Rachida Alaoui, de l’origine du caftan

Spécialiste du costume marocain, historienne de l'art et de la mode, plasticienne, Rachida Alaoui est une experte reconnue en matière de mode dans le monde arabe. Rencontre avec une passionnée...

FDM : Où le caftan trouve-t-il ses origines et à quelle période ?
Rachida Alaoui : Le caftan (dire caftane) trouve ses origines chez les Perses (qui prononçaient khaftane). Déjà porté par les Parthes et les Sassanides, il aurait été introduit dans l’Orient musulman vers le VIIIème siècle, à l’époque où les premiers califes abbassides s’entichèrent de mode iranienne. Les Omeyyades suivirent cette tradition en Andalousie.

Le caftan est-il toujours porté dans les pays dont il est originaire ?
Plus à ma connaissance s’agissant de l’Iran (Perse) d’aujourd’hui. Quant aux pays du Machrek, le caftan porté par les femmes du Moyen-Orient, voire même du grand Maghreb, n’est autre que celui du Maroc.

Commet cette tenue est-elle parvenue jusqu’au Maroc ?
Le caftan est arrivé au Maroc grâce à l’histoire mauresque et représente donc un héritage andalou médiéval.

A quelle période remonte le premier caftan marocain, et dans quelle région le trouve-t-on ?
Il remonte à la fin du XVème siècle, et les premières mentions de ce vêtement porté par les Marocains datent du XVIème
siècle. Le caftan est devenu une pièce maîtresse des citadins marocains. Taillé dans de belles matières importées d’Europe, il était alors porté par les dignitaires (hommes) et les notables des grandes cités marocaines (Fès, Meknès…), alors que les gens du peuple étaient simplement vêtus : un pantalon de toile assez serré vers le bas jusqu’à la cheville, sur lequel ils endossaient
une djellaba.

Le caftan a-t-il toujours été porté à l’occasion de cérémonies et d’événements particuliers ?
Le caftan, porté communément par les femmes et les hommes, était un vêtement de tous les jours. Cependant, celui des fêtes était enrichi de passementerie aux fils d’or et d’argent.

“LE CAFTAN EST UN SAVANT MÉLANGE D’ÉLÉGANCE, DE RAFFINEMENT ET DE CONFORT OÙ LE PASSÉ N’EST PAS RENIÉ.”

Toutes les femmes possédaient-elles un caftan ou cette tenue était-elle portée par une élite ?
Oui, toutes les citadines se devaient de porter dès l’après-midi leur caftan. Elles se réunissaient dans leurs demeures ou sur les terrasses des maisons pour échanger leurs impressions ou vaquer à leurs loisirs tels que la broderie. C’est le sujet de mon prochain livre à paraîtrechez Skira en juin 2011 : “Florilège de la broderie marocaine”.

Quels étaient les tissus utilisés pour leur fabrication ?
Le caftan peut être taillé dans du drap, du velours, de la soie brochée, de la satinette ou du coton, textiles fabriqués localement ou importés d’Europe ou d’Orient pour les plus rares. Au XVIIème siècle, sous le règne de Moulay Ismaïl, les marchands des grandes cités faisaient venir de grandes quantités de draps fins de soie et de laine, de toutes couleurs et de toutes sortes, comme du brocart, du velours, des taffetas rayés ou unis et de l’écarlate.

Quelles sont les techniques utilisées aujourd’hui pour la fabrication des caftans et qui existaient déjà autrefois ?
Le Maroc a su préserver ses savoir-faire ancestraux tels que le tissage, la broderie et le travail de passementerie à l’instar de la famille Ben Cherif qui perpétue le tissage du métier à la tire, du travail du fil d’or et d’argent ou de la broderie, laquelle connaît actuellement un épanouissement manifeste.

Le caftan contemporain a-t-il encore quelque chose de commun avec le caftan “historique” ?
Le caftan a subi de nombreux changements. La femme d’aujourd’hui est avide de modernité, de commodité et d’originalité. Les créateurs contemporains répondent à cette attente de façon souvent heureuse, et parfois malheureuse. Les plus doués ont su moderniser le caftan sans trop le dénaturer.

Sinon, en quoi est-il différent ?
Les femmes ont abandonné la coupe traditionnelle en “T”, trop lourde et loin d’être sexy. Taillé plus près du corps, de façon à mieux épouser la silhouette, il est devenu un vêtement moderne et élégant, facile à porter, mais paré d’un prestige qui tient de son passé légendaire. Il demeure le vêtement privilégié de la femme marocaine, qu’il s’agisse des jeunes ou des aînées.

La spécificité des caftans dépendait-elle uniquement des régions s’agissant des couleurs, du tissu, de la coupe… ?
Le caftan marocain tel que nous l’avons connu jusqu’au début du XXème siècle comprenait deux coupes différentes : celle de Fès et celle de Tétouan. Le caftan de Fès était droit et long, celui de Tétouan était large et court. Actuellement, le mélange s’est fait et il n’y a plus de frontières entre les régions du pays.

Quelle différence y a-t-il entre les caftans des femmes marocaines berbères, juives et musulmanes ?
Le caftan, comme je l’ai précisé, est un vêtement citadin. Or, les femmes berbères ont leur costume spécifique, qui existe depuis toujours et n’a rien à voir avec le caftan citadin arrivé tardivement. Quant au caftan juif, c’est celui de Fès fait de broderie au fil d’or appelé “ n’taâ”.

Le caftan a-t-il évolué avec l’émancipation de la femme ?
Bien entendu, et heureusement ! Grâce à des pionnières de la haute couture marocaine comme Zhor Sebti, Tamy Tazi et d’autres encore, le caftan a connu des changements notables surtout au niveau de la coupe et des matières. Le sur-mesure est devenu un phénomène à la mode pour mettre plus en évidence la silhouette féminine. Le caftan est désormais un savant mélange d’élégance, de raffinement et de confort, mais où le passé n’est pas renié.

A quoi ressemblera d’après vous le caftan de demain ? Et quel rôle la mondialisation joue-t-elle dans l’évolution du caftan ?
Une mutation est en cours, les jeunes d’aujourd’hui voulant porter un caftan moderne et n’hésitant pas à l’accessoiriser avec de grandes marques internationales installées au Maroc : chaussures Yves Saint Laurent ou Louboutin, pochette Prada, bijoux Cartier… J’ai même des amies qui commandent leur caftan en fonction de leur parure de joaillerie achetée à Paris ou à Londres.

Selon vous, le caftan doit-il être préservé dans son authenticité ou doit-il au contraire s’ouvrir à d’autres horizons ?
Non, pas forcément ! Mais n’a-t-on pas intérêt à défendre ce patrimoine sans le dénaturer ? Cela fait au moins une quinzaine d’années que les stylistes tentent de l’exporter à l’étranger et surtout en Europe, en vain. Par contre, le caftan a su trouver sa place dans les pays du Moyen-Orient, au Maghreb, dans la communauté musulmane en Europe et en Amérique. Mais dès que j’en parle, avec des Parisiennes par exemple, il reste pour elles un vêtement exotique.

Cette année l’événement Caftan fête ses quinze ans. Un petit mot pour la circonstance ?
Félicitations, cela prouve que l’événement est populaire. En lisant le dossier de presse, je vois que le thème est “Vogue Zaman”, une sorte de retour aux sources. En espérant que les jeunes talents présents à cette occasion sauront puiser dans notre patrimoine tout en renouvelant l’offre grâce à leur imagination et leur créativité.

Blog de Rachida Alaoui : rachidalaoui.blogspot.com

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