Pourvu qu’il soit de bonne humeur de Loubna Serraj, Éditions La Croisée des Chemins
l’histoire ? Deux époques. Deux couples. Deux voix. Non, plusieurs voix qui traversent le temps pour raconter une vie, deux vies, leurs vies. À travers une histoire, tour à tour inscrite dans le passé et le présent, aussi parsemée de violence ordinaire que de passion rebelle, le murmure Pourvu qu’il soit de bonne humeur d’abord inaudible, se renforce, devient mantra et arrache sa propre bulle de liberté, inestimable hier comme aujourd’hui. Comment être libre quand l’idée même de liberté n’est pas envisageable? Comment résister à une guerre de l’intime où les bruits des canons deviennent ceux de clés tournant dans la serrure d’une porte ou de pas se rapprochant doucement mais sûrement ? Comment la peur peut s’insinuer dans les couloirs du temps pour faire passer un message ? Quel message ? Maya. Lilya. Deux voix. Deux femmes. Deux époques. Une intensité. Celle que provoque la liberté.
Un coup de cœur, pourquoi ? Ce livre vous prend aux tripes. Au fil des pages, on découvre l’histoire d’une jeune fille qui part à la quête de sa grand-mère qu’elle n’a pas connue. Du coup, on voyage entre le Maroc des années 50 et le Maroc de 2019. Ce livre est aussi sur fond de violence conjugale mais ce serait vraiment réducteur de le résumer qu’à cela. Il est bien plus. Le style d’écriture de Loubna Serraj est aussi captivant. Saisissant. Il m’a beaucoup fait pensé à celui de Joel Dicker pour le livre “La Vérité sur l’affaire Harry Quebert”. Bref, “Pourvu qu’il soit de bonnes humeurs” est un bijou !
Kant et la petite robe rouge de Lamia Berrada-Berca, Éditions du Sirocco
l’histoire ? “Une robe est une forme d’idée. Une vision du monde. Un grand désir d’être. Une façon d’exprimer sa liberté à même le corps…” Le rouge éclatant d’une petite robe exposée en vitrine, un livre de Kant dérobé sur le paillasson du voisin, et la magie de certaines rencontres, révèlent à Aminata qu’il existe, au-delà de sa vie de femme recluse et de l’aliénation dans laquelle son ignorance la maintient, la possibilité lumineuse d’un autre monde, et d’un autre soi-même.
Un coup de cœur, pourquoi ? C’est un petit livre par sa taille et son nombre de pages, qui est d’une immensité incroyable. Ce roman s’apparente au Monde de Sophie de Jostein Gaarder par sa puissance, nous donnant envie de découvrir de grands textes philosophiques. À travers ce récit terriblement touchant, Lamia Berrada-Berca nous raconte l’histoire de cette jeune femme qui fantasme sur une robe rouge avant de se questionner, pensée après pensée, et de découvrir la littérature, pas à pas, rêvant au final de lever son voile pour cette robe rouge.
Voyage au bout de l’enfance de Rachid Benzine, Éditions Seuil
L’histoire ? Fabien est un petit garçon heureux qui aime le football, la poésie et ses copains, jusqu’au jour où ses parents rejoignent la Syrie…
Un coup de cœur, pourquoi ? “Voyage au bout de l’enfance” est une claque ! Âme sensible s’abstenir ! 80 pages mais on est pris, là aussi, aux tripes… C’est un roman poignant et d’une grande humanité ! Fabien, un petit garçon adorable d’une maturité incroyable, s’appellera désormais Farid car ses parents ont décidé de partir en Syrie et d’aller vivre dans un camp de Daesh. Farid nous fait découvrir son quotidien avec une lucidité et une maturité incroyables. On n’a qu’une envie, c’est d’aller le récupérer pour le sortir de là !
La poule et son cumin de Zineb Mekouar, Éditions Jean-Claude Lattès
L’histoire ? Deux jeunes femmes, deux destins, deux Maroc. Si une forte amitié lie dans l’enfance Kenza et Fatiha, la fille de sa nourrice, la réalité de la société marocaine les rattrape, peu à peu, dans sa sourde cruauté. Elles se retrouvent à Casablanca, fin 2011. Que s’est-il passé ?
Un coup de cœur, pourquoi ? Ce livre est une belle surprise pour un premier roman ! Aussi, on se dit le prochain, c’est pour quand ? À travers Kenza et Fatiha, on voyage à travers le Maroc. On y découvre la difficulté d’être femme, mais aussi les différences de classes sociales.
Du sang et de la mémoire. Vie et mort des musulmans d’Espagne de Zakya Daoud, Éditions La Croisée des Chemins
L’histoire ? C’est dans les périodes de décadence que la question identitaire rejaillit avec la plus grande violence. Elle obnubile les esprits occultant, par là même, les décrépitudes politiques, morales et culturelles à l’œuvre. C’est une construction idéologique qui, à défaut de projet, diabolise l’autre, qualifié d’abord de différent avant de se retrouver ennemi, justement parce qu’il serait différent. Et différent, on le devient nécessairement, que ce soit par la race, par la religion, par la situation… C’est ce que vivent aujourd’hui nombre de pays prêts à sombrer dans cette guerre populiste et vaine parce qu’ils craignent la dépossession de la suprématie perdue. Ce fut aussi la situation de l’Espagne : pays multiple, pays divers, conquis par l’élan des Musulmans dans leur période d’expansion, férocement et patiemment reconquis par une croisade de plusieurs siècles et victime d’une idéologie inquisitoriale décrétant “le blasphème ou la mort”. Cette histoire, à la fois proche et lointaine, est destinée à faire réfléchir sur les dangers des temps présents. Une modeste contribution à l’époque, un rappel que toutes les civilisations sont mortelles, que le rejet de l’autre conduit au néant, que tous les humains sont des bâtards et que le progrès c’est l’osmose, la mutation perpétuelle, ne serait-ce que pour survivre et quoi qu’il en coûte….
Un coup de cœur, pourquoi ? Cet essai retrace l’histoire des Musulmans d’Espagne et de l’État andalou. Mais Zakya Daoud ne se contente pas de nous livrer les faits historiques, elle met aussi en avant les instrumentalisations idéologiques et religieuses qui ont traversé l’Espagne au cours du temps. Passionnant et instructif !