Souad Talsi, l’infatigable activiste

Souad Talsi est une boule d’énergie positive. Ses actions pour la justice, l’amélioration des conditions de vie de la communauté marocaine, la promotion des droits de la femme et la lutte contre la violence domestique sont les combats de sa vie.

Souad Talsi a passé presque toute sa vie à Londres, ville où son père avait émigré en 1968. En 1972, elle quitte Oujda, sa ville natale, pour le rejoindre. Elle s’implique rapidement dans les affaires de son père, un fervent défenseur des droits des travailleurs marocains, et devient à 15 ans à peine, traductrice des documents administratifs des immigrés marocains et leur interprète. Un travail prenant qu’elle fait à titre bénévole, chaque soir à la fin des cours, mais pour lequel elle se passionne rapidement. La fibre sociale de Souad Talsi pour la justice et l’équité la mène tout naturellement à la faculté de droit, puis le diplôme en poche à Citizen Advice Bureau, une ONG d’aide juridique. Souad Talsi y développe une solide réputation de “facilitateur” de papiers administratifs, de visas de travail et de nationalité auprès de la communauté marocaine basée en Grande Bretagne. Pourtant, même si les actions menées auprès des immigrés marocains les aidaient efficacement, Souad n’était pas très satisfaite de ce travail. Et c’est ainsi que l’idée de la création d’une association qui vient en aide aux immigrées marocaines a germé dans son esprit. Le 26 novembre 1985, l’association “Al-Hassaniya Moroccan Women Centre” voit le jour. Le combat de Souad Talsi pour la justice, le droit, et contre les discriminations et les violences faites aux femmes se déploie de plus belle. Ce travail acharné permet à l’association de décrocher le prix “Guardian Charity” récompensant la meilleure organisation caritative en Angleterre et d’être la première ONG marocaine à être accréditée à l’ONU en 2017. Sa présidente est également devenue la première migrante marocaine à être décorée par la Reine Elizabeth et à recevoir le prestigieux titre de MBE (Member of the British Empire).

Représentante au sein du NMWAG (Groupe Consultatif National des Femmes Musulmanes en Grande Bretagne) et du (MRAP), “Migrant and Refugee Advisory Panel” dont le rôle est de conseiller le maire de Londres sur la meilleure stratégie à adopter vis-à-vis des migrants et refugiés vivant à Londres, Souad Talsi a été nommée par le roi Mohammed VI en tant que représentante au Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME) pour le Royaume-Uni.

Le projet “Dardasha”

Souad Talsi transmet son enthousiasme, sa détermination et ses engagements au premier contact. Elle ne se contente jamais de demi-solutions et va toujours au fond des choses. En témoigne sa lutte pour donner de la visibilité aux premières immigrées marocaines. “Contrairement aux autres pays, en Grande-Bretagne, ce sont les femmes qui avaient été les pionnières. Elles sont arrivées au début des années 60 et 70, elles ont trimé fort, travaillé très dur, se sont sacrifiées et ont tout fait pour favoriser la migration des leurs…”, explique l’activiste. Malheureusement, l’histoire les a condamnées à l’oubli. La présidente de l’association Al-Hassaniya entame alors un travail de longue haleine pour consigner leurs paroles et leurs trajectoires à travers un livret regroupant les témoignages de femmes immigrées arrivées au Royaume-Uni entre 1960 et 1990. C’est le projet “Dardacha”. “Chacun de nous a besoin de faire entendre sa voix afin de se sentir valorisé. Plusieurs de ces femmes n’ont jamais eu cette chance, Grâce au projet Dardash, leur parole a été libérée.” Ces grandes oubliées sont également mises sous les feux des projecteurs dans le documentaire “The unsung heroines- the tale of women from Casablanca” (Les héroïnes méconnues – le conte de femmes de Casablanca).

