Fatima Al Fihriyya Une femme savante

Si elle vivait aujourd’hui, Fatima Al Fihriyya aurait été célèbre et couverte de prix, de distinctions et d’hommages. Mais de nature discrète, pieuse et humble, elle aurait sûrement fui les honneurs et les vanités de ce monde pour ne se consacrer qu’à cette œuvre qui la mènera avec elle à la postérité : l’université Qarawiyine.

Comment, dans le monde du IXème siècle, où le rôle de la femme et son statut étaient, à de rares exceptions, réduits par la suprématie des hommes à la fonction de ventre ou de parure, une femme musulmane, nord-africaine, orpheline et veuve, a-t-elle pu accomplir, en son temps et par sa seule volonté, une œuvre aussi exceptionnelle que la Qarawiyine ?

Intellectuelle avant l’heure

De nos jours où tout est politisé, on dira de Fatima Al Fihriyya que c’est une immigrée. Mais aristocrate. Elle est née à Kairouan, en l’an 800, dans une famille aisée et unie. Son père, Mohammed Al Fihri, est un riche marchand qui donne à ses deux filles, Fatima et Mariam, une excellente éducation. Fatima, dotée d’une intelligence vive et d’une grande curiosité intellectuelle, est assoiffée de savoir et de connaissance. La mort de la mère, puis les émeutes violentes qui éclatent à Kairouan, obligent le père et ses filles à fuir l’insécurité régnante. Les Fihri rejoignent les quelque trois cents familles qui quittent Kairouan pour s’exiler au Maroc et s’installer à Fès, alors sous le règne du sultan Moulay Idriss II, et où s’étaient déjà réfugiées environ huit cents familles, musulmanes et juives venues d’Andalousie. Ainsi sont créées, sur la rive gauche de l’oued, la Adoua des Qarawiyine pour ceux venus de Kairouan et sur la rive droite, la Adoua Al Andalous, pour ceux arrivés d’Andalousie. Fatima se marie, a deux enfants, et sera nommée par l’Histoire Fatima Oum al Banine (la mère des deux fils).

Un vœu pieux devenu réalité

À la mort de son père puis de son époux, Fatima hérite d’une immense fortune. Une milliardaire pour l’époque. Nombre de femmes auraient alors acquis une somptueuse demeure, des bijoux et des parures, auraient mené grand train mais la nature de Fatima Al Fihriyya est toute autre. Dévotion, austérité, simplicité. Elle veut consacrer sa richesse à une œuvre pieuse afin de mériter la bénédiction de Dieu. Elle décide de bâtir une mosquée. Elle achète, à proximité de son domicile, à la Adoua des Qarawiyine, un terrain nu, appartenant à un homme originaire de Houara. Les fondations de la mosquée sont creusées le premier jour du mois de Ramadan, an 245 de l’Hégire (859). La construction est autorisée par le sultan Yahia 1er, petit-fils de Moulay Idriss al Azhar. Selon le vœu de Fatima, cette mosquée sera entièrement construite avec des matériaux extraits d’une carrière située sur le terrain lui-même, et l’eau fournie par un puits creusé sur le lieu. Elle fait le serment de jeûner tout le temps que dureront les travaux, à savoir des années. Elle achète plusieurs terrains adjacents pour étendre la mosquée.

La première université du monde

La construction de la Qarawiyine achevée, la sainte femme se prosterne devant le mihrab pour rendre grâce à Dieu. D’abord “masjid jamiî”, lieu spirituel pour érudits et théologiens, cette moquée devient vite le cœur de la cité de Fès et génère autour d’elle l’installation de nombreux commerces et de corporations d’artisans.

Alors que sa sœur Mariam a elle aussi bâti une mosquée, Al Andalous, la grande Histoire va donner au rêve simple de Fatima Al Fihriyya la dimension d’un destin. Sa mosquée à elle va devenir l’université la plus célèbre du monde musulman, la plus ancienne au monde, reconnue à ce titre par le Guiness des Records. Bien avant Bologne, Oxford, Salamanque ou la Sorbonne. Alors que l’Europe chrétienne sombre dans l’obscurantisme avec l’Inquisition, à Al Qarawiyine se côtoient savants et théologiens de toutes les religions et de toutes les cultures. Elle devient le plus prestigieux centre d’enseignement au monde. Sa bibliothèque est riche de plus de 30.00 ouvrages et manuscrits rares. L’université accueille savants et humanistes sans frontières, tels les précurseurs du soufisme Ibn Herzim, Abou Madyane et Abdessalam Ben Mchich, des poètes comme Ibn Al Khatib, les philosophes Avempace, Averroès et Maïmonide, le géographe Al Idrissi, le grand voyageur Léon l’Africain, Ibn Khaldoun, et même des mystiques du monde chrétien comme le Pape Grégoire ainsi que Gerbert d’Aurillac, futur Pape Sylvestre II. La Qarawiyine participe alors au développement d’une vie citadine raffinée et au rayonnement de Fès comme capitale spirituelle et intellectuelle de l’Occident musulman.

La fondatrice de la Qarawiyine s’en est allée un jour comme elle a vécu. Dans la discrétion et la simplicité, elle meurt, à Fès, en 880, à l’âge de 80 ans. Nul ne sait où elle est enterrée, nul ne connaît sa descendance. 

Où que tu reposes, Fatima Al Fihriya, sois bénie d’être venue de Kairouan pour offrir à Fès son emblème et léguer au Maroc un des plus beaux joyaux de son patrimoine : la Qarawiyine. 

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