Zakia Daoud Une pasionaria de la plume

Zakia Daoud a effectué un parcours exceptionnel dans la presse comme dans l'écriture.Fine observatrice et critique incandescente de la vie politique marocaine, son expérience à la tête de la revue contestataire "Lamalif" marque toujours les esprits. Nous l'avons rencontrée à l'occasion de la réédition de son roman "Zaynab, reine de Marrakech".

FDM : Votre roman, “Zaynab, reine de Marrakech”, fait son come-back grâce à sa publication dans une édition marocaine. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Zakia Daoud : Le roman a en effet été publié il y a huit ans de cela aux Editions de l’Aube, en France ; mais il a été très mal  distribué au Maroc. Là, les éditions Le Fennec ont souhaité le publier en format de poche et j’ai accepté parce que le livre s’adresse ainsi à un plus grand public.

Pourquoi un roman sur une héroïne marocaine ?
Et pourquoi pas (rires) ? Je vais vous raconter l’histoire de ce roman. J’ai eu par le passé une maison dans la vallée de l’Ourika. J’y allais souvent pour m’y enfermer. C’est là-bas que j’ai entendu parler de Zaynab Nefzaouia pour la première fois. J’ai commencé à me documenter sur celle qui fut l’épouse de Youssef Ibn Tachfin, premier souverain almoravide et fondateur de la ville de Marrakech, et à lire le peu qu’il y avait sur ce personnage. Je me souviensque quand je suis repartie en France après la censure de “Lamalif”, j’avais fait un article sur elle. Mais ce n’est que des années plus tard que l’idée m’est venue de lui consacrer un livre. J’ai donc commencé à approfondir mes recherches sur  Zaynab, pour qui j’ai une profonde affection.

Pourquoi un roman, vous qui êtes habituée aux essais et aux biographies ?
Au départ, je voulais écrire la biographie de cette héroïne, mais je n’ai pas trouvé assez d’éléments. J’avais un cadre historique et un lieu, certes, mais il me fallait combler les vides et je ne pouvais le faire qu’en inventant. Ensuite, j’ai dû prêter des sentiments à ce personnage. On avait quelques faits indéniables. On savait, par exemple, que Zaynab avait eu quatre maris. Chose qui n’est pas si évidente à cette époque ; d’où la légitimité de se demander comment ça  s’était passé. On sait aussi qu’elle a eu un fils avec Youssef Ibn Tachfin. On connaît son nom ainsi que la date de sa mort, mais on ne sait pas pourquoi son père n’a pas choisi de lui donner le pouvoir. Voilà, il y a toute une série de ruptures où il a fallu imaginer. Le roman mêle donc histoire et fiction. Il rend hommage à ce personnage qui a finalement été à l’origine même de la fondation de la ville de Marrakech, capitale de l’empire almoravide.

Abdelkrim El Khattabi, Mehdi Ben Barka, Zaynab… d’où vient cette envie de mettre en avant des figures de l’histoire du Maroc ?
Ça me plaît ! Et puis, comme je n’ose pas écrire des romans… Je viens d’ailleurs tout juste de publier la biographie d’Hannibal. Je suis également en train de finaliser celle  de Juba II, qui sortira en fin d’année. Je ne vous cache pas que ça m’amuse. Je trouve intéressant de replonger à chaque fois dans des époques passées et d’y retrouver les mêmes problèmes qu’aujourd’hui… enfin presque.

Vous vous intéressez aussi à l’histoire contemporaine. Votre livre sur la diaspora marocaine a même été primé…
“La diaspora marocaine en Europe” a en effet reçu le prix Grand Atlas 2011. Ce livre retrace des parcours d’immigrés que j’ai interviewés. Simultanément, il y a eu un sondage initié par le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger  sur la vie des MRE. Pour moi, cette enquête a tout à fait été révélatrice de la façon dont l’émigration était en train de se transformer : un pied parci, un pied par-là. C’est une situation assez bizarre. D’une part, il y a l’évolution de tous ces immigrés dans leurs pays de résidence respectifs ; d’autre part, quand ils arrivent ici, ils ne cherchent pas du tout à changer les choses et se laissent faire. Ils sont coupés en deux en quelque sorte.

