Qui dit médecine alternative dit aussi apithérapie, une méthode de traitement par piqûre d’abeille mais aussi de soins à base de produits de la ruche. Reportage dans le plus ancien centre d’apithérapie du Maroc.
Rue Goblin, dans le quartier Maârif à Casablanca, tout le monde connaît le cabinet de Redouane Fassih. Il suffit de demander aux passants pour se voir indiquer l’emplacement exact de “l’immeuble aux abeilles”. C’est ainsi que beaucoup désignent l’endroit. Le lieu se compose d’une vaste salle d’attente et de plusieurs cabines de soins peintes en bleu. C’est Naima, la réceptionniste, qui se charge de nous faire visiter l’endroit. L’une des pièces est déjà occupée par une dame d’un certain âge, une habituée qui vient tous les quinze jours depuis quelques années se faire faire des saignées par ventouses dans le dos. Elle n’est pas malade, juste fatiguée et ce soin agit comme un “boosteur” d’énergie.
Si le cabinet propose la saignée, c’est surtout l’apithérapie qui intéresse les gens. “J’ai d’abord été cliente de ce cabinet avant d’y travailler. J’ai confiance en ses méthodes pour les avoir moi-même testées et approuvées. Si je n’étais pas convaincue, je n’aurais pas encouragé les gens à venir. Il ne s’agit pas de réaliser des profits mais d’aider à la guérison”, nous explique l’employée, non sans ajouter qu’ici, les consultations sont gratuites et les prix adaptés à toutes les poches.
Soins et produits
On entre enfin dans la salle de piqûre. Elle est meublée d’un lit à massage, de deux chaises et d’un baril en plastique contenant des abeilles. Une femme d’environ 45 ans est en train de s’installer en attendant qu’un assistant s’occupe d’elle. C’est la première fois qu’elle vient. Une voisine lui a recommandé ce traitement pour ses rhumatismes. Elle veut bien témoigner en deux mots mais refuse d’être prise en photo. Naima la rassure puis poursuit : “Il faut d’abord tester la réaction des patients au venin d’abeille. On commence par presser le dard de l’insecte sur la nuque de la personne. Si au bout d’un quart d’heure, on constate un gonflement de la peau, on applique un sérum neutralisant et on arrête immédiatement. Si la personne réagit bien, on peut alors ajouter d’autres abeilles. Les composants du venin agissent comme un médicament à condition que le patient ne soit pas allergique. La fréquence du traitement dépend évidemment des symptômes”, précise-t-elle.
Arthrose, déficiences hépatiques ou respiratoires, les particuliers viennent exposer leurs corps aux aiguillons avec la ferme intention de recouvrer la santé. Rien ne se perd, tout se transforme. Une fois que l’abeille a piqué, elle est condamnée à mourir, mais pas en vain. Chaque jour, les carcasses de centaines d’insectes sont récoltées et broyées avec des plantes médicinales pour la fabrication d’onguents. Une recette amérindienne permettant de soigner certains problèmes de peau. En progressant dans l’établissement, on arrive dans une espèce de cour où sont entreposés des barils ouverts. Un des employés a pris soin de mettre du miel dans chacun d’eux pour nourrir le “fond de commerce”. à quelques mètres de là se tiennent deux ruches en bois.
Quand l’espoir renaît
Redouane Fassih nous éclaire sur la provenance de ses “ouvrières”. Pionnier en la matière et actuellement à la tête d’une dizaine d’établissements, il a également acquis des fermes où il élève des abeilles et récolte leurs produits. “J’ai tout appris en égypte. Là-bas, l’apithérapie est une vieille tradition. La médecine moderne elle-même reconnaît les bénéfices du miel, de la gelée royale ou encore de la propolis. Ce sont de puissants remèdes.” Très discret, il nous laisse interroger les clients qui viennent d’arriver. Deux hommes : Abderrahim, atteint de la sclérose en plaque et Mohcine, bataillant contre un cancer en phase terminale. Il arrive tout droit de Belgique. “à mon stade, les médecins ne me proposent plus rien.
Chimio, radiothérapie, opérations, j’ai déjà donné. Ma mère a découvert ce lieu et m’y a fait venir. Depuis quelques semaines, je suis un nouveau protocole à base d’ingrédients naturels et de piqûres d’abeilles. Ça me fait du bien, j’ai retrouvé l’appétit et la force de me déplacer, du coup l’espoir renaît. On va voir…” Il sourit bravement sous le regard de sa mère, présente elle aussi.
Même son de cloche chez son compagnon de chambre. Très à l’aise, Abderrahim applique lui-même les insectes sur son corps. à lui seul, il utilise 120 dards tous les deux jours. “Je viens ici depuis un bon bout de temps. Demandez aux assistants dans quel état je me trouvais au début. Impossible de me déplacer sans mes béquilles. Mes crises étaient tellement violentes qu’elles me laissaient pour mort dans mon lit. Mes reins ont failli lâcher à cause des corticoïdes, je n’en pouvais plus de tous ces comprimés. J’ai préféré me tourner vers des traitements naturels et je vais beaucoup mieux…” La conversation est interrompue par un nouvel arrivant, répondant au nom de Tarik. Des douleurs musculaires l’amènent ici : “Pourquoi continuer à consommer des produits chimiques alors qu’ils ont tous ces effets secondaires sur nous ?”
On ne parlera presque pas d’argent. Le traitement par piqûres d’abeilles est lui aussi gratuit. L’établissement mise surtout sur la vente des préparations médicinales, mais là encore les prix ont la réputation d’être abordables. En période de rush, les fréquentations peuvent atteindre 50 personnes par jour rien que pour ce centre (ouvert en 2002). Le premier du genre au Maroc avant que d’autres ne se mettent à suivre la tendance. Aujourd’hui, Redouane Fassih n’est plus le seul à exercer cette activité, mais il reste le plus ancien de la place et, de l’avis de ses clients, le plus expérimenté.