Au Maroc, l’entreprenariat reste, en grande partie, une affaire d’hommes. Uniquement 12,2 % des entreprises sont dirigées par des femmes, selon l’enquête nationale auprès des entreprises du Haut-commissariat au Plan (HCP). Ce taux stagne voire recule, comme le souligne avec déception la nouvelle présidente de l’association des femmes chefs d’entreprises du Maroc (AFEM), Leila Doukkali. Même l’économie solidaire demeure un secteur largement dominé par les hommes. Sur les 22.000 coopératives que compte le pays, 3.000 seulement sont dirigées par une femme soit à peine un taux de 13,6 %.
Il existe, ainsi, un écart important entre les objectifs affichés et la réalité du terrain. Bien que le Maroc dispose d’un cadre juridique national qui consacre le principe de l’égalité dans le monde du travail et interdit toute discrimination, l’entreprenariat féminin a encore un long chemin à parcourir non seulement sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif. En effet, la majorité des femmes entreprennent à petite échelle et sont plus présentes dans le secteur tertiaire que dans l’industrie, en particulier dans les entreprises récentes.
Plusieurs freins empêchent les femmes marocaines d’entreprendre. Les diagnostics établis par les institutions tant nationales qu’internationales se rejoignent. En tête des obstacles figure la difficulté d’accès des femmes au financement. Certes il s’agit d’un problème qui se pose aussi pour les hommes, mais les femmes sont les plus concernées. “Souvent les femmes n’ont pas de garantie pour contracter un crédit contrairement aux hommes”, précise la présidente de l’AFEM. Pourtant, relève-t-elle, elles sont moins confrontées à des difficultés de remboursement que les hommes.
En dépit des mesures prises au cours des dernières années comme la facilitation d’accès au microfinancement et le soutien de l’initiative nationale pour le développement humain aux activités génératrices de revenu, le pari est loin d’être gagné.
Certes, le micro-crédit a constitué une source de financement alternative très importante pour les femmes puisqu’elles atteignent la moitié des bénéficiaires, selon les données de la banque centrale. Mais, le plafond légal des microcrédits ainsi que le manque de crédits alternatifs au niveau des banques limitent les possibilités d’accompagnement des femmes entrepreneurs par ce mode de financement.
Autonomisation économique des femmes
Leila Doukkali estime que les mesures mises en place par les pouvoirs publics s’avèrent insuffisantes et n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés en matière de promotion de l’entreprenariat féminin. Ainsi, une évaluation s’impose pour pouvoir redresser les dysfonctionnements. À ce titre, on s’attend à ce que l’étude sur l’autonomisation économique des femmes qui est en cours de réalisation par le gouvernement permette d’établir un diagnostic détaillé sur la situation économique des femmes et de proposer des solutions concrètes notamment en matière d’entreprenariat.
Outre la problématique du financement, les freins sociaux et culturels empêchent les femmes de lancer leurs entreprises. “La société demeure patriarcale”, souligne la présidente de l’AFEM. Tandis que l’homme peut compter sur le soutien de son entourage, la femme en est plutôt dissuadée.
La marge de manœuvre des femmes demeure toujours limitée à cause de leur statut social. Le Conseil économique, social et environnemental note, à cet égard, que les femmes, elles-mêmes, à cause de leurs engagements familiaux, ne trouvent pas suffisamment de temps et d’opportunités pour développer des réseaux et faire le lobbying indispensable à la création et au développement des entreprises.
Par Sara Touahri