Petite, elle s’installait religieusement devant l’écran, carnet de croquis en main, les yeux rivés sur les silhouettes du défilé Caftan sur 2M. Chaque modèle, chaque coupe, chaque détail se retrouvait aussitôt redessiné sur ses feuilles blanches. C’était son moment à elle. Le point de départ d’un lien fort, presque intime, avec la couture. Des années plus tard, c’est sur cette même scène qu’elle présentera ses propres créations.
Originaire de Béni Mellal, ayant grandi à Fès, elle quitte sa ville d’adoption à peine le bac en poche pour rejoindre Casablanca, guidée par une seule obsession : la création. Elle intègre le Collège LaSalle pour se former au stylisme et au modélisme, en sort diplômée, et rejoint très vite les rangs de la prestigieuse maison de couture Zhor Raïs. C’est là, au cœur de l’atelier, qu’elle affine son univers, entre tradition maîtrisée et souffle contemporain. “Ce concours, je l’attendais depuis longtemps. L’an dernier, j’ai dû y renoncer. Cette année, je n’avais plus le droit à l’erreur.”
Une collection née du sable
Le thème de l’édition 2025, “Sahara, héritage en couture”, s’est imposé comme une évidence. Le désert marocain devient alors sa toile d’inspiration : ses teintes, ses mouvements, ses femmes. Deux caftans comme deux fragments de cette immensité brûlante. Le premier caftan, en organza de soie, s’accompagne d’un voile souple et de panneaux en dentelle de Calais perlée, coupés avec précision. Une ceinture cuivrée vient structurer l’ensemble. Le second, une gandoura deux pièces plissée, joue la simplicité du mouvement, relevée par une broderie discrète dans le dos.
Tout est pensé dans le détail. Les matières parlent d’elles-mêmes, les coupes racontent l’allure. “J’ai voulu traduire l’essence de la femme sahraouie : sa force, sa liberté, sa noblesse silencieuse. Ce sont des figures qui m’inspirent profondément.” La palette chromatique convoque l’ocre du sable, la douceur d’une ombre de palmier, la brillance discrète d’un rayon couchant. Les matières, choisies avec une exigence de haute facture, parlent d’artisanat, de raffinement et de féminité.
Pour Zineb Aqqa, cette victoire n’est pas une fin, mais un passage. Une première pierre. “Je me sens honorée, mais surtout responsable. Porter nos traditions, c’est les faire vivre, les pousser ailleurs, les raconter autrement. Le caftan est un territoire créatif infini.” Désormais attendue en 2026 sur le podium du grand défilé Caftan Week, cette fois en tant que styliste confirmée, elle avance avec une sérénité lucide. Ni précipitée, ni hésitante. Juste concentrée, inspirée, habitée par cette envie de faire dialoguer passé et futur, textures et émotions. “Le Maroc est une terre de contrastes et de beauté. Il offre aux stylistes une matière première inépuisable : son histoire, ses femmes, sa lumière.”
Dans les coulisses de l’atelier Zhor Raïs, entre les étagères de tissus précieux et les carnets de croquis, Zineb Aqqa trace son chemin. Pas de promesses spectaculaires, pas de slogans : juste une ligne, claire, tracée dans le sable. Celle d’une jeune femme qui sait où elle va. F