jeux de filles, jeux de garçons…

Culture et éducation enfantines se forgent à travers l'aspect ludique du jeu et des jouets. Or, ces derniers, trop ciblés garçons ou filles, mettent en place, très tôt, les stéréotypes qui accompagneront des enfants devenus adultes. Attention aux messages brouillés !

on m’a offert, pour Achoura, une palette demaquillage comme celle de ma maman. Quandmes copines de classe viennent à la maison, on semet du rouge à lèvres et plein de couleurs sur les yeux comme ça,on ressemble à Barbie quand elle va en soirée”, ânonne Rita, duhaut de ses six ans. Son frère, Ali, huit ans, reste absorbé parson train électrique ou court dans le jardin, en hurlant et entirant avec sa mitraillette en plastique. Leur maman, Samia,note leurs différences de tempérament flagrantes au niveaudu jeu : “Ali est comme un ours en cage. Il a besoin de libérer sontrop-plein d’énergie en jouant au ballon ; ou de se lancer des défis,en démontant et remontant le mécanisme de son camion. Rita,elle, peut rester des heures à dessiner, à parler avec sa poupée,à l’habiller, à la balader dans un Caddie…”. Deux gamins quiviennent illustrer, au fond, le vieux schéma qu’on a dansla tête sur le différentiel de comportement entre filles etgarçons dans la sphère ludique. Mais s’agit-il là d’une véritéindétrônable ? Ou serait-ce plutôt nous, adultes, vivant dans unesociété et culture lambda, qui transmettons nos représentationssociales et impactons leur imaginaire ? “Jusqu’à trois-quatreans, l’enfant n’a pas conscience de son sexe, souligne le docteurSelwa Kjiri, psychiatre. Par contre, dès sa plus tendre enfance,nous le regardons en tant que fille ou garçon et lui prêtons ce rôlesocial. Il s’en imprègne forcément. La fille s’identifie à la mère et lepetit garçon, au père ; c’est le premier modèle. Par la suite, cour derécréation, école, famille et télévision donnent aussi matière à forgerl’identité sexuelle, qui fonctionne sur le principe du mimétisme.” Etil se trouve, justement, que dans l’environnement, la profusionde stéréotypes sexistes cohabite avec une norme bien établie dugenre. Pas étonnant, alors, que la donne se retrouve aussi dansl’univers du jeu et du jouet. La petite fille lange son poupon oujoue à l’infirmière qui prend soin des autres. Le petit garçon, lui,répare sa voiture ou bricole, à l’instar du père ; ou s’en va en guerrecontre l’ennemi, comme ses super héros tous masculins…

Le marketing “genré”du jouet…

Rajae, qui fréquente beaucoup lesmagasins de jouets pour ses enfants,témoigne : “À partir de l’âge dequatre ans, au niveau des jouets, on ale rayonnage dédié aux filles et celuiaux garçons, avec des codes couleursdifférents et pas du tout les mêmestypes de jouets. Aux demoiselles : leménage, la cuisine, le maquillage,la maternité, la troussed’infirmière, la collection depoupées ; et aux bonshommesen culottes courtes : latechnique, le bricolage, les armes, les voitures,les jeux de construction ou les figurinesinvesties de super pouvoirs.” Ainsi, mêmedans le jeu, la dichotomie entre les deuxsexes paraît évidente. Culture du dedans,sphère privée, sensibilité, don de soi ouencore séduction sont encensés commeattributs du féminin ; tandis que lemasculin exhibe ses biceps, son corps fortet actif, sa technicité scientifique et sapropension à se déployer sur le dehors, levoyage, la guerre… Sur les boîtes, la policedes caractères ne trompe pas non plus :écriture topographique et en italique,évoquant vitesse et technique, contre unepolice arrondie, symbolisant tendresseet douceur avec des petits coeurs surles “i”. Par ailleurs, les jeux estampillés“garçons” sont souvent jugés valorisantset un tantinet plus compliqués que ceux des filles, étiquetés “gnian-gnian”… Laboucle ségrégative est bouclée ! Trèstôt, des jouets “sexuellementincorrects” diffusent desrelents de sexisme quine dit pas son nom.Et malgré un effortde la part desmarques pourcombattre cephénomène, ceconservatismequi fait vendre aencore de beauxjours devant lui.Asma le confirme :“Lorsqu’on voit,sur la boîte du petitchimiste, la photo d’ungarçon et sur celle de la dînette,une petite fille, on est immédiatementconditionnés, nous, parents”. Hanane,elle, va plus loin dans le raisonnement :“Jamais je n’ai reçu, petite, des cadeauxdu style kit de bricolage ou automobile.

