Un marocain au secours des enfants Yazidis vendus par Daesh

Montréalais d’origine marocaine, Steve Maman organise le sauvetage d’enfants yazidis vendus par ISIS. Une mission dont il s’est auto-investi au lendemain de la proclamation du Califat d’Al-Baghdadi.

« Liberation of Christian and Yazidi Children of Iraq»  une ONG à retenir. Une ONG porteuse d’espoir pour des enfants vendus comme du bétail et soumis à des traitements inqualifiables. Depuis maintenant un an, être yazidi est devenu synonyme de décapitation, de viol et d’esclavage subi par une minorité en proie à la sauvagerie de l’EI. Mais une vingtaine de gens participent activement à déjouer ces scénarios sordides. Entretien avec un philanthrope né à Casablanca…



Comment cette démarche a-t-elle vu le jour ?

C’est une longue histoire. Il y a exactement deux ans je me suis rendu en Irak. L’Etat Islamique n’avait pas encore été proclamé.  Je me trouvais sur place dans le cadre de mes activités professionnelles et c’est là que j’ai fait la connaissance du révérend Canon Andrew White. Un homme de paix connu à l’échelle internationale  pour ses actions au Moyen Orient. Il était installé à Bagdad et aidait les civils au moyen d’une petite équipe de militaires et de bénévoles.  En Mars 2014, un attentat l’a obligé à quitter l’Irak mais nous étions constamment en contact lui et moi. Lorsque le Califat d’Al-Baghdadi a été instauré et que j’ai eu vent à travers les médias de toutes les atrocités commises sur des femmes et des enfants j’ai proposé un plan au révérend. Qu’est-ce qui nous empêchait d’allier nos forces et nos contacts pour  secourir ces victimes ? Il était partant. Après avoir discuté des moyens possibles, nous avons constitué une équipe de gens rodés et mis en place notre procédure de rapatriement d’enfants au Kurdistan. Ça n’a pas été facile, mais à aucun moment nous avons envisagé de faire marche arrière.



Comment opérez-vous ?

Nous disposons de deux équipes. La première au Canada, chargée de lever des fonds dans le cadre de l’ONG que j’ai créée et la seconde  basée en Irak. Cette dernière est composée de trois hommes et d’une femme dont les identités demeurent cachées pour leur sécurité.  Ce sont eux qui négocient  le rachat  d’enfants non pas à Daech, je tiens à le préciser mais aux  propriétaires  d’esclaves. Ils les approchent, leurs proposent un prix intéressants et une fois « la vente » conclue, ils récupèrent ces enfants pour les conduire hors d’Irak.



Combien vous coûte le rachat d’un enfant ?

Entre 2000 et 3000 dollars US. Je préfère l’expression  coût de relâche, car je trouve indigne de parler d’achat d’êtres humains à notre ère. Ces enfants sont plongés dans une telle souffrance. Sur les 3000 otages estimés, nous avons pu en libérer 128 et nous continuerons d’œuvrer pour en sauver davantage.





Les propriétaires s’en séparent facilement ?

Les gens sont sans état d’âmes, ils achètent des innocents, s’en servent comme des objets et au bout d’un moment…ils s’en lassent. Ces enfants deviennent des fardeaux, des bouches de plus à nourrir alors ça ne leur pose aucun problème de s’en débarrasser moyennant une coquette somme.  C’est encore plus vrai pour les petites filles servant d’esclaves sexuelles. C’est horrible à dire, horrible de voir à quel point une vie, un être de chair et de sang peut à ce point être dévalorisé. Je garde à l’esprit l’histoire de cette petite fille de 9 ans que l’on a pu sortir d’Irak. Des viols à répétition avaient complètement endommagé ses organes internes. Nous l’avons envoyée au Royaume-Uni pour y subir une intervention après son sauvetage. Ses jours ne sont plus en danger, mais son existence est brisée. Elle est traumatisée à vie, ne pourra plus jamais avoir d’enfant, voilà ce qu’est Daech…



Une fois acheminés hors d’Irak que se passe-t-il pour ses enfants ?

Il existe un bureau du génocide au Kurdistan où sont conservés des documents faisant état de toutes les personnes disparues, enlevées ou mortes. Sur ces listes figurent également des renseignements sur les familles survivantes, des photos, parfois des numéros de téléphone et des adresses. La première étape consiste à faire des papiers à ces petits pour alimenter la liste, ensuite on tente de retrouver leurs familles pour les réunir. Ça arrive souvent. Lorsqu’il ne leur reste plus personne, on les place dans des camps ou des centres pour orphelins.



Comment faites vous pour qu’ils ne retombent plus entre les mains des factions d’ISIS ?

Ça peut sembler difficile à croire mais l’Etat Islamique est limité dans son expansion. A l’Est il y a l’Iran à l’Ouest le Hezbollah, au nord les Kurdes, les Peshmergas et les canadiens puis au sud les américains. Une fois que les enfants sont exfiltrés de la zone sensible, il n’y a plus moyen qu’ils y soient ramenés à nouveau.



Quel est votre pire souvenir depuis que vous avez lancé ces opérations ?

Il y a quelques temps, nos correspondants en Irak nous ont contactés d’urgence pour le sauvetage d’une dizaine de petites filles. Il fallait quelque chose comme 40.000 dollars pour pouvoir les libérer mais c’était maintenant ou jamais. Nous étions déjà à sec suite à une opération précédente. L’ONG a tenté de lever les fonds, faute de temps ça n’a pas pu se faire. Nous avons perdu leurs traces. Un échec pour nous. L’équipe tente encore de les retrouver mais on dirait qu’elles se sont volatilisées. On se sent impuissants dans ces moments là.



Mais en parallèle vous arrivez aussi à des résultats…

Nous avons des vidéos de certaines opérations. Une fois nous avons réussi à faire sortir deux jeunes filles âgées de 17 et 23 ans. L’une d’elles a donné le téléphone de son père aux membres de l’équipe pour qu’il soit contacté. Le pauvre homme était méfiant, il croyait à un coup monté mais il est quand même venu au rendez-vous accompagné de quelques personnes. Les retrouvailles étaient bouleversantes. Il avait perdu sa femme et pensait sa fille morte. Ce sont des épisodes comme celui-là qui nous aident à tenir et à persévérer.





Vous avez dit une fois que c’était aussi votre marocanité qui vous motivait à aider autrui.

C’est exact. Mon père est de Meknès et d’Amizmiz, ma mère est de Rabat. Je suis né à Casablanca même si je n’y ai pas vécu. Nous avons emporté notre Maroc avec nous et n’avons jamais manqué une occasion d’y revenir. J’ai grandi au Canada, mais ma culture et mon ascendance sont marocaines. Nous ne sommes jamais indifférents à la détresse des autres. Aider son prochain, s’enquérir de son état, se soucier de lui, partager avec lui ce qu’on a quand bien même ce n’est pas beaucoup sont des valeurs bien de chez nous. Des valeurs dans lesquelles j’ai évolué et ma famille aussi.

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