Sofia El Khyari est la pionnière marocaine dans le secteur du film d’animation. Elle a dernièrement reçu la mention spéciale du jury pour son court-métrage “L’ombre des Papillons” lors du Festival international de cinéma d’animation (FICAM) 2023. A l’occasion de sa 21ème édition, cette manifestation culturelle de renom lui a également rendu hommage à travers une exposition, qui se prolonge jusqu’au 29 avril 2023, regroupant une partie de sa filmographie. Des courts-métrages poétiques et poignants. « C’est un honneur car le FICAM a une place à part pour moi”, confie la réalisatrice qui a remporté le Prix du Public FICAM® 2018 pour « Ayam ». “Les organisateurs ont cru à mon travail et mon potentiel, soutenant plusieurs de mes créations ”.
L’artiste en herbe s’éveille au féminisme
Sofia El Khyari impressionne par son coup de crayon. “J’ai toujours dessiné, se remémore-t-elle. En classe, je gribouillais pour me créer mon propre univers”. Un loisir prenant qui se transforme très vite en passion dévorante. Lors d’une journée rencontre métiers au lycée, elle découvre la profession de cinéaste d’animation. Sous le charme, Sofia El Khyari en parle à ses parents. “Il a fallu négocier avec eux, au départ inquiets de me voir choisir un milieu inexistant au Maroc et une niche à l’étranger.” Pour les rassurer, elle décroche un Master en gestion culturelle à Bordeaux, tout en prenant des cours du soir à l’école des Beaux-arts. Puis, elle fait une prépa d’art à Paris durant laquelle elle réalise, en 2015, son premier court-métrage “Le Grain de ta peau” dans lequel elle mène une réflexion, très poétique, sur les injonctions faites aux femmes, en auto-découverte et auto-surveillance permanente de leur corps. Une œuvre à mi-chemin entre pensée féministe et conte philosophique. En 2016, Sofia El Khyari s’envole à Londres où elle intègre le prestigieux Royal College of Art de Londres, section animation. Là-bas, elle réalise le court-métrage “Ayam” qui sera un tremplin pour sa carrière. Dans ce film, trois générations de femmes marocaines se racontent lors de la préparation de l’Aïd El Kébir. “Elles parlent de leurs sacrifices pour leurs enfants, indique-t-elle. Ce sont des souvenirs personnels”, évoquant ainsi celui de sa grand-mère qui a été un modèle pour elle. Pour incarner sa voix, Sofia El Khyari a fait appel à la célèbre actrice feue Amina Rachid, donnant encore plus de résonnance à ce court-métrage qui a séduit au-delà du Maroc puisqu’il a été projeté dans une cinquantaine de festivals à travers le monde et a reçu 10 prix dont la plupart, internationaux.
Montrer la voie
D’autres œuvres s’en suivront comme “Le Corps poreux”, “Vision Trouble” et son dernier-né “L’ombre des Papillons”. Dans tous ses films, les femmes jouent le premier rôle dans un univers onirique et sensorielle en perpétuelle évolution. Pour chacun, elle use d’une technique graphique différente : de l’encre à l’aquarelle en passant par le papier découpé ou la photo. “Le travail et la rencontre des bonnes personnes, m’ont permis d’arriver où je suis aujourd’hui”, affirme tout simplement cette jeune réalisatrice qui a su s’imposer dans ce milieu si masculin, n’omettant pas la difficulté des financements empêchant l’essor des réalisatrices dans les long-métrages du cinéma d’animation. Peu importe. Elle rêve d’en faire un. “Je ne peux pas dire quand encore”, précise la trentenaire qui trouve son inspiration auprès des femmes fortes de sa famille mais aussi du cinéma à l’instar de la Marocaine Farida Benlyazid, la Canadienne Michèle Cournoyer, la Française Florence Miaihle ou encore la Kenyane Ngendo Mukii. Pour l’heure, celle qui réside à Angoulême, la capitale de la BD et de l’animation, projette de créer sa propre société de production au Maroc. “Il faut bien faire bouger les lignes pour montrer la voie”, sourit-elle.
Tous ses courts-métrages sont disponibles sur : http://sofiaelkhyari.com
