Fadila Laanan, ministre marocaine… en Belgique !

A 45 ans à peine, Fadila Laanan mène une brillante carrière en politique. Ministre d'origine marocaine, elle en est déjà à son troisième mandat au sein du gouvernement de la communauté française en Belgique. Actuellement ministre de la Culture, de l'Audiovisuel, de la Santé et de l'Egalité des chances, elle est le parfait exemple de l'ascension des femmes compétentes en politique. Dans cette interview, elle nous dit tout sur son parcours, son combat et les valeurs qu'elle défend.

FDM : Vous occupez le poste de ministre depuis 2004, quels sont les atouts qui ont permis votre nomination ?

Fadila Laanan : C’est une question à laquelle il m’est difficile de répondre. On ne m’a jamais donné les raisons objectives pour lesquelles mon parti m’a choisie pour être nommée en 2004 à une fonction ministérielle. Pour tenter néanmoins d’apporter une réponse à cette question, on peut formuler certaines hypothèses qui renvoient d’une part à ce que je suis sur le plan de ma personnalité et de mes qualités personnelles, et d’autre part, à ce que je représente sur le plan politique. Ces deux aspects sont extrêmement importants. En effet, il ne suffit pas d’avoir des idées et des convictions fortes, faut-il encore savoir les défendre et les faire partager le plus largement possible auprès des citoyens. Donc, je pense que les considérations qui ont joué en ma faveur forment un mélange composé de mon appartenance à une certaine classe d’âge, mon résultat électoral, puisque j’ai été élue au Parlement, le fait d’être une femme et enfin, d’être issue de la diversité culturelle.

Quels sont les défis que vous avez dû relever pour en arriver là ?

De façon générale, on peut dire que les défis en politique sont quotidiens. Pour occuper la position qui est la mienne au sein de mon parti, je me suis battue et je continue à le faire pour défendre mes idées et m’imposer en tant que femme. Et ceci, malgré le fait que mon parti, le Parti Socialiste, a historiquement été en première ligne dans la lutte pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Dans le fonctionnement interne du PS, la parité hommes-femmes est de rigueur et les listes électorales sont composées également sur cette base. Je voudrais aussi insister sur le fait que j’ai toujours bénéficié du soutien précieux de mes parents dans tout ce que j’ai entrepris dans ma vie. Ils sont une source et une ressource essentielles pour mon équilibre. Dans les moments durs que j’ai eu à traverser, ils ont toujours été à mes cotés.

Le fait d’être femme et d’origine marocaine a-t-il eu un impact sur votre parcours ?

Oui, bien entendu. Je vous mentirais si je vous affirmais le contraire. Le racisme et la discrimination de “genre”, je les ai vécus et je continue encore parfois de les subir. Mais je n’ai jamais cessé d’être moi-même : positive et authentique. Face aux nombreuses barrières, visibles et invisibles, qui se dressent sur le parcours des femmes parce qu’elles sont femmes, j’ai toujours rejeté la résignation et préféré affronter et lutter contre les discriminations qui nous touchent. Pour moi, l’égalité hommes femmes est le fondement de toute société démocratique moderne, et je ne peux concevoir une quelconque exception à cette valeur centrale ; bien que, même dans les sociétés occidentales, cette égalité des droits demeure pour une grande part  encore théorique, malgré les efforts pour faire évoluer les législations. La preuve, c’est qu’il existe d’ailleurs un département ministériel chargé de cette problématique et dont j’assure la responsabilité.

Quelles sont les pratiques dont sont victimes les femmes belges aujourd’hui encore ?

A côté des discriminations “institutionnelles”, il faut également se battre contre un certain nombre de pratiques ignobles faites aux femmes, exercées sous le couvert de la “tradition” ; je pense ici aux mutilations génitales. Ces pratiques d’un autre âge, insoutenables et révoltantes, font encore de nombreuses jeunes victimes en Belgique aussi. La violence conjugale des hommes à l’encontre des femmes est un autre véritable fléau. La loi punit sévèrement les auteurs de ces violences, mais malheureusement, ce n’est pas suffisant pour éradiquer le phénomène. Je pense que la société entière doit se saisir de cette question car ce sont les mentalités qu’il faut faire évoluer. A côté d’une action répressive indispensable, il faut lancer de vastes campagnes de prévention et de sensibilisation. Il faut agir très tôt au niveau de l’éducation des enfants, car le poids de l’inertie et du conservatisme de siècles de pouvoir patriarcal sur l’ensemble des structures sociales continue de freiner les aspirations d’émancipation des femmes.

Première ministre d’origine marocaine en dehors du Maroc… Cela a-t-il suscité des réactions particulières à l’époque ?

Je dois à la vérité de vous contredire, car je n’ai pas été la première femme ministre d’origine marocaine en dehors du Maroc. En effet, Anissa Temsamani a été nommée brièvement secrétaire d’Etat en 2003. Si le fait d’être une femme ne constitue plus un obstacle pour exercer une très haute fonction dans l’organisation de l’Etat belge, par contre, celui d’être enfant d’immigrés et d’origine arabo-musulmane soulève encore malheureusement beaucoup de rejet. L’extrême droite, raciste et anti-musulmane, est très présente sur l’échiquier politique européen, avec plus ou moins d’ampleur et de virulence selon les pays. En Belgique, elle est fortement représentée politiquement, essentiellement dans la partie flamande du pays. Au-delà de la réaction de rejet exprimée à l’égard de ma nomination par quelques courants politiques racistes, j’ai reçu un nombre très important de réactions favorables de citoyens qui voyaient là une formidable espérance en la capacité de la société belge à favoriser une représentation politique de la diversité multiculturelle, et permettre l’ascension sociale d’individus compétents issus de groupes sociaux défavorisés. Même si je suis parfaitement consciente que “l’arbre ne doit pas cacher la forêt”, c’est plutôt un signe de bonne santé démocratique quand une société parvient à un tel niveau d’intégration de ses “minorités”.

Que pensez-vous du fait qu’on ne compte plus qu’une seule femme ministre dans l’actuel gouvernement marocain ?

Sans vouloir m’immiscer dans la politique marocaine ni avoir l’intention d’être une donneuse de leçons, au fond de moi, je ne peux m’empêcher de penser qu’en toute matière et en toute  circonstance, on ne peut exclure la moitié de l’humanité. Ce n’est certainement pas une avancée.

Que manque-t-il aujourd’hui pour que la femme marocaine accède à la parité ?

Si je me base sur ce qui s’est passé en Belgique, je pense qu’il faut une réelle volonté politique pour imposer, par la loi, une parité hommes-femmes dans la représentation politique. Sans une contrainte légale, ces changements ne se réaliseront pas. Il faut par exemple que la loi impose que les listes électorales présentées par les partis politiques aux suffrages des citoyens soient composées d’autant d’hommes que de femmes, et qu’elles soient également en position dite “éligible”.

Que pensez-vous de l’évolution de la condition féminine au Maroc ?

Des changements sont perceptibles. Des avancées sont engrangées notamment depuis l’adoption du Code de la famille, qui donne davantage de droits aux femmes quant à la protection de leur statut personnel en cas de divorce, par exemple. Les choses évoluent pour elles, mais sans doute pas assez vite. Je soutiens sans condition toutes les femmes marocaines qui luttent pour leur émancipation sociale, politique, économique et culturelle. â– 

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