Le niveau baisse : Réalité ou Infox ?

Le constat de l’échec de l’enseignement au Maroc est une évidence, et la baisse du niveau est l’argument brandi à tout bout de champ pour expliquer les piètres résultats obtenus par les apprenants. Et si l’âge d’or de l’école était devant nous ? Explications.

“Le niveau baisse car élèves et étudiants  sont trop gâtés. Ils ne ressentent plus le besoin, la nécessité de fournir un effort. Tout leur est dû, dans tous les domaines. De notre temps, on avait droit à deux tenues neuves par an, achetées à l’occasion de l’aïd sghir et l’aïd elkbir. On en prenait grand soin, comme de nos affaires scolaires. L’effort, c’est là le mot clé. Fournir un effort au quotidien, pour tout.”

“Ils ont le nez constamment dans leur portable, leur  tablette. Si seulement  ils visitaient les sites qui instruisent ! Ils deviennent quasi analphabètes, se contentant de visionner et d’écouter les trucs faciles à consommer. Normal que le niveau baisse ! Nous, on faisait des photocopies des références demandées par les profs, cela grugeait notre budget mais enrichissait notre savoir. C’était la belle époque…”

Florilèges  extraits d’échanges entre professeurs. Edifiant.

Le niveau, kézako ?

Pour beaucoup de personnes, la baisse de niveau est une évidence qui ne requiert ni statistiques, ni démonstration. Et les responsables de la dite baisse sont évidemment les élèves et les étudiants.

Qu’est- ce que donc le niveau ? Il aurait baissé quand, comment et comparativement à qui, à quoi ? Ceux-là même qui confirment la baisse arguent de la vitalité d’esprit des jeunes d’aujourd’hui. Les mêmes sont fascinés par la facilité des tout-petits avec la gestion des écrans. Là où échouent parfois  les “grands” avec leur Bac + 12, un mioche de 14 mois réussit haut la main ! Le niveau n’est donc pas une question d’échec ou de réussite car les deux ne sont que des étapes sur le chemin de l’apprentissage.

Accusés, levez-vous !

Le niveau aurait baissé. Admettons. Mais ce n’est pas celui des apprenants ! Les coupables – ils sont sûrement pléthore au vu de la faillite quasi-totale de notre système scolaire – sont d’abord à recruter auprès de ceux qui décident à l’amont. Tous ceux qui affirment : “Oui, c’est indéniable, le niveau baisse, c’était bien mieux de mon temps” sont des nostalgiques d’une époque à jamais révolue. Dans leur for intérieur, ils susurrent : “C’était mieux avant, quand j’étais jeune. Oui, c’est tellement moche de vieillir !”

Il y a baisse patente et même cécité en matière de vision, de stratégie d’avenir concernant notre école. La dernière actualité en la matière nous avait appris que : “Malgré son adoption en Conseil de gouvernement puis en Conseil des ministres, le projet de loi-cadre sur l’Education a été combattu en commission parlementaire par le groupe parlementaire du PJD, le parti du chef du gouvernement. L’Istiqlal s’aligne sur la même position. En cause : le retour des langues étrangères dans l’enseignement des matières scientifiques et techniques.”

Discuter de la pertinence des langues d’enseignement n’est pas au cœur de notre sujet. Mais démontre qu’imputer la baisse de niveau aux apprenants – qui subissent les conséquences de décisions politiques – est une grave erreur. Il y a baisse certes, mais  en matière d’acuité de perception de l’apprenant d’aujourd’hui : l’élève des années 2010-2020 n’est pas celui des années  60 -70, celui de nos décideurs qui seront demain à la retraite. Ceux qui concoctent les programmes ne connaissent pas la réalité du terrain. Combien d’étudiants et de professeurs n’ont jamais entendu parler de la cosef (Commission spéciale éducation-formation) dont les membres ont visité de très nombreux pays avant de concocter la énième réforme de l’éducation sans consulter, comme il se doit, enseignants et étudiants marocains.

Un coup d’œil aux programmes scolaires, du bas en haut du système, révèle la même berlue : on se préoccupe bien plus de quantité que de qualité. Les élèves réagissent à leur façon à ce dysfonctionnement par la triche, massive et assumée : “lkhawi yarjaa l’moulah” (on renvoie la marchandise).

L’enseignant est (presque) prophète

Nombreux sont les enseignants qui accréditent la thèse de baisse de niveau. Des enseignants qui se disent dénigrés par les apprenants. Jadis, l’image du professeur était sacrée car l’école dont le professeur est l’emblème principal prenait par la main l’apprenant jusqu’à l’obtenion d’un diplôme qui se concrétisait par un emploi. L’école est dénigrée car elle ne joue plus son rôle d’ascenseur social. La renommée de l’enseignant marocain est donc rognée par la faillite de l’école qui a complètement raté le virage de la massification, ne conduit plus au plein emploi (diplôme = poste). Cette renommée souffre également de l’éclatant triomphe des médias. Avant, il y avait une seule chaîne TV, les figures d’idoles étaient rares, les professeurs n’avaient pas à jouer au coude-à-coude avec foultitude de célébrités. Aujourd’hui, l’enseignant n’est plus qu’un quidam parmi tant d’autres.

Les professeurs qui croient à la farandole du niveau qui baisse refusent d’abdiquer, se cramponnant à l’âge d’or de la figure du “moâllim” (enseignant) prophète.

L’administration publique ne peut plus absorber les pelotons de diplômés. Distiller dans l’esprit des familles et leurs rejetons que le niveau baisse est une manière de se dédouaner des déconvenues de l’après-diplôme, du chômage des masses, de triomphe du capitalisme sauvage : accepter n’importe quel boulot, au salaire imposé par le patron, puisque le niveau de formation est si bas !

Osons la révolution !

Le niveau n’est pas une donnée scientifique mesurable rigoureusement. C’est plutôt un jugement social et politique. Même si des commissions scientifiques et pédagogiques sont mandatées pour définir les normes auxquelles adosser le fameux niveau – et ces commissions existent dans nombre de nos institutions académiques – ces normes ne peuvent être absolues car elles impliquent des choix de cours, des choix de type d’institution académiques. On peut évaluer des compétences isolées, celle de la lecture ou du calcul par exemple – encore faut-il le faire : identifier les candidats, confectionner les épreuves, tenir sur le moyen et long termes les statistiques pour répondre à la question d’évolution, non du niveau mais de la compétence – quantifier le niveau et le comparer à avant est mission quasi-impossible.

Si la faillite de l’école est une réalité tragique, les élèves ne sont pas les seuls coupables. Ils subissent les erreurs de planification d’autrui. Les enseignants non plus ne sont pas les seuls coupables : ils sont en total désarroi face aux problèmes qu’ils rencontrent à tous les niveaux, ils se réfugient dans ce qu’ils maîtrisent le mieux : leur discipline sachant que cette attitude participe à la spirale infernale qui précipite la faillite de l’institution scolaire. Sauver cette dernière exige du courage politique et une véritable révolution dans les mentalités, les pratiques, les apprentissages, les évaluations, le regard porté sur les apprenants, sur le rôle des familles et autres partenaires. Il faut oser cette révolution et doter l’école d’un projet correspondant au monde qui vient vers nous, menaçant mais non insurmontable. À bon entendeur ! 

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