Viol : réforme une à la traîne

Depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, des réformes sont attendues pour une législation pénale qui protège la femme contre la violence. Les articles de loi, concernant le viol en particulier, accusent des lacunes qui consacrent l'impunité de l'auteur du crime et responsabilisent les victimes.

2014 démarre sur une bonne nouvelle. Le deuxième alinéa de l’article 475 vient d’être abrogé par la Commission de la Justice à la Chambre des représentants. Bonne nouvelle, certes, au vu de la massive mobilisation de la société civile suite à la scandaleuse affaire et au destin tragique de la jeune Amina El Filali. Malheureusement, beaucoup de gens ne savent pas que ledit alinéa ne concerne pas le viol, mais le dé-tournement de mineur. Un reliquat de loi, datant du protectorat, censé protéger les jeunes “nubiles” frappées par les foudres de l’amour. Rappelons qu’à l’époque, l’âge du mariage n’était pas soumis au seuil légal imposé actuellement. Les jeunes abusées étaient donc consentantes, contrairement aux victimes de viol : une différence sans intérêt aux yeux de la société. La contrainte sociale et la culpabilité qui pesaient sur le dos des victimes étaient telles que les fa-milles déshonorées finissaient par recourir au mariage pour préserver leur honneur. Le marché, souvent conclu sous la pression d’agents de l’autorité, permettait ainsi de taire un crime pour sauver une réputation, ignorant totalement l’impact destructeur sur la jeune femme. Si le retrait du deuxième alinéa de l’ar-ticle 475 est aujourd’hui une bonne nou-velle en soi, puisqu’il permettra de consoli-der la lutte contre le mariage des mineures, il n’y a pas moyen d’éliminer la pression sociale qui continue à sévir et à forcer une victime à lier son sort à celui de son violeur, surtout en zones rurales et dans les mi-lieux défavorisés. Le poids de la tradition ne cesse d’encombrer la condition fémi-nine, en l’absence de réformes juridiques solides en matière de violence à l’égard de la femme, et de viol en particulier.PAR HOUDA KRATIDepuis l’adoption de la nouvelle Constitution, des réformes sont attendues pour une législation pénale qui protège la femme contre la violence. Les articles de loi, concernant le viol en particulier, accusent des lacunes qui consacrent l’impunité de l’auteur du crime et responsabilisent les victimes.Viol : réformeuneà la traîne Des trous dans le filetImpossible de ne pas noter les abraca-dabrantes disparités dans les verdicts concernant les cas de viol. À l’origine de ces dissemblances, un texte lacuneux. Les articles de loi concernant le viol dans le Code pénal marocain sont limités et mal formulés, laissant la main libre aux juges qui tranchent souvent au gré de leurs hu-meurs… et de leurs mœurs.L’article 486 définit le viol comme “l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci”. Ainsi, le seul crime envisagé serait celui commis par des hommes et subi par des femmes. Or, un viol peut être commis par l’homme ou la femme, et la victime peut être de sexe masculin ou fé-minin. Toujours selon ce même article, on parle de “relation sexuelle” non consentie, ce qui suppose la pénétration vaginale par le sexe masculin. Les différentes formes de pénétration, anale et buccale, l’introduc-tion d’autres parties du corps ou d’objets sont soumises, quant à elles, à l’apprécia-tion personnelle du juge de l’affaire. De telles lacunes permettent souvent à l’auteur du crime de s’en sortir avec une peine inférieure aux cinq années de réclusion minimale prescrite. Le cas de l’agression des jeunes Hiba et Jihane l’été dernier en est l’exemple. En l’absence de pénétration vaginale, les coupables recon-nus n’ont écopé que de quatre années de prison, malgré l’usage de la violence et de menaces, et en dépit de l’état de santé de l’une des victimes censé peser comme cir-constance aggravante.A titre de comparaison, les lois en France sont plus précises, définissant le viol comme “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Tout acte de pénétration sexuelle est visé : buccale, vaginale, anale, par le sexe, par le doigt, par un objet”.La Suède, quant à elle, condamne “toute personne qui, par des violences ou autres contraintes ou par menace d’une action illi-cite, oblige une autre personne à des relations sexuelles ou à entreprendre ou supporter un autre acte sexuel qui, compte tenu du type d’offense ou des circonstances par ailleurs, est comparable à des relations sexuelles, sera condamné pour viol à une peine de prison”. Les deux pays reconnaissent comme cir-constances aggravantes la violence conju-gale et la connaissance préalable de l’auteur du crime, contrairement au Maroc où cela pourrait lui être favorable. Ils décrivent éga-lement comme contrainte sexuelle le fait d’obliger la victime à voir des films porno-graphiques, à se caresser ou à regarder se masturber l’accusé ou un tiers. Les simples attouchements ou caresses sont considérés comme des agressions sexuelles, alors qu’on peine encore au Maroc à les faire considérer comme des actes de harcèlement.La victime parfaite Outre l’inexactitude du texte de loi, le “ran-gement” de l’article 486 parmi les attentats aux mœurs, tels les délits d’apostasie ou d’adultère, prête à équivoque. D’une part, cette disposition fait passer les coutumes de la société devant la sécurité et l’intégrité physique et morale de la victime. D’autre part, elle engage de façon vicieuse la res-ponsabilité de cette dernière dans ce qui lui arrive. Autrement dit, la condamna-tion d’un auteur de viol est inhérente à la conduite de la personne abusée en société. Une victime parfaite ne doit pas avoir bu de l’alcool, porté une minijupe ou un décol-leté lors de l’abus, ou avoir eu des relations sexuelles auparavant. Elle est censée avoir été attaquée et s’être débattue. Elle doit, de préférence, ne pas connaître l’auteur et ne surtout pas avoir eu de relations sexuelles consentantes avec lui dans le passé. Que de conditions décourageantes, surtout lorsqu’on apprend que seuls 20 % des cas de viol sont perpétrés par des inconnus dans des rues sombres !L’année 2013 a démarré sur l’esclandre de l’affaire Malika Slimani, poursuivant pour viol le parlementaire Hassan Arif. Aux yeux du juge, de la société et de cer-tains médias, la connaissance antérieure de l’accusé et l’aplomb de la victime lors du procès ont desservi sa cause, malgré l’existence de preuves accablantes. Dans le cas de l’affaire Hiba et Jihane, des inti-midations à l’encontre des jeunes filles se sont transformées en accusations directes de légèreté et de débauche, en raison du mode de vie ouvert des jeunes filles.S’il est vrai que les mentalités ne chan-gent pas du jour au lendemain, il est cer-tain qu’elles n’évolueront jamais si la loi ne se range pas définitivement du côté des victimes. Le chantier de la réforme du Code pénal longtemps revendiqué par la société civile tarde à commencer, même après l’adoption d’une Constitution dite providentielle pour la condition de la femme. La mobilisation citoyenne est plus que jamais primordiale… â—† 

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