FDM : Le centre culturel “Les étoiles de Sidi Moumen” a été initié par la “Fondation Ali Zaoua”. Comment est né ce projet ?
Sophia Akhmisse : La “Fondation Ali Zaoua” a été créée en 2007 par le réalisateur marocain Nabil Ayouch. À l’époque, l’idée était de créer une école de cinéma au profit des jeunes du quartier en plein cœur de Sidi Moumen. Puis, en 2009, la rencontre entre Nabil Ayouch et Mahi Binebine autour du film “Les chevaux de Dieu”, une adaptation du roman “Les étoiles de Sidi Moumen”, inspiré des attentats du 16 mai 2003, a donné un nouvel élan à ce projet pour la création d’un centre culturel. Le but étant de contribuer, à travers ce lieu et les activités qui y seront proposées, à reconnecter les habitants de Sidi Moumen au reste de la ville de Casablanca.
Comment ce projet a-t-il été perçu par les autorités locales ?
En mai 2013, en commémoration du 10ème anniversaire des attentats, les deux cofondateurs du projet ont organisé une vente aux enchères à Casablanca réunissant des œuvres de plus de soixante grands artistes plasticiens marocains, pour la collecte de fonds en faveur de la fondation.
Le 16 mai 2013, une rencontre entre les familles des kamikazes et celles des victimes du drame a eu lieu à l’initiative de la fondation, ici même, au centre où s’est tenue la diffusion du film “Les chevaux de Dieu”. L’événement a eu d’excellents échos et le projet a suscité l’intérêt de la presse nationale et internationale. Depuis, une convention a été signée entre les élus locaux, la ville de Casablanca et la fondation pour faire de ce lieu un véritable centre culturel en plein cœur de Sidi Moumen.
Comment avez-vous rejoint la “Fondation Ali Zaoua” ?
J’ai répondu à un appel à candidature lancé par la fondation au cours de l’été 2013, et j’ai rencontré Nabil Ayouch… Quelques mois plus tard, me voilà !
Quelles sont les missions principales de ce centre ?
Notre volonté est avant tout de valoriser les habitants du quartier qui ont du talent et qui ont besoin d’encadrement. C’est pourquoi la démarche du centre se base sur trois axes principaux. Le premier est la formation des jeunes dans divers domaines artistiques. Il s’agit notamment de mettre en place des cours de musique, de théâtre, d’arts plastiques, de danse et de cinéma. Le second axe de ce projet concerne la diffusion du travail artistique et le partage d’expériences. En effet, le centre a pour vocation de devenir une plate-forme de diffusion des créations artistiques des jeunes du quartier, mais également des artistes marocains et internationaux, tout en s’ouvrant à un public diversifié. La finalité étant d’intégrer le centre dans l’agenda culturel casablancais, voire marocain, à travers des événements phares qui offriraient un rayonnement à toute la région. Nous sommes animés par une profonde volonté de faire parvenir la culture dans un quartier éloigné tel que celui-ci, et de rompre la frontière imaginaire qui persiste entre Casablanca et Sidi Moumen.
L’autre axe important de notre démarche porte sur le travail avec les associations du quartier. Il s’agit de les accompagner, en leur consacrant notamment des espaces de travail (salle de réunion, de cours ou de répétition), mais également en leur apportant une expertise en matière de gestion de projets.
Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre arrivée ?
Des difficultés, il y en a toujours, mais je suis bien heureuse de pouvoir travailler ici, auprès des jeunes de Sidi Moumen. J’avais déjà eu l’occasion d’apporter ma contribution à un projet de formation de danseurs, initié par la Compagnie 2k.far dans l’ancienne médina de Casablanca, et ce, pendant trois ans. J’éprouve un certain intérêt pour ce genre de challenges. De plus, je reste une fille du peuple.
Quels sont vos projets pour le centre, à l’avenir ?
J’avoue avoir l’espoir de constituer une petite chorale musicale qui réunirait des jeunes du quartier de tous âges, que nous baptiserions “La Chorale des étoiles de Sidi Moumen” et qui permettrait de faire rayonner ces talents en herbe.
Qu’est-ce qui fait “kiffer” Sophia Akhmisse ?
Ce qui me fait “kiffer”, c’est de voir l’expression des enfants lorsqu’ils découvrent de nouvelles techniques de dessin, de danse ou autre. Ils ont vraiment des étoiles plein les yeux ! Nous avons eu le plaisir de le constater lors de la journée en commémoration du 16 mai (organisée le 17 mai dernier), au cours de laquelle l’illustratrice française Elodie Nouhen, invitée par l’Institut Français dans le cadre du projet “La Cigogne Volubile”, a animé un atelier au centre pour les enfants du quartier. Leurs regards étaient tellement expressifs ! Leur énergie et leur envie de découverte est sans limites. Cela me donne la chair de poule quand je les vois ainsi, et surtout le sentiment d’avoir été utile. Aujourd’hui, il m’arrive de croiser ces enfants dans la rue. Ils me lancent un sourire et m’interpellent au passage pour me demander quand aura lieu le prochain atelier du genre. Ce sont ces moments précieux qui me font aussi aimer ce métier.