Chaque foyer aborde la période de Ramadan de manière différente. Pour certains couples, ce mois cristallise l’entraide et la coopération au sein du couple tandis que dans d’autres foyers, la répartition inégalitaire des tâches ménagères persiste ; les femmes étant perçues comme les gardiennes de l’harmonie familiale, responsables de la préparation des repas et de l’ambiance générale pendant le mois sacré. “Ramadan ne se limite pas uniquement à un bouleversement des horaires alimentaires, mais il redéfinit aussi bien les dynamiques familiales que relationnelles”, analyse Narjis Lamghabbar, psychologue et coach en développement personnel. Aussi, lorsque dans certaines familles, chaque membre du couple s’engage à alléger la charge de l’autre, renforçant ainsi la complicité et la solidarité au sein de la famille, dans d’autres foyers, le poids des traditions reste lourdement enraciné, en particulier pour les femmes. “Ce mois sacré révèle à la fois des inégalités persistantes et des dynamiques de partage qui se développent peu à peu. Chaque couple compose avec sa propre vision des responsabilités, oscillant entre héritage culturel et adaptation aux réalités contemporaines”, relève la psychologue.
Le poids des traditions
Les multiples perturbations tant physiologiques que comportementales induites par le jeûne ne sont rien en comparaison avec la charge de travail des femmes, contraintes d’assumer une double, triple, voire quadruple journée de travail. La charge mentale des femmes, particulièrement pendant le Ramadan, est souvent exacerbée par une répartition inégale des tâches domestiques. Cette charge mentale dépasse la simple gestion des repas. Elle inclut la transmission des traditions, l’anticipation des besoins et l’organisation de l’espace familial. “La femme joue souvent un rôle central dans cette harmonie émotionnelle et spirituelle”, poursuit la spécialiste.
Pour elle, Ramadan est une période où l’émotionnel, le spirituel et le social se mêlent, et où les femmes sont souvent responsables du maintien de l’équilibre de ces aspects. Ce phénomène est le reflet de rôles traditionnels profondément ancrés, parfois renforcés par des attentes implicites. “La charge mentale ne se limite pas à une inégalité dans la répartition des tâches, elle est aussi le reflet d’habitudes profondément ancrées et de perceptions qui méritent d’être réajustées”, explique la coach en développement personnel. L’impact d’une charge de travail inégalement répartie pendant le Ramadan va au-delà de la fatigue physique.
Cela peut engendrer un épuisement mental, une frustration et un sentiment d’injustice qui affecte l’harmonie du couple. La spécialiste met tout particulièrement l’accent sur “l’absence de reconnaissance qui pèse énormément. Lorsque les efforts sont perçus comme une évidence plutôt que comme une contribution volontaire, cela crée du ressentiment et altère l’atmosphère du mois sacré”, ajoute Narjis Lamghabbar. L’effet psychologique de cette inégalité peut nuire à l’harmonie familiale et transformer une période de spiritualité en un terrain de tensions. La coach estime qu’il est essentiel de reconnaître les efforts de l’autre, même pour des petites tâches, car cela permet de maintenir un climat de sérénité au sein du foyer.
Un partage des tâches équitable
Les attentes culturelles et les traditions jouent un rôle central dans la répartition des tâches pendant Ramadan. “Les repas, l’accueil et l’harmonie familiale sont perçus comme une responsabilité féminine”, estime la psychologue . Cependant, ces traditions ne sont pas figées. De plus en plus de couples optent pour le partage des tâches, la simplification des repas tout en essayant de revoir leurs priorités afin de favoriser une atmosphère plus sereine. En effet, les traditions peuvent ainsi être à double tranchant : perpétuer des déséquilibres ou être réinventées pour mieux correspondre à une vision plus moderne et équilibrée du couple. Dans ce sens, Narjiss Lamghabbar insiste sur l’importance de prendre conscience des attentes sociales et de faire la différence entre ce qui relève de réelles obligations et ce qui est imposé par la pression sociale. “Ramadan n’impose pas aux femmes de tout gérer seules. Ce cadre peut être revisité en favorisant le partage et la collaboration”, insiste la coach qui nous livre ses conseils pour éviter que la répartition des tâches ne devienne une source de tensions au sein du couple. Simplifier les repas, répartir les responsabilités en fonction des disponibilités de chacun, privilégier la qualité des moments passés ensemble et inclure les enfants dans les tâches domestiques dès leur plus jeune âge permet de briser les schémas traditionnels. La psychologue insiste sur l’importance de dialoguer et d’exprimer ses ressentis : “Trop souvent, les déséquilibres s’installent sans être verbalisés. Chacun suppose que l’autre perçoit naturellement l’effort fourni.” Anticiper la répartition des tâches avant le début du mois de Ramadan et ajuster les attentes est une méthode efficace pour éviter les malentendus. En acceptant que Ramadan ne doit pas forcément rimer avec perfection, les couples peuvent alléger la charge mentale et renforcer leur complicité. Aussi, plutôt que de considérer Ramadan comme une accumulation de contraintes, il peut être envisagé comme un moment privilégié pour renforcer l’entraide, l’écoute et la complicité. “Ramadan est une opportunité de se retrouver, de redonner un souffle nouveau à la relation”, souligne Narjis Lamghabbar. En partageant les responsabilités, en s’accordant des moments de complicité et en cultivant une communication plus ouverte, ce mois sacré peut devenir un espace où le couple se redécouvre et renforce son harmonie.