« Oui » à l’avortement !

Pour tous ceux et celles qui pensent que l'avortement est un péché, un crime et un acte immoral, qui prétendent qu'il est le lot des femmes de mauvaise vie... FDM a mené l'enquête dans les coulisses de maternités. Voici un petit aperçu de la réalité. Ames sensibles, s'abstenir.

Il paraît que la maternité est l’une des plus belles choses qui soit, que c’est un don du ciel… Soit, avoir un enfant, c’est formidable, car pour la première fois de notre vie, nous découvrons l’amour véritable, inconditionnel.Nous les femmes, avons un immense pouvoir, quasi magique, presque mystique: celui de pouvoir accomplir “le miraclede la vie”. Nous sommes en quelque sorte des grandes prêtresses de la vie à qui il a été confié ce don. Dans notre ventre, l’espèce humaine prend forme.Mais mettons toutefois un bémol à cet élan maternel quasi extatique. Faire un enfant, c’est une chance, mais quand on peut compter sur un mari aimant, quand on sait que l’enfant à naître sera accueilli par un père déjà conquis, quand on a les moyens financiers nécessaires pour lui offrir une vie décente, quand on se sent prête à l’aimer, quand on est sûre qu’il grandira dans de bonnes conditions… Et ça, c’est loin d’être aussi évident.Mais avant de rentrer dans le vif du sujet,il convient de se mettre d’accord sur une chose : la sexualité hors mariage existe et est pratiquée par un grand nombre de Marocains, pour ne pas dire une majorité.On peut en penser ce qu’on veut,fustiger ceux et celles qui la pratiquent,mais on ne peut pas la nier. Quant à traiter les femmes aux moeurs libres de débauchées,n’allons pas trop vite en besogne…Le sexe, ça se pratique à deux.Aujourd’hui, 600 à 800 avortements sont pratiqués chaque jour à travers le Royaume sur un total de 800 à 1.000 femmes qui se retrouvent dans une situation de grossesse non désirée. Ces femmes qui décident d’y mettre un terme ont toutes de bonnes raisons de vouloir le faire, et chacune s’y emploie à sa manière, parfois même avec les moyens du bord…

De nombreuses femmes souhaitent avorter pour ne pas empirer leur condition sociale déjà désastreuse et ne pas risquer ainsi de mettre au monde un enfant qu’elles sont incapables d’assumer…

C’est le cas de F., âgée d’une trentaine d’années, qui se rend à la maternité des Orangers accompagnée de ses trois enfants en bas âge (moins de 3 ans), enceinte d’un 4ème. F. souhaite se faire avorter.Son cas n’est pas simple… Celle-ci vit avec un homme depuis de nombreuses années, mais il n’a jamais consenti à l’épouser. En revanche, il n’a pas hésité une seconde à lui faire plusieurs enfants.Elle aimerait bien pouvoir partir, car il lui mène la vie dure, mais elle sait très bien qu’elle se retrouvera à la rue, sans justice pour la protéger et lui garantir des droits.Dans sa chute, c’est certain, elle entraînera aussi ses enfants. Voilà la raison pour laquelle elle souhaite mettre un terme à cette grossesse non désirée, mais on lui explique que l’avortement est illégal et qu’on ne peut l’aider dans ce sens. On lui précise aussi que l’avortement ne peut être pratiqué que dans le cas où la vie de la mère est menacée… “Comme j’aimerais être cette femme malade au point d’en mourir pour que vous puissiez m’avorter”,soupire-t-elle. “Très bien. Je vais rentrer chez moi et me rendre malade… Malade au point que vous serez obligés d’interrompre ma grossesse !”, déclare-t-elle avant de quitter la maternité. Gageons qu’elle yreviendra bientôt.

Mais F. fait partie de ces femmes surlesquelles les gens bien-pensants ne s’apitoient pas… Après tout, elle n’avait qu’à ne pas accepter d’avoir des relations sexuelles avec cet homme en dehors des liens du mariage, n’est-ce pas ?

Mais il y a aussi les femmes victimesde viols qui se retrouvent enceintes deleur agresseur…

C’est là qu’intervient le cas de Latifa. Sa fille, âgée de 23 ans, est atteinte d’une pathologiementale et est placée sous tripleneuroleptique. Aujourd’hui, cette mère n’en peut plus car dès que sa fille met lenez dehors sans surveillance, celle-ci sefait abuser. Résultat d’un premier viol il ya 3 ans, une petite fille, que Latifa élève du mieux qu’elle peut. Seulement voilà, sa fille se retrouve à nouveau enceinte à la suite d’un second viol. Pour cette maman, c’en est trop ! Avec une fille et une petite fille à sa charge, elle ne peut assumer un enfant de plus. Alors que dire à cette femme? Peut-on se permettre de la juger, ou de juger sa fille ? Assurément non.

