Golda El Khoury : “L’égalité des genres, un défi au quotidien” (Interview)

La question de l’égalité des genres, l’autonomisation des jeunes, la promotion de la place et l’image de la femme s’inscrivent au cœur des engagements de Golda El Khoury, Directrice du Bureau de Rabat et représentante de l’UNESCO pour les pays du Maghreb. “Il n’est possible de réaliser des sociétés libres, équitables et juste qu’en donnant une égalité des chances à toute population sans distinction d’âge ni de genre”, rappelle-t-elle avec force. Elle nous en dit plus dans cet entretien.

 

L’éducation et l’égalité des genres sont au cœur des programmes portés par l’UNESCO. Quels constats en dressez-vous pour le Maroc ?

Comme vous le savez L’UNESCO est l’Organisation des Nations Unies qui ambitionne à instaurer la paix par la coopération internationale en matière d’éducation, de science, de culture et d’information et communication. Pour notre organisation, l’égalité des genres est un principe fondamental et une priorité transversale à notre action et à notre mandat global.
L’éducation est au cœur de notre mission, ainsi l’UNESCO considère que le droit à une éducation de qualité est un droit humain fondamental pour tous, tout au long de la vie. Et c’est à ce titre que l’UNESCO accompagne le Maroc depuis plusieurs années, et appuie les efforts des différents acteurs du secteur pour le développement de l’éducation du préscolaire, à l’enseignement supérieur et au-delà, notamment, les programmes d’alphabétisation et des initiatives pilotes telles que l’école de la seconde chance.
L’éducation des filles est centrale à notre mandat, car en dépit des progrès réalisés au niveau mondial, 16 millions de filles n’entreront jamais dans une salle de classe et le Maroc n’échappe pas à ce constat d’inégalité. Dans cet esprit, nous remettons ainsi chaque année au niveau global, un prix récompensant les contributions innovantes et exceptionnelles d’individus, d’institutions et d’organisations en faveur de l’éducation des femmes et des filles dans le monde.
Au Maroc, nous pouvons nous féliciter aujourd’hui du progrès indéniable réalisé ces dix dernières années. Ces efforts doivent cependant être renforcés afin de pouvoir atteindre les engagements du Royaume dans la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon de 2030.
En matière d’égalité des genres, l’UNESCO reconnait que le Maroc a lancé plusieurs chantiers ambitieux de réformes au cours de la dernière décennie notamment au niveau de la constitution de 2011 ou encore par le vote de la loi 103-13 contre les violences faites aux femmes et contribuant à l’ancrage des principes de l’égalité des genres. Toutefois, malgré toutes les avancées récentes structurelles, l’égalité des genres reste un défi sur le terrain auquel nous continuons à nous atteler avec nos partenaires aussi bien dans les institutions que dans la société civile et les médias. Car dans toutes les sociétés, le développement et la réalisation de sociétés inclusives pour toutes et tous ne peut être que le fait d’une collaboration fructueuse et d’un engagement conjoint des forces vives de la société civile et des institutions nationales.

Quels pourraient être les outils et les moyens à mettre en place pour en finir avec les stéréotypes et les violences liées au genre?

L’UNESCO dispose de divers outils notamment au niveau des stéréotypes véhiculés par les médias. Les médias aujourd’hui plus que jamais, occupent une place prépondérante dans la construction de schémas sociétaux. Ils sont donc les vecteurs de stéréotypes ou ceux d’un narratif positif concernant l’égalité des genres. Il est impensable de promouvoir des sociétés justes et équitables en continuant à être les témoins d’images et stéréotypes négatifs à l’encontre des femmes et des hommes. Car bien entendu, nous ne pouvons changer l’image de la femme dans les médias sans changer le regard de l’homme et la façon dont nous percevons l’image et la place des hommes dans des sociétés plus égalitaires.

Parmi les outils important de l’UNESCO en la matière, nous pouvons citer notamment les Indicateurs Sensibles au Genre dans les Médias (IGRM), ces indicateurs ont pour objectif notamment de promouvoir l’égalité hommes-femmes et l’autonomisation des femmes dans et à travers les médias de tous types, quelle que soit leur technologie.  Ces indicateurs sont d’autant plus utiles aujourd’hui face au développement exponentiel des médias. Nous les utilisons à la fois pour faire l’évaluation du paysage médiatique mais également comme outil correctif. Ainsi, ici au Maroc, nous avons engagé un travail de fonds quant aux stéréotypes notamment avec la HACA (Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle) mais également avec la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision (SNRT) en les accompagnant pour la mise en place de leur charte parité puis du plan d’action qui en a découlé.

