Rajae Boujnah : « le mouvement des droits de la femme doit conquérir les cœurs et les esprits »

Qui est aujourd’hui la jeunesse féminine au Maroc ? Discrète mais travailleuse, elle représente la force-vive du pays, s’acharnant, avec droiture, à réajuster la société en s’engageant dans l’entrepreneuriat et en s’imposant sur le terrain du patriarcat. Une source de richesse porteuse d’espoir à découvrir. Nous donnons la voix à de jeunes femmes volontaires et déterminées qui, chacune dans son domaine, oeuvre pour un Maroc fort, ambitieux et juste.

Libertés individuelles & féminisme
Rajae Boujnah, 27 ans, directrice d’Innovation for Change dans la région MENA

“En tant que féministe, je me trouve souvent confrontée à des attaques regorgeant de clichés : “les féministes détestent les hommes”, “les féministes sont des femmes en colère, désespérées”,  “toutes les féministes sont des carriéristes”, “elles ne soutiennent pas les mères au foyer” … Ces perceptions sont beaucoup plus accentuées et violentes lorsqu’est abordé le sujet délicat des libertés individuelles des femmes qui demeurent encore aujourd’hui sous l’emprise d’un plus grand contrôle social que celui des hommes. Ceci est non seulement dû aux normes sociales dominantes mais aussi en raison d’un mouvement féministe qui n’a toujours pas réussi à fédérer la société autour de la problématique de l’inégalité. En tant qu’activistes et société civile, il nous incombe d’opter pour une meilleure stratégie. Le mouvement des droits de la femme doit conquérir les cœurs et les esprits. Plus les démagogues et les populistes suscitent la peur et la colère, plus grand est le besoin de cultiver l’espoir et l’empathie. Lorsque les inégalités sont toujours présentées en termes de risques et de crises, les gens perdent de vue les opportunités et les progrès. La campagne pour les droits des femmes risque de perpétuer ce problème si elle se concentre uniquement sur la mise en évidence des actes d’injustice et d’abus. Nous, militants des droits de l’homme, nous devons regarder à travers le prisme de l’espoir, en faisant l’effort de chercher des histoires positives et inspirantes afin de développer, par la suite, des plaidoyers fondés sur des récits humains communs ainsi que des analyses critiques et pragmatiques sur un inacceptable statu-quo. Pour réussir, le féminisme doit également travailler au sein des systèmes que les femmes veulent changer. Cela signifie que notre mouvement doit reconsidérer sa relation avec le pouvoir et les structures l’entourant. Le vrai leadership exige que nous essayions réellement de travailler avec ceux qui nous oppriment pour obtenir de possibles réformes. Le pouvoir est complexe, mais en lui-même il n’est ni négatif ni mauvais, et il n’est pas nécessaire qu’il soit confié à la seule possession du patriarcat. Car, comme l’affirmait la philosophe féministe Elizabeth Grosz, “si les féministes croient que leur objectif est d’abandonner le pouvoir, elles ont déjà perdu le jeu duquel elles/ils ne peuvent pas se retirer””.

Prochain article : Lamya Ben Malek

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