Nadia Essalmi, fière de lettres

Éditrice, écrivaine, Nadia Essalmi est la fondatrice de la première maison d’édition pour enfants au Maroc. Portrait d’une femme à la détermination inébranlable et à la sensibilité indéniable.

C’est chez elle, à Tamesna que Nadia Essalmi nous reçoit. Une jolie petite maison surplombant la ville. Le calme est absolu, hormis le gazouillis des oiseaux. « Je regarde les vaches et les moutons tous les matins depuis ma fenêtre. Cela m’apaise. ». Un comble pour une native de Casablanca. Présentations faites, l’écrivaine nous invite à prendre place dans son jardin. « C’est moi qui ai tout fait », nous lance-t-elle avec un brin de fierté. L’intérieur de la maison est à son image. Elégant et soigné. Dans sa bibliothèque, il y a beaucoup de Romain Gary et d’auteurs originaires d’Amérique latine. “Ce sont les meilleurs !” Et une passion manifeste pour le papier ancien. Pour “son odeur”, précisément. Sa voix douce et apaisée contraste avec son regard vif et pétillant. Assise bien droite, elle se montre disponible comme une bonne élève. On commence par le début.

Lire pour grandir

Nadia Essalmi est née en 1962 à Casablanca. Dans le millefeuille d’identités qui la constituent, elle est d’abord une gymnaste. L’une des meilleures. Elle est sacrée Championne du Maroc de gymnastique en 1982. Une passion qui l’anime depuis toute petite. De la gymnastique du corps à celle des mots, il n’y a qu’un pas. Lorsqu’elle a “8 ou 9 ans”, elle découvre le livre, un peu par hasard. “Chez moi, pas un seul livre ne traîne à la maison. C’est grâce à mes voisines qui avaient une grande bibliothèque que je suis devenue une boulimique de la lecture !”.

Plus tard, au collège, elle se fait remarquer par ses talents d’écriture. C’est le début d’une vocation. Un diplôme en littérature française plus tard, elle enseigne cette langue à l’institut agronomique et vétérinaire Hassan II. Elle intègre en même temps une cellule d’édition au sein du même institut où elle occupera le poste de correctrice. C’est là qu’elle “contracte le virus” de l’édition. L’enfant n’était pas du tout son sujet d’ailleurs. C’est plus tard, en exposant la revue culturelle Il paraît au Maroc” au Salon du livre de Paris, qu’elle est interpellée par un constat amer. “Les visiteurs de mon stand étaient tous curieux de découvrir des livres marocains pour enfants. Hélas ! je n’en disposais pas”, s’exclame-t-elle. Pour pallier à cette tare, elle fonde en 1998 la maison “Yomad”. Quelques mois après, trois livres signés par Driss Chraïbi voient le jour, marquant ainsi le début d’une merveilleuse aventure! La maison produit des livres pour enfants en arabe, en amazigh et en français. 

Bilan après toutes ces années ? “Je ne roule pas sur l’or mais ça va…”. Nadia nous explique le prix élevé (et justifié) d’un livre pour enfants, tous les problèmes de distribution qu’un “petit” éditeur peut rencontrer, et le manque d’aides financières… Mais, pour l’éditrice, les parents qui n’achètent pas de livres pour leurs enfants se cachent derrière de faux arguments.  

D’ailleurs, lorsqu’elle parle des enfants, Nadia a les larmes aux yeux. Il y a une histoire, en particulier, qui l’a marquée à jamais et lui a donné envie de militer pour les tout-petits. Celle d’un jeune garçon venu acheter un livre lors d’une séance de lecture, avec deux dirhams en poche. Le livre coûte 20 dirhams, il repart bredouille. L’histoire la bouleverse. “Le virage de ma vie s’est fait ce jour-là !” En 2016, elle fonde Lire pour grandir. Une initiative visant à organiser des séances de lecture pour enfants. L’engouement est certain. Lire pour grandir voyage dans plusieurs villes du Royaume et séduit les grands comme les petits. 

L’école pour tous 

Sur son CV également, Nadia est Présidente de l’association L’école pour tous dont l’objectif est de rénover les écoles publiques dans le rural et le péri-urbain. En 2017, il lui aura suffi de découvrir Le Quai des Créateurs pour y imaginer la tenue d’une rencontre conviviale entre auteurs et lecteurs, une fête littéraire. Le succès est immédiat et attire de nombreux acteurs de la scène culturelle et politique. Ainsi naît Littératures Itinérantes. En quelques temps à peine, la manifestation aura pris une dimension internationale et accueilli des écrivains de renom : Taubira, Najat Vallaud-Belkacem… Pour ne citer que ces noms-là. 

Avec toutes les casquettes qu’elle revêt, avec brio, on a failli oublier que Nadia était écrivaine aussi ! En 2018, elle dévoile La révolte des rêves, préfacé par Fouad Laroui, un ami de sa maison d’édition. À son actif également un deuxième roman judicieusement baptisé L’amante religieuse et sorti en 2023. Un recueil de 10 nouvelles qui raconte  l’histoire de quelques personnages dont le destin est à la merci des tourments sans fin.

Ses projets ? Continuer à écrire, à militer, à faire des choses pour les enfants. Malgré les difficultés.

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