Robert Solé est né sous le règne du roi Farouk. Tout comme le narrateur de “Soirée au Caire”, il a quitté
l’Egypte à 18 ans, a choisi la France comme terre d’exil, a fréquenté une école de journalisme et a exercé le
métier de journaliste. Pendant de longues décennies, Robert Solé a été une des signatures phare du journal le Monde. Il a tiré sa révérence et sa collaboration au Monde en février dernier seulement. Solé est donc d’abord connu comme journaliste. Il est venu tard au roman…. grâce à l’Egypte ! Robert Solé a publié cinq romans. Quatre ont pour théâtre l’Egypte. Le seul titre dont les péripéties se déroulent en France porte un titre égyptien : “Mazag” ! Mazag, terme que l’on pourrait traduire par humeur ou plaisir ! Robert Solé affiche de la discrétion. Il truffe ses romans de mots égyptiens qu’il explique sans recours au lexique, via des échanges savoureux qu’il intègre allégrement dans ses intrigues qui ont pour décor de fond le Nil. Depuis 30 ans, il retourne inlassablement
sur sa terre natale après l’avoir boudée pendant de très longues années ; peutêtre pour vivre enfin le deuil d’un départ forcé qui a jeté la famille de Solé comme celle de Charles, loin de la terre de leurs ancêtres, sans
trompette ni tarbouche. Par les mots de son narrateur, Robert Solé, nostalgique, confie à ses lecteurs à propos
de l’Egypte de ses aïeuls : “Notre monde a disparu et je continue pourtant à guetter les battements de son coeur et ses sourires”. â–
La trame du roman est un incessant va-etvient entre le passé et le présent. Le printemps arabe inauguré par la Tunisie, suivie de près par l’Egypte, est une interpellation du passé – qui ne passe pas – et de l’avenir que nous souhaitons tous radieux…
Charles, le narrateur, revient dans la capitale pour raviver les souvenirs d’une enfance heureuse. Il va revoir la maison familiale et certains personnages de son passé. Il y a Yassa, ex-chauffeur de son
grand-père, qui représente la vieille sagesse de l’Egypte. Il y a Dina, une femme belle et libre dont il a été amoureux et qui habite la maison désertée par le reste de la famille. Oui, Charles va confronter le passé et le présent : son enfance n’a pas été aussi belle qu’il l’imaginait dans ses souvenirs. Le monde cosmopolite et insouciant qu’il a connu est en train de disparaitre.
Peut-on établir un parallèle entre la maison d’enfance du narrateur en voie de liquidation et l’Egypte en voie de renouveau; entre une certaine élite qui tire sa révérence et le peuple qui oeuvre pour le renouveau ?
Charles est chargé d’une mission délicate par les autres héritiers : les parents sont morts, il va falloir annoncer à la tante que le désir des héritiers est de vendre la maison. Charles fera cette annonce après une soirée mémorable donnée par Dina, où les invités forment une mosaïque de l’Egypte d’hier et d’aujourd’hui. Y a-t-il lieu d’établir un parallèle entre la maison du narrateur et la maison Egypte en soif de démocratie et de renouveau ? Une universitaire s’y emploie déjà ! Elle analyse le livre à la lumière des récents évènements. L’un des personnages-clés du livre, le général Hassan Sabri, veut racheter la maison pour en faire un lieu de mémoire évoquant les événements de 1919 qui ont signé
la fin de la tutelle britannique et mené à l’indépendance de l’Egypte. Riches et pauvres, musulmans et coptes, avaient alors manifesté dans une belle union tout comme cela s’est passé en février dernier,
sur la place Tahrir.
Amira, héroïne du roman, annonçait la révolution à venir. Les femmes ont joué un rôle crucial dans le soulèvement contre la dictature égyptienne. Qu’en est-il des écrivains ?
Les écrivains égyptiens ont été des précurseurs. Ils ont pu jouer un rôle capital, probablement comme le dit si bien un ami écrivain égyptien parce que le “pouvoir” ne lit pas ! A l’aube de la révolte de février 2011, les acteurs et chanteurs ont été divisés… Les écrivains ont montré une belle unanimité et ont avancé en rangs unis…
On vous a beaucoup sollicité, à titre d’expert, pour commenter la révolution égyptienne.
Oui, on m’a beaucoup vu sur les plateaux de télévision. Non, je ne me considère pas comme un expert. Je ne suis pas un spécialiste de l’Egypte. Je suis un généraliste, un amoureux de l’Egypte à qui j’ai consacré un dictionnaire amoureux paru chez Plon.
Vous avez l’habitude de déclarer que votre centre de gravité ne se trouve pas en France, mais en méditerranée. L’Egypte est votre Terre de naissance, votre mère patrie.
La mère patrie mais aussi le père fouettard, avec ses prisons, ses centres de détention. J’ai écrit aussi sur la chute de Hosni Moubarak, un essai intitulé : “Le Pharaon renversé, 18 jours qui ont changé
l’Egypte” où je donne ma description, ma perception et ma lecture des évènements qui ont changé la face de l’Egypte.
Charles est-il le double de Robert Solé ?
Absolument pas. Charles n’est pas moi, mais il y a beaucoup de moi en Charles (rires). Le propre du romancier est de créer des personnages. â–