« La vie nous file entre les doigts, les courses pourront attendre, mais mon envie de toi est trop fragile, prenons- en soin de suite.” Voilà le genre de discours que mon mari me tient. Comment voulez-vous que je le prenne au sérieux, que je compte sur lui ?” Un témoignage de jeune épouse que l’on peut multiplier à l’infini. C’est bien connu, les hommes cultivent l’éphémère ; et les femmes, elles, lorgnent vers la durée. Comme la vie est courte, ce sont les premiers qui ont raison, chapitre hédonisme, eux qui cherchent à assouvir le plaisir ici et maintenant. En voulant tout baliser, tout prévoir, tout construire pour que la vie commune dure pour l’éternité, on oublie l’instant présent… et nos hommes nous le reprochent ! Comme on leur en veut parfois d’être avares de mots doux. “S’il n’y avait pas eu la période bénie d’avant le mariage, jamais je n’aurais su que mon mari était capable de proférer des mots tendres. Quand je pense que j’ai tout fait pour écourter les fiançailles. Je m’en mords les doigts aujourd’hui !”, raconte Aziza, 29 ans. “Pas moyen de me confier à lui. Il me reproche de le soûler de paroles et m’invite à aller droit au but, quand il ne m’accuse pas tout simplement de chercher à noyer le poisson”, se désole Naïma, 35 ans.
Arrêtons de nous lamenter !
Malentendu, donc ? A qui la faute ? Durant l’enfance, on nous encourageait, nous, les filles, à faire part de nos états d’âme. Des garçons, on ne tolérait que des épanchements physiques. Pas de larmes, pas de jérémiades, “koun rajel” ! En grandissant, les unes et les uns continuent à être eux-mêmes. Les filles ayant développé une richissime panoplie de vocabulaire, dévoilent leurs sentiments. Les scènes conjugales ne les effraient pas : elles disent ce qu’elles ont sur le coeur. Les hommes, n’étant pas en territoire conquis, se défilent. Les jeunes garçons n’accordent pas assez d’attention à l’expression verbale des sentiments et deviennent, progressivement, moins attentifs à leur état affectif et à celui des autres… Ils sont pourtant adorables pendant les fiançailles. Ils disent plein de mots doux, nous offrent des fleurs pour sécher nos larmes. Des tricheurs, alors ? Peut-être pas. Pendant cette période, ils font l’effort de verbaliser car ils réalisent que la chasse à l’âme soeur passe par là. Après, ils redeviennent eux-mêmes. Chassez le naturel, il revient au galop ! “Qu’est-ce qui le rendrait merveilleux à mes yeux, dites-vous ? Rien !”, avoue, dépitée, Karima, 38 ans. “Mon père, lui, était formidable. Un homme, un vrai, un roc. Ma mère a eu de la chance. Elle pouvait compter sur lui. Il ne passait pas son temps à se défiler de ses responsabilités. Les courses, les réparations… il répondait toujours présent. Il était là pour les devoirs scolaires aussi.” Même son de cloche chez Saadia, 40 ans : “On ne peut plus compter sur eux, vraiment. La dernière fois que mon cher conjoint s’est chargé de régler la note d’électricité, on a passé la soirée aux chandelles… et ce n’était pas du tout romantique ! Il faut que je m’occupe de tout moi-même si je veux que les choses soient bien faites et dans les délais.” Bien faites, selon qui ? Est-ce leur faute si nous sommes devenues plus performantes qu’eux ? Mieux on est organisée, plus on cherche un homme qui le serait davantage. Plus on a de pouvoir, plus on les veut encore plus solides. Et si nos pauvres hommes, implicitement ou explicitement avouent leurs limites, ils perdent peu ou prou notre considération. C’est normal qu’on ne trouve plus chaussure à notre pied !
Arrêtons de comparer !