Le poids du culturel etdes clichés

Pourtant, ces stéréotypes qui subsistentdans le marketing ne sont que le refletd’une société qui préfère quechacun reste dans sa casesexuelle. “Les parents seretrouvent vite affolés,lorsque la fille a desloisirs de garçonmanqué ou si,d’aventure, leurfils empruntaitla poupée de leursoeur pour joueravec”, constatele docteurKjiri. Pour lespetits garçons,sur lesquels plane lahantise non formulée del’homosexualité, la pressionest énorme. De fait, un garnementbruyant, qui ne tient pas en place,hyperactif, semble beaucoup plusconforme à l’attente de sa mère. Etcelle-ci fera également tout pour que sa fille s’inscrive dans de “supposés”centres d’intérêt féminins et ne sortepas des plates-bandes balisées. Dès lespremiers cadeaux d’anniversaire, lamesse est dite… et les diktats du genrefont leur entrée dans l’inconscient del’enfant ! Leïla confie : “Mon fils refusecatégoriquement de jouer avec ses soeursà la marelle ou à la corde à sauter. Il ditque si ses cousins l’apprenaient, ils semoqueraient de lui”. Hanane, quant à elle,refuse d’appliquer sur ses chérubinsce qu’on lui a imposé, étant gamine :“J’ai beaucoup souffert de ne pas pouvoirgrimper dans les arbres comme mesfrères et me défouler dans tousles sens. Ma mère me sortaitson argument massue : ça, cen’est pas pour les filles !” “Or,rétorque Selwa Kjiri, filles etgarçons peuvent manifesterles mêmes pulsions agressivesà l’enfance ; pulsions qui ontbesoin de s’exprimer à travers lacourse et la bagarre, y comprispour les filles.” Selon elle, iln’y a pas de quoi s’inquiéteret tout finit par rentrer dansl’ordre, lors de la puberté, avec le boom hormonal et l’affinementdu contour de l’identité sexuelle… Ilest donc finalement plus importantde laisser ses rejetons aller au devantde leurs désirs et se construire en tantqu’individus, plutôt que de les cantonnerà un territoire de genre donné. Si le jeu seveut un espace transitoire pour accéderà la symbolique et à la représentationpsychique du monde, il ne doit pas êtreun lieu de clivage entre les sexes. Bienau contraire ! Une fille pourra y puisercombativité et compétitivité pour sestructurer positivement, et un jeunehomme aura plus de chances d’assumersa part de féminité, plus tard…

Un début de piste…

Et si on s’orientait vers des jeuxunisexes, qui stimulent davantage lescapacités intellectuelles, créatives etd’éveil des enfants, sans toutefois créerde biais ? “Il s’agit de toute la batterie desjeux éducatifs (construction, puzzles, jeuxde société…), qui n’est malheureusementpas encore suffisamment exploitée par lesparents”, regrette le docteur Kjiri. Un pasde plus vers la mixité enfantine… Quoiqu’il en soit, le mot d’ordre reste de nerien imposer à l’enfant qui doit avoirtoute liberté de faire vagabonder sonimaginaire là où bon lui semble ! â—†

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