Transmission ou transition : le mariage consanguin en question

Longtemps perçu comme un pilier de stabilité au sein de nombreuses familles marocaines, le mariage entre cousins continue d’exister aujourd’hui, bien que sa prévalence est en net recul. Portée par la volonté de préserver les liens familiaux et le patrimoine, cette pratique soulève désormais de nombreuses interrogations, tant du point de vue social qu’éthique, médical et psychologique. Explications.

Le mariage consanguin ne relève pas d’une spécificité marocaine. Il s’inscrit dans un héritage partagé par plusieurs sociétés du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Asie du Sud, où il est encore perçu comme une norme. En 2019, au Maroc, environ 18% des mariages recensés étaient consanguins. En milieu rural, ce taux atteint 20,41 %, contre 13,51 % dans les villes. Ces unions sont souvent motivées par le désir de préserver la cohésion familiale, de maintenir les biens au sein du cercle proche, et d’assurer une continuité des valeurs perçues comme sécurisantes.

D’un point de vue sociologique, cette pratique résulte d’une combinaison de facteurs historiques, sociaux et culturels. Pour bien la comprendre, il est essentiel de la replacer dans un contexte plus large, qui dépasse la seule tradition ou la religion. Pour beaucoup, il s’agit d’un moyen de renforcer les solidarités familiales et de garantir une stabilité sociale et économique”, explique Mouhcine Hichy, consultant en développement humain et en sciences sociales. Ces mariages sont aussi parfois associés à une forme de contrôle social et communautaire, où le choix du ou de la partenaire s’inscrit dans des logiques collectives plutôt qu’individuelles.

Au-delà des considérations traditionnelles et culturelles, ce type de mariage peut également être motivé par des raisons économiques, où la priorité est donnée à la conservation du patrimoine familial. “Il s’agit d’éviter de ‘sortir’ les biens familiaux du cercle proche et d’assurer une continuité économique, répondant ainsi à un besoin de stabilité sociale”, déclare Hichy. Cependant, ces mariages peuvent également engendrer des conflits et perturber les dynamiques familiales. En cas de désaccord au sein du couple, les familles se retrouvent souvent impliquées, ce qui peut causer des dommages à long terme.

Une pratique en recul chez les jeunes 

L’accès plus large à l’éducation, la transformation des mentalités, ainsi qu’une exposition accrue aux modèles conjugaux alternatifs, ont contribué à une remise en question progressive de cette tradition. Les jeunes générations expriment un désir croissant d’autonomie affective, de liberté de choix, et d’égalité dans la relation.

“Ce n’est pas un rejet des valeurs familiales, mais la volonté d’y inscrire des aspirations plus personnelles, affectives et parfois même spirituelles”, souligne Hichy. Ce tournant illustre une tension entre héritage et modernité, entre pression sociale et quête d’émancipation individuelle.

Des risques sanitaires 

Au-delà des aspects culturels, les implications médicales du mariage consanguin sont largement connues. De nombreuses études internationales démontrent un lien significatif entre la consanguinité et une augmentation du risque de maladies génétiques héréditaires, notamment les troubles récessifs rares, les malformations congénitales, ou certaines pathologies neurodéveloppementales.

La probabilité que deux individus apparentés transmettent un gène muté à leur descendance est plus élevée. Ce facteur est directement associé à un risque accru de troubles tels que les déficiences intellectuelles, les troubles moteurs ou certaines maladies rares”, précise Ibtissam El Kebir, médecin spécialiste en gynécologie-obstétrique. Elle ajoute que ce type d’union devrait toujours s’accompagner de conseils génétiques appropriés, notamment lorsqu’il existe des antécédents familiaux. De plus, il a été démontré que les enfants issus de mariages consanguins présentent un risque accru de malformations congénitales ainsi qu’un taux de mortalité infantile plus élevé. La consanguinité est également suspectée de jouer un rôle dans l’augmentation de la prévalence de maladies complexes et multifactorielles, notamment les troubles mentaux. “Plusieurs études ont établi un lien significatif entre consanguinité et troubles psychiatriques, notamment une hausse de la fréquence de la schizophrénie et des troubles bipolaires chez la descendance de parents apparentés”, souligne Ibtissam El Kebir.

Des répercussions psychologiques et sociales

Le mariage consanguin peut également avoir un impact sur la dynamique conjugale. Le poids des attentes familiales, la proximité des liens de parenté et la confusion des rôles entre sphères privées et élargies peuvent créer des tensions spécifiques. Dans certains cas, cette pression – qu’elle soit affective ou sociale – limite la liberté personnelle, notamment chez les femmes, et entrave la qualité de la relation.

“Quand la famille impose une union, le couple naît parfois sans réel fondement affectif. Cela peut générer des conflits, du ressentiment, et nuire à l’épanouissement des deux partenaires”, note Mouhsine Hichy.

Quel avenir pour cette tradition ? 

Aujourd’hui, le mariage consanguin se trouve à la croisée des chemins. Il continue de séduire une partie de la population pour des raisons identitaires, économiques ou religieuses, mais il est aussi de plus en plus remis en question au nom de la santé publique, de l’épanouissement personnel et de la diversité des choix conjugaux.

Plutôt que d’ériger un modèle contre un autre, il s’agit peut-être d’encourager un dialogue intergénérationnel serein, appuyé sur des données scientifiques et des valeurs de respect mutuel. Car au-delà des traditions, ce sont des vies qui se jouent et des destins qui méritent d’être choisis.

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