Malika Zarra, the american idol

Après avoir fait sensation aux Etats-Unis avec son nouvel album "Berber taxi", Malika Zarra, la désormais célèbre jazzwoman marocaine, s'est produite pour la remière fois au Maroc au festival Timitar d'Agadir, le 29 juin dernier. uelques heures vant de monter sur scène, la "crooneuse" à la voix de velours revient pour nous sur son parcours hors du commun qui la mènera du sud marocain à la Mecque du Jazz : New York.

FDM : Vous êtes née dans le sud marocain, à Oulad Teïma, où vous avez vécu jusqu’à l’âge de 3 ans. Quels souvenirs gardez-vous de votre petite enfance ?
Malika Zarra : Jusqu’à l’âge de 12 ans, on rentrait régulièrement au Maroc avec mes parents, et j’en garde beaucoup de bons   souvenirs : des jeux d’enfants, des couleurs, des odeurs, la musique et aussi la nourriture… c’est très important la nourriture (rires) !

Votre famille émigre ensuite en France, en banlieue parisienne dans un premier temps. Comment vivez-vous ce changement ?
On a d’abord vécu aux Mureaux, puis à Mantes-la-Jolie, avant de s’installer en Touraine. Quand on est enfant, on s’adapte très  vite sans trop se poser de questions. C’est toujours après que les interrogations et les problèmes arrivent (rires). C’est donc  beaucoup plus tard que j’ai réalisé la richesse de ma double culture, mais aussi le fait que ce n’est pas évident à vivre,  notamment dans le cas de la génération de mes parents. Ce sont des gens qui ne sont pas partis en se disant qu’ils allaient  dans un nouveau pays pour s’y installer, mais qui ont toujours gardé en tête l’idée de revenir au Maroc. Le côté positif de cette attitude, c’est qu’ils  ont su préserver leurs coutumes et ils sont même plus conservateurs que les familles restées au pays. Mais ce qui n’est pas  évident, c’est de devoir vivre dans cette culture à la maison, et de s’adapter à une autre société quand on sort de chez soi.

Racontez-nous votre rencontre avec la musique ?
En grandissant dans cet univers métissé, où les communautés se mélangent, j’ai très vite pris conscience que le racisme était dû à l’ignorance, à la mauvaise connaissance des us et coutumes des uns et des autres. Je me suis aussi aperçue que dès qu’on  se rassemblait pour manger,chanter, jouer de la musique ou danser, les  conflits disparaissaient comme par enchantement. C’est donc très tôt que j’ai compris que l’art en général pouvait être un moyen très puissant pour rassembler  les peuples en  créant des points d’échange et de communication. J’ai toujours pensé faire quelque chose pour promouvoir la culture et à  l’adolescence, c’était un challenge que j’étais décidée à relever. Puis, j’ai compris que pour mener à bien mon projet, il fallait  que j’aie une expérience personnelle, que je m’adonne à une activité culturelle pour savoir de quoi je parle et je me suis dit :  “Pourquoi pas la musique ?”. C’était un défi encore plus grand à mes yeux car faire de la musique était à l’opposé de tout ce  que j’étais : réservée, timide ; et fallait que je me fasse violence pour dépasser mes peurs. J’ai commencé par le conservatoire,  mais ça ne m’a pas plu. Et puis j’ai découvert le jazz, que j’ai appris en prenant des cours dans des écoles de musique. Il m’a  véritablement captivée parce qu’à mon sens, il entretient un lien très fort avec les sonorités arabes, mais aussi avec toutes les  musiques traditionnelles. Je dirais presque que le jazz n’a rien inventé, car l’improvisation existe déjà depuis très longtemps.

Où puisez-vous vos inspirations musicales ?
J’ai été très influencée par les goûts musicaux de ma mère. C’est une berbère d’Imintanoute, et elle écoute beaucoup de  musique amazighe et bien sûr, du chaâbi. A la maison, on écoutait aussi de la pop américaine, du funk, et quand j’ai décidé d’apprendre la musique, j’ai découvert le jazz.