La chaleur d’un foyer

Mais si Al-Hassaniya aide en priorité les migrantes marocaines, Souad a étendu les services de l’association aux femmes de la communauté arabe. “Al-Hasaniya est devenu le premier port d’attache et une balise d’espoir non seulement pour les femmes marocaines, mais aussi arabes en général, qu’il s’agisse de réfugiées ou d’immigrées. C’est une source d’informations, de responsabilisation et d’encouragement pour d’autres groupes plus réduits de la communauté marocaine au Royaume-Uni”, assure-t-elle.  Et ce n’est pas tout. L’association se penche également sur le sort des hommes âgés, et un documentaire From a HardRock to a Place ; the heartbreak of our elderly in the UK” retrace les histoires poignantes et la souffrance de ces migrants marocains retraités. “Ces personnes ont consacré leur vie à éduquer des générations et à contribuer activement au développement de leur pays”, et leur seul rêve aujourd’hui, “de passer leur retraite en toute sérénité au Maroc”, explique-t-elle, bien décidée à aider à trouver une solution concrète à ce problème.

L’horrible incendie de la tour Grenfell en 2017, plus connue sous le nom de “La tour marocaine” a révélé à l’association, raconte Souad Talsi, la détresse “d’hommes âgés d’origine marocaine qui sont extrêmement isolés et marginalisés.” Elle décide de leur porter secours en organisant des activités régulières au sein du club “Ayyam Zaman” (Les jours d’autrefois). “Ce sera le tout premier club social pour hommes, un projet qui n’aurait pas vu la lumière sans la vision, la détermination et la générosité du secrétaire général du CCME, Dr Abdellah Boussouf.”

Les projets de l’association s’articulent également autour de la lutte contre la violence faite aux femmes. Déconstruire le discours légitimant la violence domestique imputée soit à la femme fautive ou justifiée par la volonté divine a permis à l’association de véhiculer un message fort selon lequel “la violence domestique est inacceptable. Notre projet a été précurseur et a permis de nous faire connaître par ouïe dire au-delà des Îles britanniques”, assure Souad.

Bataille contre la violence domestique

Les échos des actions d’aide aux femmes en détresse de l’association Al-Hassaniya sont parvenus même au Maroc où Souad Talsi a été sollicitée pour venir en aide à une jeune femme âgée d’une vingtaine d’années, ayant subi en Angleterre les pires violences domestiques (sexuelle, physique, financière et émotionnelle) de la part de son époux, un Britannique d’origine algérienne. “Partis au Maroc rendre visite à la tante qui l’avait élevée, il avait déchiré son passeport, l’abandonnant à son triste sort, sans le sou, en promettant de lui envoyer ses papiers de divorce”. Souad Talsi se mobilise pour venir en aide à la jeune maman anorexique et hospitalisée en psychiatrie. En moins de 3 mois, elle parvient à la faire revenir en Angleterre, à “changer son statut d’immigration et à lui garantir un logement et une prise en charge entière à travers nos partenaires”, souligne Souad.

L’autre affaire que Souad se rappelle toujours avec émotion est celle du petit Saïf, âgé à l’époque de 3 ans. Né au Maroc d’un père britannique d’origine pakistanaise et d’une mère marocaine, il avait été enlevé par son père déjà marié en Angleterre, et papa de trois fillettes. “Cet homme voulait seulement avoir un garçon”, précise Souad. Là aussi, elle est appelée à la rescousse. Elle remue ciel et terre pour venir en aide à la pauvre femme éplorée qui n’avait aucun moyen de se rendre à Londres pour récupérer son enfant. “Le père polygame n’a jamais pensé que nous allons le poursuivre et utiliser à son encontre la convention de la Haye sur l’enlèvement d’enfants.” Là aussi, Souad parvient à récupérer l’enfant et à le ramener elle-même à sa mère à Marrakech.

“Notre organisation, avec ses ressources limitées, ses énormes défis, les oppositions auxquelles elle fait face de temps en temps, continuera toujours à œuvrer pour que l’on entende les voix assourdies”. Une mission de vie que Souad Talsi compte accomplir sans relâche et sans jamais baisser les bras.

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