Qui aime bien châtie bien ?
“Il me dévalorisait en permanence, en m’envoyant des petites piquesen public ; minimisait l’importance de ma nouvelle promotion autravail ; n’aimait pas ma manière de m’habiller, d’élever les enfants etde faire la cuisine. J’avais beau faire des efforts, il trouvait toujours ày redire. J’ai fini par tomber en dépression”. Oumnia a été la proied’un manipulateur/persécuteur typique qui a su jouer de sessentiments, faisant baisser l’estime qu’elle avait d’elle-mêmepour mieux la cheviller à lui : “il me rappelait sans cesse la chanceque j’avais de l’avoir à mes côtés, malgré tous mes défauts.”Amoureux accro, on repousse ses limites, multiplie lesconcessions, se plie en quatre pour plaire à l’autre, ferme lesyeux sur certains travers… Si la donne est réciproque, aprèstout, pourquoi pas ? C’est lorsque le deal est à sens unique quele bât blesse. La dépendance affective devient alors le terreaudans lequel prospèrent les interactions déséquilibrées. Carquand on ne sait plus exister sans sa moitié, il arrive qu’onlaisse cette dernière s’immiscer dans des failles ouvertes etcontrôler notre vie, réduisant ainsi notre liberté d’être et depenser à une peau de chagrin, et modifiant petit à petit l’imagequ’on a de nous-mêmes.
Toi et moi et moi et moi
Tour à tour ange et démon, la bête nuisible manie à merveille lacarotte et le bâton, en faisant montre de tellement de charme,au début, qu’on n’y voit que du feu. C’est ce qui est arrivé àSalma : “Il m’accompagnait partout… même chez le coiffeur !J’étais ravie de tant de fusion, alors qu’il n’entendait en fait queme garder sous sa coupe exclusive. Bientôt, impossible d’avoir lamoindre conversation avec quelqu’un sans qu’il ne soit présent.J’étais constamment dans le contrôle, inquiète qu’il ne fronce lessourcils de désapprobation et ne me fasse une scène en privé, enraison d’une parole ou d’une plaisanterie malheureuse. Par la suite,il a commencé à critiquer mes amis, puis certains de mes proches.Sous influence, j’ai coupé quelques ponts, ressentant un mal-êtreindéfinissable. Mais son argument était imparable : personne net’aimera jamais autant que moi !”Une fois ce jeu de rôles instauré, la victime s’afficheconsentante puisqu’elle collabore, avec constance, à ladestruction de son identité. Et placée en permanence sur le bancdes accusés, la culpabilité omniprésente l’empêche de se rendrecompte de l’absence de remise en question chez son partenaire.
Victime consentante malgré elle
À l’origine de cette acceptation du rôle de victime, unmanque de confiance en soi, un passé amoureux mouvementéou encore la peur de la solitude… autant de facteurs quinourrissent la dépendance affective. “Je n’avais plus beaucoupde respect pour ma personne mais je ne pouvais m’empêcherd’obtempérer, terrorisé à la perspective d’être quitté”, enchaîneMalik, aujourd’hui guéri de sa relation malsaine. Son anciennecompagne a beaucoup usé et abusé du chantage affectif. S’il nela faisait pas passer en priorité (même avant un rendez-vousprofessionnel important) ou ne comprenait pas ses humeurscyclothymiques, c’était le drame.Traduction : il ne la méritait pas ! Énergivore et dévorante, larelation toxique met en scène un rapport de forces insidieux,qui tourne à l’avantage du dominant, souvent à personnalitéde pervers narcissique. Et pour mieux piéger le protagonistefaible, les leviers actionnés sont toujours les mêmes, on appuie très fort là où çà fait mal : l’émotionnelet les sentiments ; l’image de soi et lesfragilités ; l’intimité et ce qu’on désirecacher ; l’incapacité d’être à la hauteurdes attentes de l’autre…
