Mouna Fettou : “Les femmes doivent apprendre à dire non !”

Icône incontestable du cinéma marocain, Mouna Fettou, mène depuis plus de trois décennies une carrière aussi exemplaire que réussie. Actuellement à l’affiche du film “Jours d’été” de Faouzi Bensaïdi, l’actrice se livre sur ce projet ainsi que sur son parcours dans le monde du cinéma, de manière générale mais aussi sur sa vie et ses inspirations.

Tout d’abord, comment ça va ? 

Tout ne va pas toujours bien, mais il faut apprendre à vivre avec ce qui va et ce qui ne va pas. C’est la vie. Personnellement, j’ai appris à apprécier ce que j’ai et je dirai : ça va, Dieu merci.

Vous êtes à l’affiche du cinquième long-métrage de Faouzi Bensaïdi, “Jours d’été”. Comment avez-vous été approchée pour participer à ce projet ?

Il y a déjà huit ans de cela, nous tournions dans une superbe maison pour le film “Volubilis” et j’avais eu une idée. Comme j’adore l’univers de Faouzi Bensaïdi, je lui ai fait part de mon rêve de jouer dans un huis clos. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Trois mois plus tard, il m’a appelée pour m’informer qu’il avait le projet d’un long métrage mais qu’il avait besoin d’une production et m’a demandé si je pouvais m’en occuper. J’ai par la suite rencontré la productrice Rajaa Hassani qui cherchait justement à produire des films marocains et c’est comme cela que le projet a pu se réaliser.

Qu’en est-il de votre rôle dans ce film ? 

Je joue  le rôle de Jalila, une dame qui a quitté son pays et sa maison suite à un drame, et qui revient parmi les siens cinq années plus tard pour sauver le domaine familial. Le film démarre avec son retour. Cette femme est criblée de dettes mais refuse de vendre sa maison parce que c’est son dernier bien. Elle refuse de la vendre et s’accroche à un passé glorieux où l’argent coulait à flot. Elle est dans le déni total et vit dans une espèce de légèreté. 

Ces derniers temps, on vous voit souvent dans la peau d’une femme bourgeoise. Vous êtes-vous embourgeoisée ?

Pas du tout ! J’essaie d’incarner des rôles différents à chaque fois et surtout des personnages qui sont très loin de ce que je suis dans la vraie vie. J’aime les rôles de composition qui exigent de la métamorphose et de la recherche. J’aime toujours varier mes rôles, sans forcément rentrer dans la case gentille/méchante. D’ailleurs, moi j’aime bien cette idée que Faouzi a dans ce film où il n’y a ni méchant ni gentil. On est toujours un peu les deux à la fois. Alors est-ce que je me suis embourgeoisée? Non, je ne pense pas. D’ailleurs vous me verrez bientôt dans un rôle où je suis très pauvre… (rires). 

Est-ce qu’après tant d’années dans le cinéma. Vous avez encore des choses à vous prouver ?

Des choses à me prouver, non. Mais des choses à prouver, oui. Parce que je sens que je n’ai pas encore donné le maximum de ce que j’ai à offrir. Si on parle en termes de quantité de productions, je suis très loin du compte! J’ai tout de même 35 ans de carrière, mais pas tout ce que j’aurais voulu avoir à mon actif. Je rêve par exemple de jouer des rôles de femmes qui ont marqué l’histoire, qui ont du pouvoir, qui sont fortes. Al Kahina par exemple… Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de scénarios qui me font vibrer. Cela arrive évidemment mais c’est rare. 

L’Histoire reste effectivement rarement visitée par le cinéma marocain alors que nous avons une Histoire très riche, des lieux et des décors qui s’y prêtent. Pourquoi à votre avis les réalisateurs marocains boudent les films historiques ?

Cela demande énormément de compétences et de moyens et c’est ce qui décourage un peu les réalisateurs et les producteurs… Je pense que c’est la raison principale. Et puis avec tout le respect que j’ai pour nos scénaristes et il y en a qui sont très talentueux, je trouve que nous avons un vrai problème parce que l’écriture est un métier à part entière. Malheureusement, nous avons un manque de ce côté-là. Et puis les gens s’intéressent plus à des films faciles à consommer…

Justement, quel regard portez-vous sur le cinéma marocain d’aujourd’hui ? 

Je trouve que nous avons un cinéma assez diversifié. J’aime bien qu’il y ait un large choix, et qu’il y en ait pour tous les goûts. Il y a juste un petit bémol selon moi : on ne respecte pas assez l’intelligence des gens. Je déteste la médiocrité ! 

Est-ce qu’il y a des jeunes talents que vous appréciez particulièrement ?

Oui, il y en a beaucoup ! J’ai eu l’occasion de travailler avec Ali Mejboud que j’adore et qui est très talentueux. J’aime également Yassine Marco Marroccu, Sofia Alaoui… Il y a une nouvelle génération prometteuse. 

Quel a été le rôle le plus marquant de votre carrière ? 

