Féru de jazz et de blues, le plasticien Marouane Aouinat a choisi de dédier sa récente série d’œuvres en noir et blanc aux figures emblématiques des musiques jazz et blues. Doublées d’une technique mixte (peinture à l’huile, acrylique sur toile, dessin contemporain, fragments, contrastes…), ses œuvres, qu’il exposera du 28 septembre au 5 octobre 2022 à la Galerie d’art Nouiga de Rabat, affiche tout son talent mais aussi tout son amour inconditionnel pour ces deux genres musicaux élitistes. Inscrite dans le cadre de la 25e édition du Festival Jazz au Chellah, cette exposition prouve que la musique et les arts visuels sont unis par des liens anciens mais parfois complexes: un vocabulaire commun (ton, ligne, harmonie), mais sans recourir au même sens ; une recherche de correspondances entre couleurs et notes de la gamme plus ou moins pertinente. Et Si musiciens et instruments de musique figurent depuis longtemps dans les arts visuels, dans les œuvres de Marouane Aouinat, lui-même musicien multi-instrumentiste, les liens entre peinture et musique se resserrent, s’entrelacent et dialoguent. Il y introduit une temporalité plus longue qui le rapproche de celle de la musique.
Dans cette série d’œuvres expressives, pour Marouane Aouinat, native de Rabat en 1987, ex- leader du groupe Afrikulture, une formation de la world music, il s’agit d’un devoir de la mémoire pour rappeler les conditions dans lesquelles est née la musique jazz: l’époque des plantations aux Etats-Unis, la ségrégation, la discrimination, le racisme, l’esclavage…Le Jazz a été un important vecteur pour dénoncer les inégalités aux États unis. Il s’est révélé utile lors du mouvement des droits civiques. «Les ténors de cette musique n’ont pas manqué d’apporter leur touche à travers des titres poignants mettant la lumière sur des réalités de l’époque. Ils ne se sont pas limités à la mélodie mais portaient aussi dans leur musique une âme avec laquelle ils se sont battus pour un monde plus juste», explique à ce propos Marouane Aouinat. Dans sa série d’œuvres, il retrace également toutes les mutations, les transitions, l’évolution du jazz à travers les générations. Il nous explique ainsi comment aux États-Unis, les Noirs, toujours sous le joug de l’oppression, avaient créé leur propre musique issue du blues, des spirituals, des fanfares et des rythmes hérités de leur passé africain.
Mieux encore, Marouane Aouinat met en avant les aspects instrumentaux de cette musique : la chaleur de la guitare, les partitions du piano, la cambrure rythmique de la contre-basse et des drums, l’énergie de la trompette et de la clarinette, les contre-temps, les claquettes… Cette exposition s’articule également comme un parcours d’éveil et de sensibilisation au Blues. Né des worksongs des premiers esclaves africains sur le sol américain, le Blues a enfanté pratiquement tous les courants musicaux que l’on appelle aujourd’hui « musiques actuelles ». C’est ce que confirme aussi Marouane. «On ne peut comprendre l’épopée du Blues sans la replacer dans son contexte socio-historique. Les migrations, la traite des Noirs, la ségrégation, l’exode rural, l’urbanisation, les crises, les guerres, les luttes pour les droits civiques, etc…n’auront cessé de tracer les nouveaux chemins du Blues et d’écrire l’une des plus belles et passionnantes aventures musicales du 20e siècle. C’est très justement ces portées historique, humaine et artistique que je voudrais exprimer à travers cette série d’œuvres», conclut-il.
Ayoub Akil