Asma Lamrabet : « Les extrémismes se focalisent toujours sur le corps des femmes »

Dans ses deux derniers ouvrages, "Islam et femmes, les questions qui fâchent" et "Croyantes et féministes, un autre regard sur les religions", Asma Lamrabet poursuit sa réflexion sur la place des femmes dans l’islam. Selon elle, c’est à travers une lecture contextualisée du Coran que les musulmanes pourront s’émanciper.

A travers vos livres, vous souhaitez déconstruire une certaine vision de la femme dans le cadre religieux qui engendre des discriminations qu´on lui interdit de contester. Comment vous y prenez-vous?
Pour éradiquer ces discriminations, il faut revenir au sens premier du texte spirituel et en faire une double lecture, à savoir celle de son esprit qui est intemporel et celle de son contexte qui est une réponse à l’époque de la révélation. Les interprétations classiques ont en général réduit la question des femmes à quatre ou cinq versets et en ont fait le cadre référentiel de leur lecture sur la place occupée par celles-ci. Or il s’avère qu’en relisant les sources scripturaires, on remarque que ces interprétations se sont éloignées de l’exigence de justice et d’égalité de l’ensemble du message spirituel de l’islam et ont même été à l’encontre des valeurs éthiques du Coran. Il faudrait donc déconstruire toutes ces lectures qui sont devenues sacrées avec le temps et qui ne sont que le produit de leur époque et d’un imaginaire culturel patriarcal, tout en offrant une nouvelle lecture alternative, à même de concilier les finalités du texte à notre contexte d’aujourd’hui.

Pensez-vous que si une certaine interprétation religieuse avait conféré aux femmes plus d´avantages qu´aux hommes, ces derniers auraient continué d´évoquer l´intangibilité des textes ?
Evidemment que non. Mais il ne faut pas raisonner en ces termes. Les textes sont porteurs d’une vision juste et éthique de la relation entre hommes et femmes qu’il faudrait toujours mettre en valeur. Dans le message spirituel, femmes et hommes ont une responsabilité partagée au sein de la Création. Ils ont des devoirs et des responsabilités en commun et c’est dans le respect de cette égalité en droits et en dignité qu’il faudrait toujours œuvrer.

Les livres viennent de paraître comment a-t-on perçu votre démarche dans votre entourage ? Vous avez dialogué avec des hommes religieux, politiques et autres sommités. Que vous ont-ils dit à ce propos?
Il y a évidemment un certain reproche par rapport à ma démarche qu’ils trouvent très critique vis-à-vis des anciennes interprétations. Mais j’assume cette démarche par des justificatifs argumentés sur le plan théologique. Tout en étant croyante et pratiquante, je reste très critique par rapport à ma tradition religieuse.

Comment expliquez-vous que des hommes qui se disent modernes, cosmopolites et profondément citoyens continuent de trouver normale la situation des femmes ?
Tout simplement parce qu’ils ont été éduqués selon cette norme sociale depuis leur enfance. La modernité ne suppose pas systématiquement égalité et respect des femmes. Les femmes sont même les premières à résister aux changements et à transmettre ces traditions sexistes à leurs enfants. Les mentalités sont difficiles à changer, c’est pourquoi l’éducation doit commencer au sein de la famille mais aussi à l’école où l’on doit apprendre très jeune que l’égalité est une donnée inhérente à notre référentiel culturel et religieux et aux valeurs universelles.

Vous affirmez que le livre s´adresse aussi aux non-musulmans qui ont une vision biaisée de cette religion. Pour beaucoup, être musulmane et féministe est incompatible. Comment leur faire comprendre le contraire ?
Il faudrait pour cela d’abord dépassionner le débat autour de ces questions et clarifier les concepts, notamment celui de féminisme, souvent très mal perçu. Le féminisme n’est pas contre le religieux mais contre l’instrumentalisation qui en a été faite pour marginaliser les femmes. Il est une lutte de toutes les femmes contre leur situation subalterne de tout temps et en tout lieu. Le féminisme implique aussi des principes universels de dignité, d’égalité et de lutte contre toutes les discriminations et des modèles différents selon le contexte. Il existe un féminisme juif et chrétien, pourquoi seul le féminisme musulman poserait-il problème ?

On assiste actuellement à une montée des extrémismes. Entre salafistes et réactionnaires de droite, avons-nous encore le temps de tenter de remédier à la situation ? 
Oui parce que cette situation est le produit d’une pensée extrémiste, et donc incohérente, qui ne peut offrir d’alternatives réelles pour les sociétés actuelles. Il ne faut jamais oublier que ces idéologies extrémistes sont minoritaires même si elles font beaucoup de bruit et que la majorité silencieuse ne se retrouve aucunement dans ses discours. Il faut de ce fait continuer de lutter, de dénoncer et de revendiquer les valeurs universelles de justice et de paix et ne pas laisser la place vide aux extrémistes.

Quand Marine le Pen promet de solutionner le problème de l´Islam radical en France ou qu´elle souligne la « relégation physique des femmes », qu´avez-vous envie de lui répondre ?
Que les extrémismes, qu’elle que soit leur idéologie sous-jacente, ont la même vision et le même but et se focalisent toujours sur le corps des femmes !

 

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