Personnellement, j’adore la comédie. Il y a un rôle dans un téléfilm qui s’appelle “Rahma” pour lequel j’ai une affection particulière. Je joue la “madame Tazi” et c’est à l’opposé de ce que je suis. J’ai eu beaucoup de plaisir à composer ce rôle et je crois avoir été crédible. C’était un défi personnel. Surtout qu’il s’agit d’une comédie, et pour moi le plus dur c’est de faire rire. Il y a aussi un rôle que j’apprécie énormément, c’est celui que j’incarne dans “Deux femmes sur la route”. C’est un personnage qui me touche. De manière générale, chaque rôle a une place dans mon cœur. Et puis comment ne pas évoquer mon personnage dans le cultissime “A la recherche du mari de ma femme”, ou encore celui de Rhimou dans “Un amour à Casablanca”. D’ailleurs, les gens continuent à m’appeler Rhimou. 

La preuve que vous avez marqué les esprits ! Est-ce qu’on s’habitue au succès ? 

Cela me fait toujours quelque chose quand on me rend hommage. C’est toujours très gratifiant. C’est la consécration ! On sent qu’on récolte les fruits de son travail. L’hommage rendu par le Festival International du film de Marrakech, en 2019, est particulièrement important pour moi, de par sa portée internationale. J’ai été honorée auprès de Robert Redford qui est un monstre du cinéma et c’était un souvenir inoubliable. Mais j’ai encore des rêves ! J’ai envie de m’ouvrir davantage à l’international…

Avec quelle star internationale aimeriez-vous jouer ?

Brad Pitt ! C’est un acteur formidable. Dans Babel, il était extraordinaire. J’aime aussi Hugh Grant… J’aurais aimé jouer avec Sean Connery. 

Comment préparez-vous vos personnages ? 

Je demande toujours à voir le scénario en amont. Au moins quelques semaines avant le tournage. Je parle beaucoup avec le réalisateur aussi. Et puis j’essaie de me rapprocher le plus du personnage, de comprendre comment il parle, comment il s’habille, comment il réfléchit. C’est très important. 

Avez-vous été victime de sexisme ou de harcèlement sexuel durant votre carrière ? 

Je mentirai si je disais que je n’ai pas été harcelée durant ma carrière. Je l’ai évidemment été mais j’ai abordé les choses comme j’ai pu. Je me suis battue pour ne pas tomber dans le piège. Le harcèlement sexuel existe partout et dans tous les milieux, pas seulement chez nous. Maintenant, je pense qu’on a toujours le choix en tant qu’actrice de dire “‘non”. Et il faut le dire ! Je l’ai fait et je ne le regrette pas. 

Quelles sont les inégalité(s) entre les hommes et les femmes qui vous désolent le plus dans le milieu cinéma ?

Elles sont au niveau des opportunités. Mais c’est le cas dans le monde entier. On privilégie toujours les rôles pour hommes… Vers la fin des années 90-2000, il y a eu un intérêt croissant pour les personnages de femmes mais de manière générale, je remarque qu’on écrit plus pour les hommes que pour les femmes. 

Quelle est votre plus grande fierté ?

Mon fils. Je ne dis pas ça parce que c’est mon fils mais parce ce que c’est un gars bien. Je me dis que j’ai réussi son éducation.

Vous avez récemment fait sensation dans la dernière campagne du styliste Ali Drissi… Quel est votre rapport à la mode ?

J’ai un rapport très sain avec la mode. J’aime bien être à la page, mais pas au détriment de ma personnalité et de ce qui me convient. J’aime les belles matières fluides… Je pense que c’est important de se sentir à l’aise dans ce que l’on porte. Il y a des tendances que j’aime mais que je ne peux pas porter parce qu’elles ne me mettent pas en valeur. Et parfois, il y a des choses dans la mode que je qualifie de “grand n’importe quoi” (rires). 

Quelle est votre journée type ?

Si je ne travaille pas, je me réveille vers 9h. Au petit-déjeuner, le thé à la menthe est un indispensable ! Je l’accompagne d’un toast beurre et miel. De temps en temps, je me fais plaisir avec un pain au chocolat. Après, j’aime marcher dans l’eau, avec ma mère ou mes amis. Quand je ne suis pas en tournage, j’essaie de faire des choses intéressantes, comme apprendre une nouvelle langue, lire, binge-watcher les nouveautés en terme de films et séries. J’estime que cela fait aussi partie de mon métier. J’aime beaucoup voir mes amis, le sport et particulièrement la boxe! J’apprécie également me rendre aux vernissages. Et sortir parfois le soir. 

Quel est votre secret de beauté ?

J’ai une vie très saine. Je ne bois pas d’alcool et je ne fume pas. J’essaie de rire et de ne pas stresser. Je prends soin de moi mais sans aller dans les excès…

Quels sont vos indispensables pour vous sentir femme ?

Le hammam ! Prendre soin de mon corps me fait me sentir femme. J’aime beaucoup la danse orientale que je vais reprendre bientôt. Je pense de plus en plus qu’une femme qui se sent bien dans sa peau et en paix avec elle-même est une belle femme.  

Quels sont vos projets ?

J’ai dernièrement tourné une série qui s’appelle “Rahma” qui, je pense, va cartonner parce qu’elle traite d’un thème très touchant. Et en ce moment, je suis en plein tournage d’une autre série qui s’appelle “Khat rajaa”. Il y a également des projets pour le cinéma mais je n’en dis pas plus pour le moment !

 

Photographe Nada satté

Stylisme et réalisation Anas yassine

Maquillage et coiffure Sabrine groelly

Remerciements Pathé casablanca 

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