Nos pères sont d’hier, nos hommes d’aujourd’hui. 30, 40 ans et nombre de révolutions technologiques séparent ces deux mondes. Les femmes, jadis, attendaient tout de leur époux. Et si on se posait la question suivante : “Que suis-je prête à apporter à mon couple ?” Peut-être qu’alors la lumière jaillira et on redécouvrira des mâles merveilleux… “Mon mari est formidable. Il ne l’a pas toujours été. C’était le cas au départ, bien sûr, c’est pour ça que je l’ai choisi. Après, et pendant de longues années, il est tombé de son piédestal. Cela n’a pas été une chute libre. Non. Par palier. Ensuite, progressivement, il a repris de l’éclat. Il est redevenu “potable”, puis merveilleux. Le hic, c’est que tout le long, il est resté quasiment le même. Plus je l’amenais à changer, plus il devenait, authentiquement… lui-même ! Entre-temps, c’est moi qui ai changé… ou plutôt, mes attentes. A force d’espérer l’impossible de sa part, le miracle s’est produit en moi. Lasse, je lui ai lâché les baskets. Avant, je voulais qu’on partage tout. Je me suis résignée à m’activer seule, puis j’y ai pris goût. Mon quotidien est devenu moins routinier, mon réseau relationnel s’est étoffé, et mon mari a retrouvé sa place sur le puzzle !”, se souvient Nadia, 48 ans. Arrêtons de confondre notre conjoint avec le père Noël, seul capable de donner forme à tous nos désirs d’enfant, de canaliser tous nos plaisirs, car justement, il n’existe pas ! Cette quadra a redécouvert un compagnon charmant, après une traversée du désert : “J’ai rencontré mon mari à l’étranger. On était alors étudiants tous les deux. On partageait tout, y compris les tâches ménagères. De retour au pays, il a moins mis la main à la pâte, recontaminé par les pratiques locales. Les conflits ont alors commencé. J’ai longtemps refusé de faire appel à une femme de ménage – pas facile de trouver la perle rare – car on pouvait parfaitement s’en passer moyennant un véritable partage des corvées domestiques. Puis, à l’arrivée de notre premier enfant, mon époux a pris les choses en main. Il a cherché et trouvé la femme de ménage idéale ! Il lui a expliqué mes manies, le mode de fonctionnement de la maisonnée. Il s’occupe du bébé qu’il adore. Depuis, j’ai révisé ma position : Montréal, c’est derrière nous. Ici, la femme de ménage est une des clés du bonheur conjugal.”
Arrêtons de tout vouloir !
Tout ou rien. C’est un dénominateur commun des comportements féminins dans de nombreux couples. “Les femmes veulent tout, assure un conjoint. Mais en plus, il faut qu’on devine ce qu’elles ont dans la tête ! De la part de nos aînées, je l’aurais compris. Cela faisait partie du jeu de séduction. Le non-dit était pour elle une forme de pouvoir. Mais de la part de la collègue devenue épouse, c’est difficile à accepter. Au boulot, les femmes sont de plus en plus nombreuses à exprimer fort leurs doléances. Pourquoi pas au sein du couple ? Personnellement, j’ai horreur de cette pression sous-jacente, de ces demandes formulées sur le mode implicite du non-dit.” Du concret, voilà ce que réclament nos hommes. Osons exprimer ce que nous désirons. Si nous essuyons un refus, négocions, comme on a appris à le faire au boulot. Ne les maternons pas, mais essayons de rester à leur écoute, autrement. Avec nos enfants, nous faisons l’effort d’incriminer le défaut de conduite et non la personne ; pourquoi pas avec l’homme de notre vie ? “Combien de fois j’ai traité mon mari d’égoïste, de bon à rien car il a la fâcheuse manie d’arriver toujours en retard ! A vrai dire, il n’est pas vraiment irresponsable comparé au Marocain lambda… Et certes, je peux compter sur lui. Mais je passe mon temps à lui dire le contraire !”, avoue Myriam, 35 ans. Nos hommes sont différents. Ils ne voient pas les choses sous le même angle que nous, ne les disent pas de la même manière. Si on a assez de patience, on finit par s’en apercevoir. Les contes, parfois, véhiculent de bons messages : ce n’est pas pour rien que la Belle au bois dormant a attendu 100 ans pour découvrir que son prince charmant était merveilleux !