Séisme: Le Maroc est-il en sécurité?

Le Maroc a été secoué par un séisme d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, le plus puissant de son histoire, dans la région d'Al Haouz, jusqu'alors considérée à risque modéré. Face à cet événement, les scientifiques marocains envisagent la mise à jour de la carte nationale de sismicité, inchangée depuis 2011.

La secousse tellurique survenue le 8 septembre 2023 a soulevé de vives interrogations concernant les zones exposées aux plus forts risques sismiques. Avant cet événement, le Maroc avait déjà été le théâtre de séismes, moins puissants en termes de magnitude, mais ayant causé d’importants dégâts humains et matériels. Le séisme d’Agadir en 1960 reste ancré dans la mémoire collective. Bien que sa magnitude ait été inférieure à celle du récent tremblement de terre, il a entraîné des destructions massives et des pertes en vies humaines considérables. Ces antécédents ont alimenté les craintes quant à la préparation du Maroc face aux séismes, créant un sentiment de vulnérabilité chez de nombreux citoyens.

Une observation sur mille ans

L’imprévisibilité de cette violence sismique a poussé les chercheurs marocains, à envisager la mise à jour de la carte sismique nationale qui n’a pas été réactualisée depuis 2011. Cette démarche, essentielle pour mieux évaluer et atténuer les risques sismiques, est maintenant au cœur des préoccupations des autorités et des scientifiques du pays. “Le tremblement de terre était inattendu. Cela nous pousse à reconsidérer nos approches scientifiques et à réévaluer le niveau de risque sismique”, explique Nacer Jabour sismologue et directeur de l’Institut national de géophysique (ING), soulignant l’importance de réexaminer les études en cours. Selon lui, et bien que le Maroc dispose d’observations sur une période de cent ans, il est maintenant nécessaire de recueillir des données sur une période de mille ans afin de mieux déterminer le niveau de risque dans chaque région du pays. “Cela nécessite des recherches scientifiques approfondies, notamment des fouilles pour trouver des indices de séismes anciens. C’est un travail qui doit être réalisé sur le terrain en priorité à la lumière des technologies disponibles aujourd’hui telles que le GPS”, souligne le sismologue.

En effet, l’observation sismique sur une période de mille ans est essentielle pour comprendre et anticiper les risques sismiques. “Les séismes majeurs peuvent se produire à des intervalles de temps très longs, et une analyse sur une période plus longue permet de mieux appréhender leur récurrence”, affirme le scientifique. De plus, elle prend en compte les variations temporelles des activités sismiques, les changements géologiques et tectoniques sur le long terme, et offre une base solide pour la planification à long terme, notamment en matière de construction parasismique et de gestion des risques. La zone touchée par le séisme du 8 septembre en est le parfait exemple. Identifiée par des nuances de rouge et de jaune sur la carte, cette dernière était autrefois classée comme présentant une sismicité très modérée. “Cependant, cette catastrophe remet en question cette classification, et une réévaluation des zones à risque sismique est actuellement en cours, avec la possibilité d’introduire une sixième zone”, ajoute le directeur de l’ING, précisant que les travaux s’étaleront sur plusieurs années alors que les premières conclusions seront dévoilées dans les mois à venir.

 Pourquoi un séisme d’une telle magnitude ?

Il faut savoir que les séismes dans les régions montagneuses sont souvent le résultat de forces tectoniques à grande échelle qui modèlent la topographie de ces zones géographiques. Ils sont le produit de la dynamique tectonique complexe qui façonne ces paysages spectaculaires, et ils continuent de remodeler ces régions au fil du temps. D’après Nacer Jabour, les séismes dans les régions montagneuses sont souvent associés à un soulèvement vertical des masses rocheuses. Les montagnes se forment ainsi progressivement au fil du temps grâce aux répétitions de ces séismes et aux mouvements tectoniques continus. “Nous assistons à la naissance d’une nouvelle chaîne de montagnes. Nous prévoyons de mesurer ce phénomène à l’aide de récepteurs GPS pour évaluer l’amplitude du soulèvement de la masse rocheuse”, précise le directeur de l’ING.

Le phénomène est aussi, selon le géographe Moussa Kerzazi, une contrainte accumulée qui dépasse la résistance des roches environnantes, provoquant une rupture le long d’une faille géologique. Cette rupture soudaine libère brusquement l’énergie sous forme d’ondes sismiques, créant ainsi un tremblement de terre. “Le risque sismique a en fait diminué après le séisme initial, et les répliques ultérieures, en tendance décroissante, ont joué un rôle essentiel pour atténuer l’impact initial. Sans ces répliques, il y aurait eu une inquiétude accrue quant à la possibilité d’un nouveau séisme potentiellement dévastateur”, nuance le géographe. Selon ses dires, les autorités ont certes dégagé les routes, mais il reste toujours une incertitude quant à la présence potentielle de risques résiduels. “Les géologues ne peuvent pas fournir des prédictions précises. La situation s’apparente à une libération graduelle de l’énergie, où une partie est dissipée par de petites secousses. On pourrait comparer cela à un phénomène de souffle de la Terre’’, souligne Moussa Kerzazi. Il met en garde contre le retour précipité dans les habitations endommagées, soulignant les risques liés aux répliques et insistant sur la nécessité de prendre en compte la vulnérabilité des maisons et des infrastructures dans les zones à risque sismique. Toutefois, le géographe explique que si la situation était aussi dangereuse que certains peuvent le rapporter sur les réseaux sociaux, les personnes, qu’elles soient marocaines ou étrangères, ne seraient pas déployées pour apporter de l’aide au détriment de leur propre sécurité.

Mais au-delà de ces considérations, il est crucial de comprendre que le Maroc, situé dans la partie nord-ouest de la plaque africaine, est sujet à des risques sismiques dus au rapprochement progressif de cette plaque avec la plaque eurasiatique au cours des derniers millions d’années. Cette convergence a donné naissance à des chaînes de montagnes, dont le Rif au nord du Maroc. Les séismes, comme celui d’Al Hoceima en 2004, sont liés à ce processus. “Tout le territoire marocain est exposé aux risques sismiques, à l’exception du Sahara, qui est généralement considéré comme exempt de cette menace, car aucune secousse tellurique n’a été répertoriée dans cette région jusqu’à présent”, précise Nacer Jabour. Encore faut-il que l’urbanisme puisse prendre en compte ces risques en adoptant des normes de construction parasismique afin de garantir la sécurité des habitants en cas de futurs séismes.

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