Le chemin est encore certes long, mais le Maroc est un des pays de la région qui a engagé une réflexion structurelle sur cette question des stéréotypes liés au genre, et nous sommes déterminés à accompagner ce changement de paradigme.

L’Unesco œuvre pour la généralisation des études de genre. Quel en est le but et quel impact cela pourrait-il avoir sur la société ?

Au Maroc, nous œuvrons pour instituer et généraliser les études de genre dans le système éducatif et celui de la recherche, afin que les cadres politiques, constitutionnels et juridiques relatifs à l’égalité se reflètent sur le terrain. Cette généralisation représente un levier incontournable du changement social requis sur le chemin vers une égalité entre femmes et hommes et pour un développement inclusif.
En effet, les études de genre sont une approche scientifique interdisciplinaire, offrant des catégories d’analyse à même de déceler des constructions sociales de différenciation inégalitaire de sexes dans nos sociétés. Ce constat est essentiel pour nous aider à prendre conscience puis à nous défaire de nos stéréotypes liés au genre.
À ce titre, les études de genre gagneraient à être reconnues et soutenues dans un système éducatif appelé à bâtir un Maroc moderne et en phase avec les évolutions sociales.
Aujourd’hui au Maroc, l’égalité entre femmes et hommes fait partie de la matrice constitutionnelle du Royaume; elle fait l’objet d’un Plan gouvernemental pour l’égalité ; elle a provoqué une évolution positive dans la Moudawana. Ce sont là autant d’avancées majeures vers l’égalité et la dignité de tous.
Cependant, la question qui se pose est simple et elle reste entière : Qui sera mené à mettre en œuvre de telles politiques et de tels cadres de principes ? Si nous ne formons pas dès aujourd’hui et continuellement des hommes et des femmes capables de maîtriser des notions et des outils de base en matière de genre, alors il est fort à parier que les déclarations de principes et les cadres de politiques publiques resteront  des vœux pieux.
Enfin, l’encouragement de la recherche pour et par les femmes est une clé essentielle car encore aujourd’hui, les femmes chercheuses sont une minorité y compris dans les études genre. Une présence plus accrue des femmes et des filles dans ce milieu contribuera certainement au changement et au développement d’outils et cadres institutionnel propice à l’égalité.

L’UNESCO a organisé récemment un séminaire sur l’égalité des genres au sein de l’industrie audiovisuelle, et des recommandations ont été émises, comme l’organisation d’Assises de l’égalité en 2020 au Maroc. Que pourriez-vous nous en dire ?

Le séminaire « Pour une Egalité des Genres au sein de l’industrie audiovisuelle et du film dans la région Maghreb-Machreq », que nous avons tenu dans le cadre de la 13ème édition du Festival International du Film de Femmes de Salé, placée sous le Haut Patronage de sa Majesté le Roi Mohammed VI, a permis de faire l’état des lieux de l’égalité des genres dans l’industrie du film et de l’audiovisuel, aussi bien au Maroc que dans la région MENA.
C’était l’occasion d’identifier les causes de l’inégalité persistante dans le secteur, que ce soit au niveau du développement de l’industrie ou au niveau des images stéréotypées. A cet effet, les résultats de deux études réalisées et les différentes initiatives menées à cette échelle, ont été présentées et discutées par un collège d’experts et professionnels représentant des organisations d’Algérie, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de Tunisie, et d’Europe.
Effectivement, plusieurs recommandations ont été émises à l’issue des travaux, notamment, concernant la pérennité des actions menées dans le cadre du projet « Renforcement d’un secteur du film sensible au genre dans la région Maghreb-Machreq », que nous mettons en œuvre grâce au co-financement de l’Union Européenne. Des actions complémentaires qui ont permis une intervention aux différentes échelles du secteur, et ce via des stratégies novatrices que nous avons mises en place avec nos partenaires, en étant à l’écoute des besoins réels des professionnels, des nouvelles tendances qu’impose le développement des technologies de l’information et de la communication, qui ont favorisé l’émergence de nouveaux médias dans l’industrie, présentant un grand défi pour notre mission.
Les participants au séminaire ont par ailleurs adopté, lors de la clôture du séminaire un Appel « En route vers la 1ère édition des Assises de l’Egalité au sein de l’industrie audiovisuelle et du film dans la région Maghreb-Machreq. Maroc, 2020 », qui représente une des dynamiques que nous porterons avec nos différents partenaires, pour relever le défi d’une égalité effective du genre dans, et à travers, les petits et grands écrans et par conséquent dans la société. Une société, que nous envisageons dans sa diversité, avec une attention particulière aux populations féminines vulnérables : je pense aux femmes en situation d’Handicap, aux réfugiées, aux migrantes, et toutes les autres minorités.