Les signes qui netrompent pas
Certains indices peuvent laisser présagerqu’il s’agit d’un amour malade dans sesfondations. Sachez les identifier.â—† L’usine à reproches : il (elle) vousenvoie vos manques et vos tares à la figuretoute la sainte journée. Évidemment, vousvous retrouvez sans cesse dans la posturede vous justifier vainement…â—† La maltraitance psychologique etle dénigrement : souvent basée surla connaissance intime de l’autre, le(la) vicieux(se) utilise, par exemple,des infos sur votre passé ou vos expour mieux vous coincer. Versant dansle mépris, il (elle) trouve toujours matière à vouscomparer négativementà une tierce personneplus douée que vous.En présence de gens,soit il (elle) vous railleméchamment, soit vousdevenez transparent(e) àses yeux et il (elle) ne prêteaucune attention à vospropos. Dans cette dernièreoptique, vous ressemblez àun “chien-chien” qui fait le beau devantson maître indifférent ! â—† Le chantage affectif : la phrasecommence toujours par : “si tu m’aimes,tu dois…”. Problème : par la seule grâcede la formule magique, il (elle) en estarrivé(e) à régenter votre mode de vie etvos opinions et à planter des tas de sensinterdits sur votre route.â—† La culpabilisation : c’est toujours devotre fait, s’il (elle) a perdu son job, aeu un accident de voiture, ou si le planvacances s’est avéré foireux… Le (la)culpabilisateur(trice) de service a plusd’un argument dans son sac : vous ne l’avezpas suffisamment encouragé(e), avezbooké le mauvais hôtel sur Internet, l’avezénervé(e) de bon matin…â—† La jalousie pathologique : votrepérimètre doit se résumer aux cinquantecentimètres qui vous séparent et il (elle)vous suit comme votre ombre, partout.Au passage, il (elle) est jaloux(se) devotre mère, de l’épicier à qui vous avezsouri, de votre chef, de votre petit neveu de cinq ans, de vosamis… Résultat : pouravoir la paix, vous avezfait le vide autour devous… et arrêté de sourire !â—† Les sempiternelles fausses ruptures :vos rebuffades ponctuelles le (la) rendentfou (folle). Colère, cris, meubles cassés etfuite sont au programme. Mais telle unedrogue, le manque se fait vite sentir etl’histoire se répète avec aigreur…
Entreprendre une curede désintox
“Ni avec toi, ni sans toi” signe l’existenced’une souffrance dans la relation. Et quecelle-ci soit déguisée en amour passionneln’y change pas grand-chose… Lorsqu’onappréhende avec frayeur les réactions oules comportements de l’autre et qu’on nese reconnaît plus, même dans un miroir,il s’agit de dire “stop”, de sortir de la peaude la victime et d’agir, plutôt que de semorfondre dans son coin et de s’autoflageller.En attendant, on peut commencerpar se poser deux questions essentielles :“Ma vie serait-elle pire sans lui (elle) ?” et “Que m’apporte-t-il (elle) de si important pourque j’encaisse sans arrêt ?” Certes, le moinscompliqué serait de larguer les amarresdéfinitivement, pour arrêter d’être sousinfluence. Mais si on pense avoir quelqueschances de redresser la barre, il fautreprendre les commandes du Titanic etne plus se laisser déborder par les vaguesde ses émotions. Raisonnablement, onpose les conditions du respect mutuelet de l’autonomie, le territoire commun,ainsi que les frontières à ne pas franchir.Un break peut être également salutaire,histoire de prendre du recul et renoueravec le monde extérieur. Pour Oumnia, laprise de conscience a été rude : “Ce n’estqu’une fois que je me suis éloignée de lui quej’ai percuté qu’en vérité, il ne m’aimait pas. Ilvoulait me changer coûte que coûte, pour mefaire correspondre à un idéal de femme qu’ilavait dans la tête.” Rehab réussie ! â—†