Zainab Afailal, gardienne du legs de la noble Andalousie

Sous ses airs de jeune diva de la musique andalouse, Zainab Afailal cache un caractère bien trempé et la volonté de faire reluire les trésors enfouis d’une culture séculaire. Portrait en couleurs !

Devant un thé chaud, par une glaciale nuit d’hiver tétouanais, l’oreille capte des bribes de discussion animée provenant d’une table mitoyenne. “Le tout est d’espérer que le combustible ne dégage pas de cycles benzéniques. Autrement on laisse tomber, pour une autre matière première”, lance une voix de femme. Cette voix chantante, à l’accent du nord, est particulièrement reconnaissable, mais dans un tout autre registre. Lorsqu’elle n’est pas enfouie dans ses fioles de chercheure en chimie industrielle à la faculté de Tétouan, Zainab Afailal scintille de mille feux sur les scènes du Royaume, restituant avec art l’héritage de la musique andalouse.
Quatrième année de doctorat au Maroc, première en Espagne : Zainab est une vraie passionnée de Chimie, comme elle l’est de musique andalouse. “J’ai toujours été fascinée par la chimie que je trouvais vivante, par rapport à l’abstraction des mathématiques et de la physique”, explique-t-elle. Son objectif est de continuer la recherche en dehors de l’université, dans des laboratoires qui ont les moyens de leurs ambitions… et des siennes. Cette autre facette de la cantatrice ne fait que confirmer son caractère déterminé et volontariste. Si à vingt-huit ans, elle est aujourd’hui diva de musique andalouse, ce n’est pas un hasard ni faute de place sur la scène de la musique mainstream.

L’enfant terrible

“Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un micro en main. Dans les fêtes de famille, dans les mariages. À quatre ans déjà, j’ai le souvenir de moi chantant Ouarda, Rajaa Belmlih ou plus tard Oum Kaltoum, après la diffusion du feuilleton sur sa vie”, raconte Zainab. Habitée par ce désir de chanter devant un public, elle rejoint le conservatoire de Tétouan à 8 ans. Mais très vite, elle est lassée par la lenteur des cours de solfège, sans parler de sa frustration de ne pas chanter, puisqu’il n’y avait pas de cours de chant audit conservatoire. Ses plaintes répétées auprès de son professeur l’acculent à l’emmener passer des auditions pour un festival de chant connu dans la ville. “Voix d’enfant, plein de fausse notes. Mais la base est là. Il faut continuer”, lui dit-on avant de préciser qu’on ne programme pas d’enfants de moins de douze ans. Tombée de haut, la Zainab de dix ans sanglote de plus belle, jusqu’à obtenir le droit de passer comme invitée d’honneur. Pour sa première scène, elle chante “A Ghadane Alqak” d’Oum Kalthoum.
Elle a toujours l’âge de jouer à cache-cache dans la cours de l’école, lorsque le directeur l’envoie  avec ses camarades à la salle de la chorale andalouse de l’école, en guise de punition. Très vite, elle est obnubilée par les instructions du professeur et les suit à la lettre. L’homme se retourne à la recherche de cette voix enfantine qui capte plus vite que ses lents apprentis. L’accord parental signé, Zainab rejoint la chorale de la musique andalouse en 2000. Ce n’est pas une musique qu’elle connait particulièrement. Elle aurait préféré la musique orientale et les Mouachahates, mais elle veut surtout chanter. Elle s’y applique avec sérieux, au point de devenir soliste, quatre ans plus tard. En 2008, elle prend le lead vocal de l’orchestre. Elle ne badine pas avec le chant.
Mais au cours de ces années-là, Zainab découvre l’étonnement ravi des amateurs de musique andalouse de voir émerger une jeune relève. “Pour la première fois alors, je remarquais que les maîtres de la musique andalouse étaient tous âgés et je comprenais que si jamais il n’y avait pas de transmission, la musique andalouse était en réel danger de disparition”, raconte Zainab. Dès lors, un sentiment de responsabilité s’ajoute au plaisir de chanter. La documentation et la recherche dans l’histoire de la musique andalouse achèvent d’en faire une passion vitale pour la jeune cantatrice.

La voix de femme

Fidèle à son orchestre de toujours, Zainab Afailal n’a jamais quitté la voie tracée par son parrain et maître Mohamed Amine El Akrami. Mais depuis qu’elle est devenue un nom connu, il lui arrive de chanter avec de grands chefs d’orchestre, dont chacun lui a appris quelque chose. Elle retient les conseils précieux de Ssi Mohamed Briouel, l’un des grands maîtres de l’école de Fès, ou de Ssi Mohammed Amine Debbi qui l’a poussée à lire et à se documenter sur les textes qu’elle chantait. D’autres maîtres l’ont marquée, mais “je n’oublierai jamais un conseil de maître Omar Mtioui, qui m’avait profondément blessée à l’époque, mais qui m’a tellement rendu service. Il m’avait prise de côté pour me dire d’arrêter de chanter comme un homme ! “Si tu es une femme avec une voix d’homme, la musique andalouse ne gagne rien avec toi. Tu progresses comme une tortue !”. Cela m’avait atterrée avant de me rendre compte que je grossissais ma voix et que je montais en tonalité, là où ma voix de femme pouvait prendre des cours différents”, se rappelle Zainab avec nostalgie.
Mais n’est-il pas normal de chanter comme les hommes dans des orchestres de musique andalouse ? En effet, il y a tellement peu de femmes auxquelles s’identifier dans la musique andalouse, car par le passé, la voix de femme était souvent ornementale pour parfaire un enregistrement pour la radio ou la télé. “Je dois avoir, tout au plus, un Giga d’enregistrement de voix de femmes comme Mennana El Kharraz, Alia Mjahed, Ghita Eloufir et d’autres noms qui n’ont pas eu la place qu’elles méritaient. Et jusqu’à aujourd’hui, à part Abir El Abed, il n’y a pas de solistes femmes professionnelles dans ce domaine”, explique Zainab.
Cela ne la décourage pas pour autant. Bien au contraire. Forte d’une expérience de dix-huit ans, Zainab a pu développer son propre style. Son secret est de travailler sur la voix unique, pour permettre aux auditeurs de déchiffrer les textes et d’apprécier la musique. “Je pense que ce qui la rend inaccessible, c’est le fait qu’elle est chantée par une chorale. Et quand on n’en saisit pas les paroles, on cède à l’ennui de la répétition de la mélodie. En travaillant sur la voix unique, on peut rendre cette musique à la portée des non initiés”, affirme la chanteuse dont la touche particulière séduit de plus en plus de jeunes, qui se ruent sur les guichets dès que son nom apparaît sur une affiche. Parole de programmateur. “Aujourd’hui, Je n’ai pas encore fini d’apprendre tout le registre de la musique andalouse. Disons que pour le moment, j’en suis aux deux tiers. Mais je finirai par tout maîtriser”, affirme Zainab Afailal, pour qui aucun style de musique actuelle n’égale ses trésors andalous. 

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