Vous avez sorti un livre sur votre revue “Lamalif”. Etait-ce facile pour vous de revenir sur cette aventure ?
C’était dur. Ce livre sur les années “Lamalif”, j’ai pensé qu’il était de mon devoir de le faire. C’est une page que j’ai voulu tourner. Ce qui est incroyable, c’est que ce magazine ait vécu 22 ans, et que 24 ans après sa disparition, il y a des gens qui en parlent encore. En tout cas, je ne regrette pas cette aventure ; si ce n’est que “Lamalif” ait disparu aussi brutalement. C’était violent, méchant et injustifié. Mais bon…

Votre ligne éditoriale était audacieuse et votre envie de liberté sans limites. Quel était le prix à payer ?
C’était surtout fatigant. On était dans un cadre étouffant. Il fallait exister, mais pas trop. Chaque fois qu’on gagnait un annonceur, on en perdait un autre. C’était une petite structure artisanale qui n’a rien à voir avec ce qui se fait de nos jours. J’allais moi-même chercher la publicité, je faisais la comptabilité… C’était le prix de l’indépendance ! Pendant ce temps, j’étais la cible de menaces qui se sont d’ailleurs concrétisées. Cela n’a pas été facile du tout de passer à autre chose. D’autant plus que j’étais obligée de m’en aller. Personne ne m’a dit expressément de quitter le pays, mais je n’avais plus d’espace pour exister. Après 22 ans à gérer mon propre journal, je n’allais pas travailler pour un autre support ! Je suis donc partie en France en 1988 et pendant trois ans, je n’ai plus osé remettre les pieds au Maroc puisqu’on me l’avait interdit. Et à chaque fois que j’essayais de revenir, on me faisait débarquer de l’avion, juste pour m’embêter. Tout cela a laissé des traces, mais on arrive à tout dépasser. Après, je me suis dit qu’il fallait que je m’acharne pour revenir quand même. A partir de 2005, je suis donc revenue plus souvent. Et là, j’effectue des allers-retours fréquents entre les deux pays. Maintenant, je suis comme tout le monde. Je fais partie des cinq millions de Marocains qui vivent à l’étranger. Ni plus ni moins.

A la base, pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette aventure ?
On était journalistes et on avait envie de lancer notre propre revue. On s’était dit qu’on avait de quoi tenir pendant quelques numéros. Mais ça a marché… pendant 22 ans, de 1966 à 1988. A l’époque, on était comme une grande famille, ans une bulle qui abritait plein de gens, des intellectuels. Il y avait en fait tout un mouvement. Si on avait été seuls à imaginer une liberté, une démocratie et tout ce qu’on défendait comme valeurs, ça n’aurait pas marché. C’était une oeuvre collective. On se disputait, on n’était pas toujours d’accord sur tout, mais on avait tous pour ambition de moderniser le pays, de le développer pour qu’il devienne bien. Pour qu’il devienne tel qu’il est aujourd’hui ? Non, pas  forcément. Il n’est pas plus mal non plus puisqu’il y a eu quand même des avancées. Mais bien sûr, on aurait voulu davantage : plus de démocratie et plus de développement égalitaire peutêtre. Cela dit, c’est toujours comme ça. Les gens absorbent le changement d’une façon qu’on n’envisage pas toujours.

Y avait-il une place pour les féministes dans votre revue ?
On donnait souvent la parole aux femmes. J’aimerais cependant préciser qu’à l’époque, il n’y avait pas de véritable mouvement féministe. Celui-ci, amorcé dans les années 70, est né bien plus tard. J’en ai d’ailleurs parlé dans mon livre  « Féminisme et politique au Maghreb ». Avec le recul, je pense que cela a commencé avec les femmes des prisonniers politiques. En 1990, il y a eu le mouvement d’un million de signatures pour la Moudawana. Après, le processus a été lancé et a duré une bonne dizaine d’années jusqu’en 2003 ; année qui a vu l’adoption du nouveau Code de la famille. A mon avis, ce texte est arrivé en retard par rapport aux pressions du mouvement féministe, et en avance par rapport à la société. C’est un décalage qui va devoir être digéré. Maintenant, j’ai l’impression que c’est la classe moyenne qui tire tout le monde vers l’arrière. C’est assez curieux pour moi, qui ai vécu une période où tout le monde  souhaitait se moderniser. Tout cet élan semble stoppé. On sent qu’il n’y a plus d’énergie de l’autre côté. Car pour créer un mouvement, il faut du répondant. Si ça ne marche pas, c’est que ce n’est pas le bon moment.

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