Amina Lotfi, présidente nationale par intérim de l’ADFM.

Et que pensent les féministes marocaines, militantes de la première heure, de ces femmes engagées qui refusent d'être qualifiées de féministes ? Etonnées, déçues, lucides... Un peu de tout ça, à en croire Amina Lotfi, une féministe pure et dure.

FDM : Comment expliquez-vous ce désamour pour le féminisme de certaines femmes engagées ?

Amina Lotfii : Je pense qu’il doit y avoir un amalgame. Le terme de féministe est actuellement écorché dans certains pays occidentaux où cette appellation est utilisée dans un sens péjoratif. Selon moi, il faut prendre le terme de “féministe” dans son sens propre, à savoir une personne qui se bat et milite pour l’égalité, le respect des droits humains des femmes et pour la démocratie. Je ne pense pas que les femmes engagées qui ont un référentiel de droits humains, tels qu’universellement reconnus, puissent manifester un quelconque “désamour” pour le féminisme, dont la seule raison d’être est de revendiquer, promouvoir et protéger l’égalité entre citoyens et citoyennes.

D’après vous, y a-t-il une relève féministe ?

Bien entendu, que ce soit au sein de nos associations ou dans différents mouvements. La relève évolue en fonction de son contexte. Les relais se passent de génération en génération afin de permettre une construction sur les acquis. L’ADFM a pris très tôt conscience de l’importance d’assurer une continuité. Nous avons au sein de nos trois bureaux des groupes de jeunes qui nous  accompagnent dans toutes nos activités. D’ailleurs, nos instances dirigeantes sont composées à hauteur de 20 % de jeunes de moins de 30 ans. Actuellement, la jeune génération de militantes des droits humains des femmes a deux principaux défis : consolider les acquis et lever les injustices qui touchent encore les femmes.

Les revendications ont-elles changé ?

On se bat toujours pour les mêmes causes qui sont la promotion et la protection des droits humains des femmes, et l’instauration d’une société démocratique où les deux sexes pourront jouir des mêmes droits et libertés. Les revendications ont changé et heureusement, car nous avons réalisé de  nombreuses avancées. Mais comme je vous l’ai dit, il reste beaucoup à faire en termes d’harmonisation et d’application des lois, d’intégration de l’égalité entre les sexes dans les politiques et les programmes gouvernementaux, et concernant la diffusion et la promotion de la culture de l’égalité.

“LE DISCOURS FÉMINISTE A ÉTÉ COMPRIS PAR LES HOMMES ET LES FEMMES QUI ASPIRENT À LA LIBERTÉ ET À LA DIGNITÉ.”

Le discours des féministes a-t-il porté ses fruits et a-t-il été suffisamment compris par les femmes ?

Je parlerais plutôt de travail ou de combat des féministes. Oui, il a porté ses fruits ; en témoignent les nombreux acquis : l’homme et la femme sont désormais égaux en droits et en responsabilités dans le Code de la famille, le harcèlement sexuel sur les lieux de travail est pénalisé par le Code du travail, le Code pénal criminalise la violence conjugale, le Maroc dispose d’une stratégie nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la femme mariée à un étranger peut transmettre sa nationalité à ses enfants. Il existe également un Agenda gouvernemental pour l’égalité, et enfin, la constitution de 2011 est venue consolider ces acquis. Est-ce que le discours féministe a été compris ? Oui, par les femmes et les hommes qui aspirent à la liberté et à la dignité, par les femmes qui subissent des injustices et des violations de leurs droits ; en témoignent les centres d’écoute et d’orientation juridique des femmes victimes de violences qui ne désemplissent pas. Il a aussi été compris par les femmes soulalyates de plusieurs régions du Maroc, lesquelles nous ont contactés en 2007 pour que nous les aidions à être reconnues comme ayant droit aux terres collectives, que nous avons accompagnées jusqu’à ce que ce droit leur soit enfin reconnu, et qui continuent de se battre pour que ce droit soit appliqué. Enfin, notre discours a aussi été entendu par les femmes rurales qui ont pris conscience, grâce à la sensibilisation des ONG féministes et de développement, de l’importance de leur implication dans la gestion communale. Est-ce que le discours féministe est compris par toutes les femmes ? Pour cela, il faudrait que celui-ci puisse toutes les toucher. Je dirais qu’il n’est pas accepté par les femmes qui n’ont pas le même référentiel que nous : celui des droits humains tels  qu’universellement reconnus. Quant aux autres femmes, et aussi aux hommes, il appartient à l’Etat de sensibiliser et d’informer, de manière permanente, la population sur les droits des femmes, et de promouvoir la culture de l’égalité à travers les médias publics, le système éducatif, les mosquées, etc. â– 

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