FDM : Vous êtes la première Maghrébine à être sacrée égérie de Garnier. Quel est votre sentiment ?
Hend Sabry : C’est une fierté pour moi et je suppose, pour toutes les Maghrébines, d’autant que le modèle maghrébin de femme libre, indépendante, active, responsable, réussissant sur tous les plans, est le modèle auquel j’adhère. Un modèle qui fait partie de mon histoire, la Tunisie s’étant inscrite ans une profonde émancipation des femmes. Représenter la femme maghrébine, avec un message aussi simple, aussi naturel que celui de Garnier, “Prends soin de toi”, econvient parfaitement.
AVEC DES FEMMES DE MA GÉNÉRATION NOUS AVONS RÉUSSI À CHANGER LES MENTALITÉS.
Vous êtes aujourd’hui le symbole de toute une génération de Maghrébines qui ont suivi leur passion, puisque vous avez fait une formation de juriste tout en vous adonnant à votre vocation : le cinéma. Cela vous en a fait des rôles ! Je campe plusieurs rôles et c’est mon combat. Cela a été celui de Bourguiba dans mon pays, celui de nombreuses femmes au Maroc, en Algérie, en Egypte. Je n’aime pas l’image réductrice de la femme moyen orientale dans les médias occidentaux et surtout dans nos médias à nous, parce qu’il est vain de reprocher aux premiers de nous peindre d’une certaine manière alors que nos propres médias le font également. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de lutter car on devient la cible de critiques virulentes pour certaines positions revendicatrices ou des convictions différentes de l’opinion publique. Mais je peux affirmer que les choses ont bien changé depuis dix ans. Finies les idées reçues considérant le métier d’acteur comme n’étant pas une vraie profession. J’ose espérer qu’avec des femmes de ma génération, nous avons réussi à changer les mentalités, qu’en voyant une réussite honnête parce que derrière, il y a du talent, un vrai travail, on ait envie de la suivre. Le constat est général au Maghreb. La gent féminine est en train d’investir avec succès le milieu du cinéma. Au Maroc d’ailleurs, une profonde diversité culturelle est en train de voir le jour. Au Maroc, je pense même que cela a commencé depuis quelques années, et j’en suis très flattée. Je suis tellement fière du cinéma marocain, j’ai été heureuse de voir d’aussi jeunes Maghrébines comme Leila Marrakchi, réaliser un si beau film que Marock. De même, avant elle, Farida Belyazid et ses pairs ont changé l’esprit du cinéma maghrébin. Organiser chaque année un festival national du film devrait nous rassurer quant à la santé du cinéma marocain. L’exception maghrébine existe et nous en sommes fiers. Il faut la véhiculer. Pensez-vous un jour accepter un rôle dans un film marocain ? Je le ferai avec grand plaisir. J’ai d’ailleurs déjà tourné une petite séquence dans Whatever Lola wants, par amitié pour son réalisateur. J’ai failli jouer un rôle dans Les yeux secs de Narjiss Nejjar, mais à cause d’un emploi du temps chargé, cela ne s’est pas fait. A l’instar d’autres stars dans le monde, vous avez utilisé votre notoriété pour militer, notamment à travers le Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies… Il y a deux ans, je me suis posé un tas de questions quant à l’utilité de ma célébrité. Je me suis dit alors : j’ai du temps, de l’énergie, j’ai la santé, pourquoi ne pas essayer de faire quelque chose plus en rapport avec les autres qu’avec moi-même ? Puis, il y a eu la guerre de Gaza. Le PAM m’a donc appelée pour faire une campagne de donation aux enfants de cette ville. J’ai accepté d’emblée et leur ai même demandé de m’intégrer dans d’autres programmes. Pendant un an, j’ai voyagé pour les Nations-Unies en Syrie pour rencontrer les réfugiés iraquiens, puis je suis allée dans les territoires palestiniens. L’expérience que j’en ai tirée, à savoir donner un sens à la célébrité, est plus important que le fait de devenir ambassadrice.