Kelly Lindsey : “Le leadership est aussi important que la technique et la tactique” (Interview)

Ce qui marque le plus chez l’américaine Kelly Lindsey nommée il y a quelques semaines coach des équipes féminines marocaines de foot, c’est son pragmatisme et sa vision claire. Elle est convaincue que le foot est un levier important pour changer les mentalités, promouvoir l’égalité et encourager l’autonomisation des filles, mais elle reste tout aussi convaincue qu’il faut beaucoup de travail et du temps pour obtenir des résultats probants. L’ancienne joueuse américaine nous en parle.

Vous avez travaillé dans de nombreux pays avec des équipes féminines de foot. Quel est l’impact de ce sport sur les filles ?

Le football est un moyen de changer les mentalités, de lutter contre les stéréotypes et permet aux femmes de donner le meilleur d’elles-mêmes, quel que soit ce qu’elles choisissent de faire, quels que soient la carrière ou le métier qu’elles veulent avoir. Le football est un vecteur d’égalité, un moyen de montrer que les hommes et les femmes peuvent faire la même chose, même s’ils le font de manière différente.

Comment pensez-vous qu’on peut agir sur les mentalités et amener la société à admettre que les garçons et les filles sont égaux ?

Nous devons commencer avec les parents et les grands-parents. C’est difficile en l’espace d’une génération de comprendre pourquoi une fille voudrait jouer au football. Les mères des joueuses actuelles n’ont pas eu cette opportunité, ni leurs grands-mères. Elles sont donc la première génération qui est en train de changer les mentalités et de montrer que c’est possible. Quand les joueuses d’aujourd’hui deviendront mères à leur tour, elles verront les choses différemment. C’est important que les parents, pères et mères comprennent que le football est un sport qui prépare les filles à devenir autonomes et plus fortes, renforce leur leadership, leur donne la confiance nécessaire pour se prendre en charge dans la société et aspirer à y jouer un rôle pour contribuer à son développement social et économique.

Quel est l’état d’esprit des joueuses, sont-elles prêtes à s’engager, au-delà du sport, dans cette dynamique sociale ?

Je ne pense pas qu’elles en seraient là si elles n’étaient pas prêtes. Ces jeunes filles veulent voir leur pays et leur continent changer, évoluer. Elles veulent être libres de faire leurs choix dans la vie et dans leurs carrières. Cela va prendre probablement un peu de temps. Elles sont jeunes et elles sont là pour apprendre au fur et à mesure. C’est une bataille qui va durer encore quelques années. Nous commençons par être des sportives, puis des leaders dans le sport et plus tard des militantes du sport.

Quelles autres aptitudes leur inculque-t-on à côté des compétences techniques et tactiques ?

L’avantage d’entraîner des équipes féminines, c’est justement qu’il s’agit bien plus que de football. La technique et la tactique sont importantes bien sûr pour des joueuses internationales, mais la personnalité, le leadership, le comportement en dehors des terrains et les valeurs de citoyenneté, sont encore plus importantes.

J’ai passé les 10 dernières années environ à travailler sur ces compétences et ces valeurs un peu partout dans le monde. Je suis au Maroc depuis quelques semaines seulement et je suis très excitée à l’idée de commencer à faire la même chose ici et partant de là, en Afrique.

Quelles sont vos ambitions à plus ou moins long terme ?

Avec les U15, les U17, les U20, et les seniors, l’ambition est d’être les meilleures en Afrique, et d’amener le Maroc en bonne place sur le plan mondial. Cela n’arrivera pas demain, mais avec de l’engagement et de la détermination, nous pourrons dans les 8 prochaines années être en bonne position.

Pensez-vous que la communication pour mettre en lumière le travail effectué avec les équipes féminines peut favoriser l’adhésion autour de ce projet, qui est en fait bien plus qu’un projet sportif, un projet de société ?

Les gens ont besoin de voir les filles jouer, comprendre pourquoi elles jouent, et les valeurs qu’elles apprennent en jouant au foot. Si nous ne communiquons pas autour de tout cela, nous ne faisons pas entendre leurs voix. Les gens pensent que le foot c’est juste taper dans un ballon or c’est bien plus que cela. Des femmes fortes construisent un pays fort et cela les gens doivent le voir, en entendre parler pour l’ancrer dans les esprits et contribuer à changer les mentalités.

Quand commencera-t-on, à votre avis, à recueillir les fruits de ce travail ?

Il ne faut pas croire que cela arrive du jour au lendemain. Cela prend 20 à 30 ans pour construire un vrai projet. Il ne s’agit pas d’investir une année et espérer obtenir de grands résultats. Il faut planifier, sur 10 ans, avoir une vision à long terme et ne pas s’attendre à atteindre tous les objectifs en même temps. L’idée est de progresser, de grandir dans de bonnes conditions et d’évoluer au fur et à mesure. Il arrive souvent que dès la première année, quand on ne gagne pas on arrête d’investir, on suspend les activités. Ce serait une erreur. Il faut savoir que le football féminin a 100 ans de retard. Alors il faut investir dans une perspective très large qui dépasse le cadre sportif.

En résumé, il faut être patient, travailler dur, investir et communiquer pour que les gens voient en quoi le football est gratifiant et précieux pour les filles et pour les êtres humains d’une manière générale.

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