Ses œuvres, imprégnées d’une sensibilité particulière, oscillent entre abstraction et réalisme, entre tradition et modernité, entre Paris et Essaouira. Née en 1950 à Paris, d’une mère française et d’un père marocain, Najia Mehadji est une artiste au parcours singulier, naviguant entre deux cultures depuis plus de trois décennies. Parisienne de naissance, elle a passé son enfance dans la capitale française, où ses talents artistiques ont éclos dès son plus jeune âge. “J’ai commencé à peindre à l’âge de 10 ans”, confie-t-elle. “Tous mes professeurs m’encourageaient à ne pas lâcher…” Durant cinq années, elle se consacre à la peinture de paysages marins, s’inspirant de cartes postales pour créer ses œuvres.
Après son baccalauréat, elle franchit le seuil des prestigieuses écoles des beaux-arts de Paris, un pas décisif dans sa quête de vérité, de connaissance, de reconnaissance. “C’était une période d’exploration, d’émancipation”, raconte-t-elle, évoquant les tumultueuses années 70, où l’art se confondait avec la révolte, où la création se rebellait contre les normes établies. Elle se lança alors dans des performances artistiques, des happenings audacieux, où le corps et l’esprit se donnaient rendez-vous pour transcender les limites de l’art conventionnel. “J’ai fait énormément de performances sur le plan sonore et graphique.” Pour subvenir à ses besoins, elle enseigne l’expression corporelle dans un conservatoire de musique, partageant son temps entre création artistique et enseignement.
C’est dans les années 80 que sa vie prend un tournant décisif. “Mon mari et moi avons eu un coup de cœur pour Essaouira”, se remémore-t-elle. “C’était une ville un peu abandonnée mais qui avait énormément de charme.” La ville côtière marocaine devient alors son deuxième foyer, où elle trouve inspiration et sérénité pour son travail artistique. “Essaouira est aussi entourée d’une campagne encore aujourd’hui extrêmement authentique”, explique Najia Mehadji. Fascinée par l’artisanat marocain, en particulier par la broderie et la tradition florale, elle trouve dans cette culture une source d’inspiration inépuisable. Dans cette oasis de sérénité, son atelier devint un sanctuaire de créativité, “baigné par la lumière unique du vent qui chasse les nuages et pare la ville d’une aura mystique”, détaille l’artiste. Les souks odorants, les broderies chatoyantes, les jardins parfumés de roses et de jasmin… Essaouira lui offrit une palette infinie de sensations, une symphonie de couleurs et de textures qui imprégne son art d’une nouvelle profondeur. “La fusion des cultures, c’est cela”, affirme-t-elle. “C’est ce que m’a offert le Maroc : une richesse inépuisable, un équilibre entre tradition et modernité.”
L’art au féminin
Parallèlement à sa carrière artistique, Najia Mehadji s’engagea dans la lutte pour la reconnaissance des femmes artistes dans les années 70. “Il fallait se battre pour arriver à exposer”, se souvient-elle, évoquant des luttes féministes dans un monde artistique dominé par les hommes. “Nous nous réunissions, nous nous soutenions, nous nous exprimions dans des ateliers clandestins, des cercles restreints.” Cette résistance et cette solidarité féminine demeurent ancrées dans sa mémoire, alimentant sa détermination à faire reconnaître le talent des femmes artistes. Aujourd’hui, elle se réjouit des progrès réalisés en matière d’égalité des sexes dans le monde de l’art, tout en restant vigilante.
Au fil des années, son style évolue, se transforme et se réinvente, à l’image de son parcours tumultueux et de ses expériences riches et variées. “Au départ, je refusais d’utiliser les pinceaux traditionnels”, révèle-t-elle avec un sourire espiègle. “Je cherchais autre chose, une manière unique de capturer la vie, les émotions, les sensations.” C’est seulement en 2010 qu’elle adopte le pinceau, mais avec une approche singulière, utilisant une brosse plate coréenne pour créer ses œuvres. À travers ses toiles, elle distille une essence intemporelle, un hymne à la vie, à l’amour, à la résilience. “L’art, c’est une forme d’engagement”, affirme-t-elle avec conviction. “C’est une manière de résister, de transcender les conflits, de célébrer la beauté du monde, malgré tout.” Dans chaque coup de pinceau, dans chaque trait de couleur, elle insuffle une part d’elle-même, une part de son âme, une part de ce monde qu’elle s’efforce de rendre meilleur.