Autre maman en plein désarroi : Hakima. Sa fille de 14 ans se retrouve enceinte et ne comprend rien à ce qui lui arrive. Partie étudier chez une camarade de classe,l’adolescente a été abusée par le frère de son amie et est tombée enceinte. Que dire ? Que conseiller à cette mère ? Compte tenu de la loi actuelle, rien… si ce n’est de l’inviter à rentrer chez elle sans lui apporter aucune solution.

Ce serait une grosse erreur de penser que les femmes subissant une grossesse non désirée renonceraient à l’avortement suite au refus d’un médecin. Car quand on veut y mettre un terme, on est prête à tout !

C’est le cas d’une jeune fille de 19 ans,admise aux urgences de la maternité des Orangers. Le col de son utérus a été déchiré par l’introduction d’un objet pointu dans son vagin, en l’occurrence une aiguille à tricoter. L’instrument a percé un vaisseau sanguin et a causé une hémorragie.Ravagée par l’infection, elle décèdera 48 heures plus tard.

C’est le cas aussi d’une autre jeune femme admise, elle aussi, aux urgences de la maternité pour une hémorragie génitale importante. L’examen vaginal révèle qu’elle s’est introduit des comprimés de permanganate de potassium dans le vagin, lesquels agissent comme de l’acide et provoquent un avortement.Les parois de son vagin tombent en lambeauxet son traitement nécessite une réanimation intensive ainsi qu’une interventionde plusieurs heures. La jeune femme s’en sort, mais avec une synéchie vaginale totale, c'est-à-dire une fermeture intégrale du vagin. Cette femme ne pourra plus jamais avoir ses règles, ni avoir de rapports sexuels, ni même enfanter.Alors quel avenir pour elle ?

A 19 ans, D. est admise aux urgences de l’hôpital Avicenne. Elle a le tétanos.Son examen révèle des plaies vaginales causées par l’introduction d’instruments souillés. Elle décèdera 48 heures plus tard. Le tétanos est aussi une cause de mortalité importante en milieu rural où les jeunes filles, pour stopper une grossesse non désirée, ont l’habitude des’introduire des herbes dans le vagin,contractant de cette manière la maladie. 

Dans d’autres cas, certaines femmes préfèrent avoir recours à l’ingestion de certaines substances dites abortives…

Admise aux urgences d’Avicenne pour syndromes d’intoxication graves, Ghita est en détresse respiratoire et en insuffisance hépatique aiguë. Elle a ingéré des produits qui ont agi directement sur son foie. Son examen révèle la consommation de produits abortifs, lesquels lui ont été conseillés par sa voisine. Elle décèdera le jour même

Autre pratique très fréquente :rompre sa poche des eaux à 4 ou 5 moisde grossesse…

“Quotidiennement, nous recevons des femmes qui arrivent à la maternité à 4 ou 5 mois de grossesse avec une poche des eaux rompue. Dissuadées par le coût excessif d’un avortement médical clandestin, elles s’en remettent à une sage-femme, une infirmière ou une accoucheuse traditionnelle. Leur méthode? Introduire une aiguille dans le vagin afin de rompre la poche des eaux. Quand nous voyons ces femmes arriver dans cet état, nous sommes obligés de terminer le travail. Pourquoi? Parce qu’aucune grossesse ne peut être menée à terme ou donner naissance à un enfant viable sans liquide amniotique. En ne mettant pas un terme à cette grossesse, on expose la femme à l’infection. Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est que les femmes se passent le mot. A chaque fois, on se dit qu’on ne jouera pas ce jeu, mais on y est obligés car sans cela, on expose ces patientes au choc sceptique, et donc, à la mort…”, explique le docteur Chraïbi, confronté chaque jour à cet horrible dilemme.

Certaines femmes préfèrent quant à elles s’en remettre aux “bons soins”de médecins pratiquant l’avortement dans la clandestinité…

K., jeune fille célibataire, entretient depuis quelque temps une relation amoureuse avec un homme marié. Tombée enceinte de ce dernier, elle décide de se faire avorter dans le plus grand secret chez un médecin de Rabat, spécialisé en la matière, et lui donne un faux nom et une fausse adresse.Pendant l’intervention, qui consiste à placer une son de d’aspiration dans le vagin,il y a perforation de l’utérus et aspiration des anses. La jeune fille mourra des suites de cet avortement. Le docteur a écopéde 5 ans de prison et en a fait 3.

