Violences contre les femmes : le calvaire continue

Près de la moitié des Marocaines subissent la violence sous ses différentes formes. Une situation qui a empiré pendant le confinement, période au cours de laquelle le bourreau et sa victime avaient été obligés de vivre dans une promiscuité inquiétante. Aujourd’hui encore, les Marocaines sont toujours en mal de protection. Zoom avant.

Plus de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi 103-13 relative à la violence à l’encontre des femmes, la situation des victimes de violence n’a pas connu un changement notoire. Ce sont encore 54,4% de Marocaines violentées (chiffres de la deuxième enquête nationale du Haut-Commissariat au Plan et de l’enquête nationale du ministère de la famille publiée en mai 2019), 28,2% d’entre elles se sont adressées à une personne ou à une institution et seules 6,6% ont porté plainte contre l’agresseur. Est-ce dire que la loi ne les protège pas ou qu’elles n’ont pas suffisamment confiance dans le système judiciaire ? La réponse est complexe. “Dans la majorité des cas, les femmes sont démunies, analphabètes et issues de milieux populaires et défavorisées. Elles ont subi la violence pendant une longue période, ont supporté longtemps les comportements agressifs de leurs conjoints. Ce sont des femmes pauvres, battues, humiliées, violées, expulsées du domicile conjugal, privées de pension alimentaire, sans travail et sans ressources financières…”, explique Bouchra Abdou, directrice de l’association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté (ATEC) qui a constaté une explosion de cas depuis mars dernier, augurant d’un chiffre jamais atteint de femmes ayant recours aux services d’écoute et d’orientation psychologique ou juridique de l’association. Cette recrudescence trouve sa source dans cette situation inédite que le pays a traversé suite à la crise sanitaire. En effet, tous les éléments avaient été réunis pour l’explosion de la violence dans l’espace domestique : chômage, difficultés économiques, promiscuité, etc. La coexistence forcée 24/24 et 7 jours sur 7 dans des espaces exigus a exacerbé les violences physiques, psychiques et économiques à l’encontre des femmes. En tout, ce sont plus de 700 femmes, âgées de 18 à 66 ans qui ont frappé à la porte de l’association, en quête d’aide et de soutien. C’est le même constat dressé par les différents centres éparpillés dans l’ensemble du royaume qui ont été confrontées à une demande croissante de femmes en détresse. Le bilan publié par la Fédération des ligues des droits des femmes (FLDF) sur l’état des lieux du phénomène pendant la période de confinement est sans équivoque : plus de 1086 actes de violence ont été enregistrés durant l’intervalle du 16 mars au 15 mai 2020. Ces violences, détaille la FLDF se répartissent en violence psychologique (49%), violence économique (27,3%), violence physique (16,5%,) sans oublier les violences sexuelles et le viol.

Des chiffres en hausse que le ministère de tutelle a pourtant minimisé, arguant une baisse des plaintes au cours de la période de confinement. N’empêche que le ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille a annoncé l’aménagement et la rénovation de 63 centres pour accueillir et protéger des femmes en situation difficile. Ces centres sont bien évidemment en deçà des besoins, et les refuges pour femmes battues qui se comptent sur le bout des doigts, souffrent d’un manque flagrant de moyens.

Zéro tolérance pour la violence

Fermement engagée dans la lutte contre la violence basée sur le genre, la société civile, à l’instar de l’association ATEC qui vient d’inaugurer un nouveau centre à Hay Hassani, ou encore de l’Union de l’action féministe (UAF) et bien d’autres associations, continue d’élaborer des programmes de prévention et de sensibilisation dans les écoles et les communes urbaines et périurbaines. Dans ce contexte, on relève ces sessions de formation destinées aux enseignant(e)s relevant de l’Académie Régionale de l’Education et de la Formation de Casablanca-Settat. Initiées par l’UAF, ces programmes aspirent à installer de nouveaux paradigmes au sein de la société, en sensibilisant et en éduquant les jeunes sur les droits humains en général et les droits des femmes en particulier. L’éducation à la citoyenneté et aux valeurs d’égalité doit toutefois être généralisée à l’ensemble des établissements scolaires du royaume. Il est certain que l’inculcation des valeurs de l’égalité, de la liberté et du respect des différences contribuera à la déconstruction des normes sociétales qui perpétuent les rôles sociaux du genre.

L’autre initiative marquante de cette année 2020 est incontestablement la plateforme “Kolona Maak” (Nous sommes tous avec toi), pour l’accompagnement des filles et femmes. Ce dispositif mis en place dès janvier par l’Union nationale des femmes du Maroc (UNFM) a fonctionné 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant la période de confinement à travers une plateforme d’écoute via un numéro direct (le 8350) et une application pour smartphone à télécharger gratuitement sur AppStore ou PlayStore.

Sexisme et patriarcat

Une récente étude d’Oxafam Maroc révèle que les violences faites aux femmes et aux filles font partie intégrante de la vie des jeunes marocain (e)s qui la considèrent toujours comme “normale”. Aussi, même si le Maroc fait partie des pays les plus avancés en matière des droits des femmes dans la région Mena, force est de constater que le sexisme et le patriarcat, présents dans la musique, la littérature, les films, les relations familiales et conjugales imprègnent fortement les rapports individuels et collectifs au sein de la société. Les normes patriarcales, machistes et sexistes légitiment les violences basées sur le genre et façonnent négativement les relations entre les hommes et les femmes. En effet, un ensemble de représentations sociales minimisent les actes de violences du quotidien en les inscrivant dans une normalité intégrée dans la psyché des victimes. De ce fait, la violence traverse les clivages sociaux et touche des femmes de tous les milieux, de tous les âges et niveaux de formation. Le changement des mentalités et la prise de conscience des femmes pour déconstruire les stéréotypes devraient dès lors être le prélude à une société égalitaire et plus juste envers la gent féminine.

Mais sans une volonté politique forte, un arsenal juridique répressif, une application stricte des lois, l’ombre implacable de la violence continuera à planer sur notre société. Et les femmes continueront à en payer le prix fort.

L’artiste plasticienne Najia Mehadji réinvestit la galerie d’art L’Atelier 21 à Casablanca, du 23 avril au 24 mai 2024, pour
Après « Nos mère », la journaliste et écrivaine Fedwa Misk donne une nouvelle fois la voix aux femmes. Aux
Ghita Belkhyat Zougri et Zineb Alaoui sont amies dans la vie et voisines de quartier qui aiment les challenges. Les
“Il nous faut éliminer le superflu de la vie et se recentrer sur le nécessaire en vue de mener
31AA4644-E4CE-417B-B52E-B3424D3D8DF4