 L’UNESCO soutient également le programme « For Women In Science », en octroyant des bourses à des chercheuses. Ce programme fait le bonheur annuellement de 5 scientifiques. Est-il possible d’élargir ce programme à d’autres talents féminins prometteurs pour les aider à continuer dans la voie de la recherche ?

En fait, pour répondre à cette question j’aimerais partager avec vous une anecdote personnelle. Chaque année, pendant de nombreuses années au mois de Février et Mars en arrivant à Paris, j’étais accueillie par le panneau du prix Le Prix L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science. Ce panneau imposant à l’aéroport me rappelait à chaque fois l’importance des femmes pour la science mais également me poussait à un questionnement sur le constat de manque dans ce secteur. Les femmes bien qu’ayant fait des réalisations importantes en science ont encore besoin d’un prix spécifique pour se démarquer.
En rejoignant l’UNESCO, j’ai confirmé ce constat, ainsi selon les statistiques que moins de 30% des scientifiques sont des femmes, bien que les filles soient plus performantes aujourd’hui dans les matières scientifiques que les garçons à l’école. Qu’est ce qui fait qu’elles renoncent à poursuivre une carrière dans les sciences. Ce prix L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science, a permis l’octroi de plus de 3 100 bourses nationales, régionales et internationales à des femmes scientifiques de 115 pays afin qu’elles poursuivent leurs travaux de recherche. C’est ainsi que ce programme est devenu une référence de l’excellence scientifique à l’échelle internationale et révèle chaque année les contributions de ces femmes de science.
Ce programme a également permis de mettre en lumière les scientifiques marocaines, au niveau national mais également au niveau international. Ainsi le Professeur Rajaa Cherkaoui a été lauréate de ce prix en 2015 pour son travail sur le Boson de Higgs.
Nous sommes engagés dans notre bureau, au niveau national et régional, à encourager les filles et les femmes vers les métiers de sciences et de la recherche. Nous veillons également à mettre en lumière les réussites et les parcours inspirants car cela contribue également à cet encouragement.
Nous avons ainsi participé avec nos partenaires de l’Ambassade de Suède à l’initiative « Bridging the gap » en octobre de cette année qui a permis à des jeunes étudiants de développer des profils de femmes inspirantes sur wikipédia car là encore le fossé est énorme. Sur wikipédia, seulement 17% des profils référencés sont des femmes, il est donc urgent de mettre en lumière des femmes et notamment de science ayant eu un parcours notable.
En conclusion, je tiens à réitérer notre engagement pour l’égalité des genres comme mandat de notre organisation et comme engagement personnel dans les pays que nous couvrons. Il n’est possible de réaliser des sociétés libres, équitables et juste qu’en donnant une égalité des chances à toute population sans distinction d’âge ni de genre.

 


 J’ai toujours été investie et habitée par la question de l’égalité des genres et la promotion de la place et l’image de la femme et ce depuis mon plus jeune âge. Mon parcours aussi bien académique que professionnel m’a toujours ramené d’une façon ou d’une autre à cette thématique. Tout au long de mon parcours professionnel qui m’a mené sur plusieurs continents et dans plusieurs pays, je n’ai eu de cesse d’intégrer cette notion d’égalité dans la réalisation de mes divers mandats. Après avoir rejoint l’UNESCO en 2009, la promotion des femmes et l’autonomisation des jeunes a été mon engagement et ma passion. Aujourd’hui, je suis d’autant plus enthousiaste à l’idée de travailler à la réalisation de cet idéal dans les pays que nous couvrons.

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