Le même mois, un autre médecin pratique un avortement sur une femme mariée,mère de deux enfants, qui, d’un commun accord avec son conjoint, ne souhaite pas mener sa grossesse à terme.L’intervention se passe mal et la femme décède. Dans le cas présent, le docteur ne sera pas inquiété et échappera à la prison.Les familles de la défunte et de son époux ne voulant pas ébruiter l’affaire, le mari risquant la prison en tant que complice et intermédiaire, personne n’a souhaité poursuivre le praticien.

R., femme flic, la quarantaine, aura plus de chance dans son malheur. En cours de divorce, celle-ci a subi un viol conjugal des suites duquel elle est tombée enceinte. Désireuse de se faire avorter, elle se rend chez un médecin réputé en matière d’avortement dont elle connaît bien la secrétaire.Cette dernière lui propose alors, en bonne copine, de lui pratiquer elle-même une échographie en l’absence du praticien.Chose faite quelques heures plus tard. La secrétaire confirme à R. sa grossesse et l’invite alors à monter sur la table pour lui faire subir une petite aspiration car après tout, elle qui assiste à au moins 6 ou 7 avortements par jour est bien placée pour savoir que cela ne prend que quelques minutes et que ça a l’air très facile. Elle pratique alors l’aspiration à vif et sans anesthésie…Au cours du mois qui suit, R.souffre, saigne et a de la fièvre. Elle prend peur et se rend à la maternité des Orangers où elle est hospitalisée d’urgence pendant plusieurs jours pour infection, et pour“terminer le travail”…

Nous sommes maintenant au fait des pratiques en cours et des risques liés àl’avortement clandestin. Interdire l’IVG n’entraîne ni la diminution de ces actes,ni leur éradication. Au contraire, le statutillégal de cette pratique encourage la clandestinité et met de ce fait, chaque jour,la vie de centaines de femmes en danger.Car, même effectué par un médecin,l’avortement n’est pas toujours sûr et sans danger. Bien au contraire ! Une IVG reste un acte chirurgical qui, pratiqué dans le cadre d’un cabinet médical, ne répond pas aux conditions sanitaires et médicales normalement requises. L’anesthésie, notamment,n’y est pas pratiquée selon les normes, et les risques infectieux sont d’autant plus présents qu’un cabinet médical ne répondra jamais aux mêmes normes d’hygiène qu’un bloc opératoire.

Il convient maintenant de faire le point sur ce qu’il advient des femmes qui ne pratiquent pas l’avortement suite à une grossesse non désirée…

Selon une étude de l’INSAF, l’Institut National de Solidarité Avec les Femmes endétresse, aujourd’hui au Maroc, on dénombre100 naissances par jour de mères célibataires. 24 de ces nouveau-nés sont abandonnés chaque jour. En 2009, on comptait 27.000 naissances d’enfants illégitimes pour la seule ville de Casablanca…Il va de soi que l’expulsion du giron familial est le quotidien de la majorité de ces mères célibataires, exil qui les pousse bien souvent à avoir recours à la prostitution pour survivre.

Parmi celles qui se rendent à l’hôpital pour accoucher, il y a celles qui déclinent une fausse identité et donnent naissance à leur enfant avant de l’abandonner au service d’assistance sociale de l’hôpital ; et il y a les autres, arrivées en plein travail, qui après avoir menti elles aussi sur leur identité et leur adresse, s’enfuient en pleine nuit en emportant leur bébé avec elles.“Nous n’avons alors aucune trace de cet enfant.L’a-t-elle tué ? L’a-t-elle vendu ? Sera-t il victime d’un réseau étranger de trafic d’organe? Personne ne peut le savoir car cette femme qui a accouché n’a laissé aucune trace,et son enfant n’existe pour personne…”, explique Chafik Chraïbi.

Enfin, il y a celles qui se suicident….Parce que des tragédies telles que celles-ci se jouent tous les jours dans nos villes et nos campagnes,nous disons “oui” à l’avortement et ce,quelles que soient les raisons qui se cachent derrière une grossesse non désirée. Qui sommes-nous pour juger une femme et les raisons qui la poussent à faire le choix de l’IVG ?Cette déchirure n’est-elle pas suffisamment douloureuse sans que la société bien-pensante ne se permette de lui faire un procès d’intention et de passer ses moeurs à la loupe ? En tant qu’êtres humains, citoyennes, femmes et mères, nous revendiquons le droit de disposer de notre corps comme bon nous semble. Il n’appartient ni à l’Etat, ni à la justice, ni à la religion…notre corps nous appartient.

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