Un déclic se produit dans votre carrière musicale lorsque vous décidez de chanter dans vos langues maternelles : l’arabe et  l’amazigh. Pourquoi ce choix ?
Il y a plusieurs raisons qui ont déterminé ce choix. Dès que j’ai commencé à faire de la musique, j’ai été portée par ce désir de  rapprocher l’Occident et le monde arabe, car il a toujours été évident pour moi que c’est la méconnaissance de la culture des uns  et des autres qui nous sépare et crée des conflits. Puis, ayant grandi dans la musique arabe, marocaine, il fallait que j’utilise ce patrimoine. Et enfin, la troisième raison est assez anecdotique : j’ai toujours eu du mal à me rappeler des textes des standards de jazz quand ils sont en anglais (rires) ! Ce n’est pas ma langue maternelle et elle ne me permet pas de faire passer  les mêmes choses émotionnellement. Petit à petit, j’ai approfondi cela, et j’ai eu l’occasion de jouer dans des endroits  où les gens avaient de nombreux a priori par rapport  à la langue. Pourtant, ils se laissaient complètement porter par la  musique, sans vraiment savoir que je chantais en arabe, et venaient ensuite me voir pour me dire à quel point ils avaient trouvé  cette langue jolie et sensuelle. Cela les rendait finalement beaucoup plus réceptifs. 

En 1996, un deuxième déclic a lieu lorsque vous découvrez New York. Pourquoi ce coup de foudre ?
Les Etats-Unis ne m’ont jamais attirée, même si j’aime la musique qui vient de làbas. Cette année-là je n’avais plus vraiment d’attache en France, et je me suis dit que ce serait une bonne idée de faire un tour par New York, la Mecque du Jazz. J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont poussée à jouer dans un big band dont le chef d’orchestre est aussi le créateur de la  New School, une institution aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs lui qui m’a énormément encouragée à chanter en arabe et en  français. C’était la première fois qu’une personne me faisait comprendre que ma double culture était un plus. En France, on en  est encore à parler d’assimilation, d’intégration, et on te demande d’oublier ta culture pour n’être que française. Sans même en  prendre conscience, on a alors l’impression que  cette autre culture dont on est porteur est négative. Après avoir vécu encore  quelque temps en France, puis en Angleterre, je me suis finalement décidée à m’installer à New York, où je vis depuis 2004.

Comment vos deux albums ont-ils été reçus aux Etats-Unis, sachant qu’il ne fait pas forcément bon être arabe par les temps qui courent ?
Ils ont reçu un très bon accueil. Quand je me suis installée là-bas en 2004, je me disais que ce n’était pas forcément la bonne période, surtout après les attentats de 2001. Mais en fait, et surtout à New York, il y a eu un engouement incroyable pour la  culture arabo-musulmane. On gagnait mieux sa vie en tant que musicien jouant  de la musique traditionnelle qu’en faisant du jazz (rires) ! N’oublions pas aussi que c’est un continent nouveau, les gens n’y ont pas le même lourd passé qu’en Europe. Ils  vivent avec beaucoup moins d’a priori. Si vraiment tu es sérieux et travailleur, on te donne la possibilité de faire ce que tu sais  faire. On ne te ferme pas tout de suite les portes.

Vous vous produisez dans le cadre de la 9ème édition du festival Timitar à Agadir, et c’est d’ailleurs votre première fois sur scène au Maroc. Quelles sont vos impressions ?
Tout d’abord, si je me produis à Timitar,  c’est parce que le festival m’a fait une proposition (rires). Mais je suis ravie de  participerà cet événement en particulier… C’est significatif pour moi de chanter à Agadir… Je suis née dans cette région, et c’est en quelque sorte un retour aux sources. Sinon, me produire devant le public marocain est très impressionnant pour moi.

Quel regard portez-vous sur la femme marocaine  d’aujourd’hui ?
Ce que vivent les femmes marocaines à tous les points de vue me touche évidemment beaucoup. Mais je dirais que bien  au-delà du Maroc, et de tout temps, la femme est toujours dans l’ombre. Aujourd’hui, elle a besoin de se reconstruire et je crois  beaucoup à l’éducation pour y parvenir. Enormément de femmes font des choses extraordinaires et l’avenir du monde repose  sur leurs épaules, comme cela a d’ailleurs toujours été le cas, sauf qu’on ne le dit pas assez. Les femmes et les mères, surtout  dans nos sociétés, sont porteuses des traditions orales et elles ont en ce sens besoin de gagner encore plus de confiance en  elles-mêmes afin de se réaliser davantage.

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