Entretien avec Mounia Belafia

FDM : 35 % des marocains battraient leurs femmes, qu'en pensez-vous ? Mounia Belafia : Je pense que le chiffre annoncé par ce rapport est bien en dessous de la réalité car notre société n'a pas appris aux femmes à raconter leur vie et à révéler les violences, commises par leur mari ou un autre membre de leur famille, qui ont lieu chez elles. Ces chiffres ne sont donc révélateurs que des quelques cas que l'on découvre et dont les victimes consentent à faire le récit. A mon sens, le terme même de violence doit être redéfinit afin que puissent y être incluses ses multiples formes, rencontrées au quotidien par les femmes, que ce soit chez elles, dans la rue ou au travail. De nombreuses femmes n'accordent pas d'importance aux formes d'agressions verbales dont el

Cette violence masculine à l’encontre des femmes peut-elle trouver ses origines dans notre culture populaire ?

La violence n’est pas unidimensionnelle et elle n’est pas employée uniquement entre hommes et femmes. Les femmes font également preuve de violence entre elles. Il ne s’agit donc pas de mettre l’homme d’un côté et la femme de l’autre car on ne parle pas ici d’un rapport de force, d’une lutte pour le pouvoir. Là n’est pas le problème. La violence au Maroc doit être traitée de manière globale : entre hommes, entre femmes, et entre hommes et femmes.

Certes, mais la culture populaire égratigne tout de même l’image de la femme à en juger par les proverbes marocains…

Effectivement, si la culture populaire est positive à certains égards, elle véhicule en contrepartie un message très violent à l’encontre des femmes. J’ai d’ailleurs souhaité réaliser cette étude sur la femme dans les proverbes marocains car j’ai remarqué que beaucoup de proverbes maltraitant les femmes continuaient d’être employés au quotidien. Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est que ces proverbes qui véhiculent une image négative des femmes sont employés autant par les hommes que par celles-ci.

Décrivez-nous cette image de la femme transmise par notre patrimoine oral ?

L’image de la femme dans les proverbes marocains est majoritairement négative. Presque toute son existence est liée à l’homme : c’est pour lui qu’on la prépare dès ses premières années, qu’elle doit protéger sa réputation, et c’est encore pour lui qu’elle doit faire preuve de beaucoup d’atouts. L’homme est le cercle vicieux dans lequel tourne la femme, presque tout au long de sa vie. Le statut suprême d’épouse devient un idéal dont toutes les femmes sont en quête. La femme dans les proverbes marocains est décrite comme un être faible, naïf et faisant preuve de très peu d’intelligence. En revanche, elle peut être rusée, et surtout s’il s’agit de trouver un homme, de lutter pour le garder. Dans nos proverbes, les femmes ne sont jamais comparées aux hommes. On les assimile parfois à d’autres femmes et souvent à des animaux (guenon, vache, ânesse, chienne…), à de la nourriture (tajine…), à des objets domestiques et même aux symboles du mal tels que le serpent, le scorpion et Iblis. Il va sans dire que ces comparaisons ne sont pas valables pour les hommes.

Et qu’en est-il de la description des rapports hommes-femmes dans la société selon ces proverbes ?

La distribution des rôles dans la société est préétablie et l’homme fait figure de sujet principal, acteur incontournable qui fait la pluie et le beau temps. Il est celui par qui tout commence et par qui tout s’arrête. En marge de cette société où règne l’homme, il y a celle des femmes au sein de laquelle elles jouent des rôles différents. La place la plus importante et la plus convoitée est attribuée à la femme mariée. Si en plus d’être mariée, celle-ci est riche et jolie, alors elle occupe sans conteste le plus haut niveau de cette échelle sociale féminine. Vient derrière elle dans ce classement la femme mariée pauvre, puis la femme divorcée et enfin la veuve. Dans les deux derniers cas, ces femmes ne reprennent de la valeur qu’en se remariant. L’homme est donc encore une fois un personnage incontournable, que ce soit au sein de la société en général, ou au coeur d’une société féminine qui détermine la valeur des femmes en fonction de la présence d’un homme dans leur vie.

“IL FAUDRAIT REVOIR NOTRE HÉRITAGE ET EN CERNER LES ASPECTS NÉGATIFS QUI ONT UN IMPACT NÉFASTE SUR LA RÉALITÉ FÉMININE.”

Mais les proverbes jouent-ils un rôle important dans nos rapports sociaux ?

Je pense qu’il est très dangereux de minimiser l’impact des proverbes sur la société. Beaucoup de personnes prétendent qu’ils sont de moins en moins utilisés dans notre vie au quotidien mais ces mêmes personnes vivent en général dans de grandes villes comme Casablanca ou Rabat. Le constat n’est pas le même dans le reste du Maroc. Je pense qu’on a recours aux proverbes de manière très importante et à un degré qui diffère en fonction des régions et de leur enclavement, des villages ou des quartiers populaires… D’autre part, si certains prétendent que les proverbes sont de moins en moins présents, ils sont réapparus par le biais des médias et en particulier de la télévision. Ces médias jouent un rôle très important car ils se doivent de bien choisir les proverbes qu’ils utilisent et de veiller à ce qu’ils soient en accord avec les droits de l’homme, la parité et l’égalité des sexes. Une chose est sûre, la culture populaire a un impact très important sur nous ce qui nécessite une relecture de ses différentes composantes. L‘objectif est de mettre le doigt sur les aspects négatifs et positifs de la culture, afin de dépasser les uns et de maintenir les autres. L’évolution d’une société se fait au quotidien et celle-ci doit être soumise à un regard critique.

Comment dans ce cas parler d’égalité des sexes et croire en cette réforme ?

La réforme dans notre pays se passe à divers niveaux. Mais on ne peut pas se baser uniquement sur la réforme de la loi. La femme marocaine vit dans un cadre défini par la société avec toutes les  spécificités que cela implique. La loi n’est pas seule à définir les règles de la vie des gens, il faut aussi compter sur la pensée et la culture qui influencent elles aussi le quotidien de la société. Si on veut vraiment appliquer l’égalité des sexes, il faut avoir une autre lecture, beaucoup plus approfondie et basée sur les droits de l’homme, de notre culture populaire. Il faudrait revoir notre héritage, en cerner les aspects négatifs qui ont un impact néfaste sur la réalité des femmes. La femme bénéficie  aujourd’hui de beaucoup de droits au Maroc, mais elle continue de mener une double vie, partagée entre tradition et modernité. â– 

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