« Je continuerais à rêver, tant que le rêve restera gratuit ». Telle est la démarche de Mourad Fedouache, photographe de 22 ans lauréat de l’émission Dream Artist de 2M, qui s’expose ce jeudi 9 mars à Casablanca. « Dans From Douar Shanty to New York, le projet photographique de Mourad Fedouache, il est question d’un rêve. Celui d’un gosse des bidonvilles de la grande périphérie de Kénitra, plus particulièrement de Sidi Yahya El Gharb, qui rêve de conquête du monde et d’ailleurs lointains. Pour Mourad il s’agit beaucoup moins d’une géographie physique qui s’encombre de mille et une contraintes frontalières, administratives, financières… que d’une géographie du rêve, beaucoup plus accessible » explique Amine Boushaba, commissaire de l’exposition – voyage, invitation dans une immersion totale dans son douar.
Quand l’intime dépeint les clichés
Un travail centré sur l’intime, voir l’introspection, dévoilant des morceaux d’histoires personnelles, loin, très loin de tout cliché misérabiliste ou de voyeurisme indécent. L’œil de Mourad est empreint d’une empathie certaine pour les siens. A travers ses « paysages humains », il nous invite à partager le quotidien d’une communauté forte et fragile à la fois.
Mourad nous invite chez lui, à partager les fêtes familiales, les rituels religieux, les joies et les peines. Une porte entrouverte sur une sphère des plus intimes, qu’il a su capter avec une esthétique puissante et généreuse. Un quotidien, qui malgré les difficultés, les privations, est fait de solidarité, de gestes de tendresse, de franche camaraderie, et de beaucoup de dignité.
Retranscrire l’intensité de moments, par un geste, un regard, c’est bien ce que fait Mourad Fedouache, en mettant les figures humaines toujours au centre de son travail. S’il n’hésite pas à dépeindre les conditions de vie extrêmement difficiles dans son douar, c’est à travers les yeux rieurs des enfants qu’il raconte le monde. Son regard effleure ses personnages, évoquant bien plus la douceur d’une caresse que la colère d’un coup de poing, que l’artiste du haut de ses 22 ans aurait pu légitiment revendiquer. Au lieu de cela, Mourad use de sa caméra comme il userait d’un pinceau, se jouant d’une palette chromatique faites de jaunes d’or, de bleus intenses ou de rouges orangés, sublimée par une lumière incidente qui exulte la lisibilité de chaque détail de ses « scènes humaines ».
Cela confère un aspect quasi solaire aux visages des enfants que Mourad capture avec beaucoup de délicatesse, et qui nous renvoient vers un optimisme des plus contagieux. Aussi attentionnés soient-ils, les clichés de Mourad Fedouache ne sont pas moins engagés. Son travail, attendri l’œil au premier regard, mais il impacte, questionne et peut même déranger, tant il est le reflet d’une réalité sans filtre. En photographiant des moments de vie, miroir d’une dure réalité, en ce faisant diariste de cette vie dépouillée et sans artifice, il en appelle à notre sensibilité. Entre humanisme, humilité et finesse, Mourad Fedouache nous raconte le quotidien d’une communauté, si proche et si éloigné du notre. From Douar Shanty to New York est un magnifique pied de nez, une belle et touchante farandole, contre les aprioris et les clichés douteux qui nous encombrent.