’autre parent est l’équivalent d’absence de relais et de soutien, du coup on se retrouve à gérer le budget, les activités, le planning seul, mais aussi les moments d’excitation et de frustration des enfants et les conflits du quotidien. Cela laisse peu de temps au parent tuteur de retrouver un rythme de vacances reposant”.
Une charge omniprésente
À cette surcharge quotidienne s’ajoute une pression multiple. “Comparés aux familles biparentales, les parents célibataires subissent une pression accrue. D’abord, sur le plan financier avec des dépenses estivales qui s’accumulent. Puis sur le plan émotionnel, en l’absence d’un soutien dans les prises de décision ou les moments de découragement ; et parfois même sur le plan environnemental, lorsqu’ils évoluent sans réseau de proximité ou d’entraide”, explique Noura Kadim. Au-delà des contraintes matérielles, c’est aussi le regard social qui pèse. Les représentations idéalisées de la famille en vacances peuvent renforcer le sentiment de décalage et d’exclusion. “La comparaison aux autres modèles familiaux ou bien la nostalgie des vacances antérieures peut être un facteur fragilisant. Les médias et les publicités autour des vacances n’aident pas en présentant un seul modèle familial fait du couple parental et des enfants. Cela peut isoler socialement le parent célibataire et le confronter à des projets de vacances limités”, souligne Imane Oukheir.
Des besoins fondamentaux à ne pas négliger
Malgré toutes ces contraintes, les expertes relèvent qu’il est possible de faire de l’été une parenthèse sereine, à condition de garder en tête les besoins fondamentaux des enfants. Et le premier d’entre eux est le besoin d’attention. “Pendant ces vacances, les enfants ont souvent un besoin accru de proximité affective. Libérés du rythme scolaire, les enfants cherchent naturellement à renforcer leurs liens avec leurs figures d’attachement. Il est donc essentiel de leur consacrer davantage de temps de qualité. Cela nourrit leur sentiment de sécurité intérieure et favorise leur développement émotionnel”, affirme Noura Kadim. Dans le quotidien d’un parent solo, cette disponibilité n’est pas toujours évidente. C’est pourquoi, selon Imane Oukheir, il ne s’agit pas d’être disponible tout le temps, mais de capitaliser sur des instants précieux. “Le plus important, pour les parents solos, est de miser sur des moments de qualité: un jeu, une sortie, un atelier cuisine ou une activité sportive… Ces instants partagés renforcent le lien. Il est aussi précieux de laisser à l’enfant du temps pour lui, afin qu’il puisse se découvrir, gagner en autonomie et mieux apprécier les moments de connexion avec son parent”, insiste la psychothérapeute.
Des repères souples mais essentiels
Même en vacances, les enfants ont besoin de repères pour se sentir en sécurité. Ce cadre peut être plus souple qu’en période scolaire, mais il reste nécessaire. “Des horaires réguliers pour les repas et le sommeil contribuent à préserver les rythmes biologiques de l’enfant, indispensables à son équilibre général. Cette stabilité douce crée un environnement à la fois rassurant et propice à l’épanouissement”, note Noura Kadim. Dans la même veine, Imane Oukheir fait savoir que la mise en place de routines aide l’enfant à se repérer dans le temps. “Cela peut concerner le sommeil, les repas, les activités… Et il est important de l’impliquer dans la construction du planning, tout en respectant ses attentes, ses besoins et son unicité”, conseille-t-elle.
Résister à l’épuisement émotionnel
Mais quand la fatigue s’installe, que le stress monte et qu’il n’y a personne pour relayer, comment continuer à offrir à son enfant un cadre rassurant ? Là encore, les spécialistes rappellent qu’il n’est pas nécessaire d’être un parent parfait pour bien faire. Imane Oukheir souligne d’abord que les enfants perçoivent très vite l’état émotionnel du parent, même lorsqu’on tente de le dissimuler. “L’état émotionnel de l’adulte peut être repéré par nos enfants à travers nos mimiques, notre tonalité de voix, notre posture, notre attitude sociale et l’attention qu’on leur prête”, explique-t-elle. Face à un trop-plein, la pédopsychiatre encourage les parents à en parler clairement. “Démystifier les débordements d’émotions chez le parent demande d’accepter notre imperfection en premier, et de donner le modèle à nos enfants. Leur dire qu’on a besoin d’un moment pour soi, qu’ils n’y sont pour rien, et choisir une bulle de régulation : marcher, respirer, prendre un thé… Ces gestes permettent de retrouver un minimum de calme intérieur avant de renouer avec l’enfant”, détaille la psychothérapeute. Et de poursuivre : “quand on est mieux centré, on peut reprendre la connexion avec nos enfants à travers des gestes d’affection. Et quand c’est nécessaire, libérer la parole autour de ce qui s’est passé”. Même son de cloche chez Noura Kadim qui relève que l’équilibre de l’enfant passe avant tout par une communication sincère et sécurisante. “Même lorsque le parent est fatigué, stressé ou débordé, il est possible de préserver l’équilibre émotionnel de l’enfant en adoptant une attitude ouverte, bienveillante et rassurante. Dire calmement, par exemple, “je suis un peu à bout, mais ça n’a rien à voir avec toi”, permet à l’enfant de comprendre, sans se sentir coupable ou inquiet. Les gestes simples d’affection, comme un câlin, un sourire ou quelques minutes de jeu, suffisent souvent à maintenir le lien”, explique-t-elle. In fine, si l’été peut représenter un vrai défi pour les parents solos, il peut aussi devenir un vrai moment de complicité. À condition de ne pas viser l’idéal, mais de cultiver la proximité, les repères souples et l’écoute des émotions, chez soi comme chez son enfant.