Dans le jardin de l’ogre

Dans la jolie maison, à l’ombre du tilleul, elle ne pourra plus s’évader. Jour après jour, elle se cognera contre elle-même. En faisant le marché, la lessive, en aidant Lucien à faire ses devoirs, il faudra bien qu’elle trouve une raison de vivre

L'héroïne de Leïla Slimani, Adèle, a tout, a priori, de la bourgeoise bien comme il faut. Spécialisée dans la politique internationale, cette journaliste en presse écrite a épousé Richard, un gastro- entérologue avec lequel elle vit dans le “beau XVIIIème” arrondissement de Paris avec leur fils, Lucien…

Sexuellement insatiable, l’héroïne multiplie les amants de manière compulsive. Si Adèle aime son mari, elle lui en veut pourtant pour “sa naïveté, qui la persécute, qui alourdit sa faute et la rend plus méprisable encore”, et lui donne envie de recommencer. Pourquoi pas avec Xavier, l’un des collègues de son époux, lorsque ce dernier se retrouve à l’hôpital ? Ce n’est pas l’ennui  marital qui la pousse à coucher à droite et à gauche. C’est plus profond, plus fort, plus terrible… C’est  un vertige, une urgence à donner son corps, à n’importe qui, à des inconnus, à des prostitués. Qu’ils soient beaux ou laids, peu importe. Il faut juste qu’ils la remplissent vite, de préférence sans parler, qu’ils prennent possession de son corps et qu’elle soit remplie de ces fluides déversés comme des témoins de sa vie qui s’écoule. Toute petite déjà, elle voulait qu’on la regarde, qu’on la désire, peut-être pour être sûre d’exister.

Adèle ne jouit pas de sa vie de débauche et Leïla Slimani cite à cet effet Kundera : “C’est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi.”

Premier roman de Leïla Slimani, ce texte est remarquable par sa liberté de ton. L’auteure y explore en profondeur l’addiction et la folie en les confrontant à l’aliénation et aux conventions. “Dans le jardin de l’ogre” est le récit d’un vertige, l’histoire d’un corps en quête d’absolu. L’écriture précise et crue de Leïla Slimani ouvre sur des brèches poétiques d’autant plus émouvantes, traçant la silhouette pleine de mystère d’un personnage féminin à la fois intemporel et d’une grande modernité.

Leïla Slimani est née le 3 octobre 1981 à Rabat. En 1999, elle rejoint Paris pour ses études. Diplômée de Sciences Politiques, elle s’essaie au métier de comédienne au Cours Florent, puis se forme aux médias à l’école Supérieure de Commerce de Paris. Elle est engagée au magazine “Jeune Afrique” en 2008 et y traite des sujets touchant à l’Afrique du Nord.
 

De Leïla Slimani, éditions Gallimard.

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