Shahinaz Abdel Salam

A 33 ans, cette ingénieure en informatique a fait partie des pionniers du mouvement de contestation égyptien sur la Toile. En 2005 déjà, elle s'employait à dénoncer la dictature de Moubarak sur son blog et à ouvrir les yeux à la jeunesse de son pays. A l'occasion de la sortie de son livre "Egypte, les débuts de la liberté", Shahinaz nous livre le fond de sa pensée sur l'avenir de son pays.

FDM : A quel point étiez-vous impliquée dans le soulèvement du peuple égyptien contre le pouvoir ?

Shahinaz Abdel Salam : Comme beaucoup d’Egyptiens, il y a longtemps que je me suis rendue compte que l’Egypte était un régime dictatorial. Je ne pouvais pas rester les bras croisés à ne rien faire. J’ai donc créé un blog en 2005 dans le but de réveiller la conscience de la jeunesse égyptienne et de briser leur sentiment de peur. En parallèle de ce blog, j’étais également activiste au sein du mouvement “Kefaya”.

A-t-on tenté de vous empêcher de parler ?

Oui, j’ai reçu des menaces de la part de la sécurité de l’Etat à l’époque de Moubarak. J’ai également été emprisonnée en 2010 pendant quelques jours pour m’être rendue en Haute-Egypte avec d’autres bloggeurs afin de présenter nos condoléances à des familles coptes dont les proches ont été assassinés le 7 janvier 2010.

Aujourd’hui, vous publiez un livre, “Egypte, les débuts de la liberté”. Qu’est-ce qui vous a motivée à l’écrire ?

J’ai commencé à écrire ce livre en avril 2010 afin de dénoncer le régime de Moubarak. En cours de route, mon rêve de le voir tomber s’est réalisé et j’ai donc poursuivi l’écriture de ce livre en y intégrant cette période importante de l’histoire égyptienne, et en partageant le fond de ma pensée sur l’avenir du pays. Vous attendiez-vous, après le renversement du pouvoir, à de tels affrontements entre coptes et musulmans ? L’extrémisme est présent dans toutes les religions et les coptes ont toujours été persécutés en Egypte. C’est un problème que la société égyptienne doit résoudre en changeant de mentalité et en révisant un discours religieux ignorant qui s’oppose systématiquement à tous ceux qui ne sont pas musulmans. Il faut que les Egyptiens prennent aussi conscience que le régime  de Moubarak a profité de ces tensions en les aggravant davantage.

D’après vous, les frères musulmans ont-ils une chance d’accéder au pouvoir ?

Oui, ils peuvent arriver au pouvoir au même titre que n’importe quel autre parti politique, mais je ne pense pas qu’ils obtiennent une majorité absolue. “QUAND ON EN VIENT À PARLER DE POUVOIR, ON A L’IMPRESSION QUE C’EST UNE AFFAIRE D’HOMME.” politique, mais je ne pense pas qu’ils obtiennent

une majorité absolue. Il paraît que beaucoup de femmes ont été violentées pendant les manifestations sur la place Tahrir ? Oui, c’est vrai. Une dizaine de femmes ont été harcelées sexuellement et ont été contraintes par les forces militaires à subir des tests de virginité. Les femmes ont joué un grand rôle dans le printemps arabe, surtout en Egypte.

Quelle est leur place aujourd’hui ?

Malheureusement, tout le monde semble avoir oublié ce que la femme égyptienne a réalisé ces derniers mois. Elle a payé le prix de sa liberté tout autant que les hommes. Elle a été blessée, emprisonnée et assassinée au nom de cette liberté. Mais quand on en vient à parler de pouvoir, on a l’impression que c’est une affaire d’homme ! Le problème des droits des femmes en Egypte est très complexe et profond, et je m’en suis vraiment rendue

compte lorsque, sur la place Tahrir, j’ai demandé à plusieurs jeunes hommes s’ils imaginaient qu’une femme puisse être élue à la tête du pays. Leur réponse était non, à l’unanimité, car d’après eux, la femme est faible.

C’est une première, une femme se présente aux élections présidentielles égyptiennes. Qu’en pensez-vous ?

Je pense qu’elle ne remportera pas beaucoup de voix. A mon avis, il faudra attendre 10 ou 15 ans pour que ma génération, celle des blogs, de Facebook, de Twitter et de Tahrir prenne le pouvoir et que les choses changent vraiment.

Quelles sont vos craintes aujourd’hui et quels sont vos espoirs ?

Mes craintes sont déjà dépassées car je sais que les Egyptiens se sont réveillés. Cette prise de conscience collective, c’est la garantie que nos rêves se réaliseront et que nous irons, je l’espère, vers une Egypte civile et démocratique.

Un mot sur cette jeune bloggeuse égyptienne, Alia Almahdy, qui a posé nue sur son blog pour lutter contre l’obscurantisme ?

Alia a à peine 20 ans et elle a décidé d’utiliser une méthode choc pour interpeller la société, et je pense que cela était nécessaire. Je soutiens sa liberté d’expression, mais je déplore que son geste ait été instrumentalisé afin de casser l’image de la gauche et des Egyptiens libéraux. â– 

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