Le système successoral marocain est l’un des sujets les plus complexes et sensibles identifiés actuellement dans le cadre d’une nouvelle réforme du code de la famille. Si traditionnellement, il a été impossible même de soumettre ce sujet aux discussions, plusieurs militantes et militants portent l’espoir d’une éventuelle réflexion sur ce sujet. “De toutes les questions de réformes abordées, l’héritage reste incontestablement le plus grand tabou”, indique une fervente défenseuse de l’égalité dans l’héritage qui préfère rester discrète pour ne pas, selon elle, déclencher les réactions dogmatiques néfastes à la dynamique enclenchée.
Les tentatives de débat autour de l’héritage sont, en effet, souvent confrontées à un rejet catégorique, justifié par le risque de bafouer les percepts religieux. Or, la question de l’héritage ne peut être cantonnée à une quête d’égalité de parts. Il existe de très nombreuses questions dignes d’être instruites sur Le principe de l’agnation, connu sous le nom de “ta’sib” par exemple. Selon cette règle, les filles orphelines ou les ayants droit de sexe féminin contrairement à ceux de sexe masculin, héritent de parts définies en dehors desquelles, le reliquat revient au ou aux parent(s) masculin(s) le(s) plus proche(s) du défunt. La pratique a dévoilé certains cas où des membres inconnus des familles endeuillées et très lointains ont pu priver ceux-là de leurs logements, de leurs moyens de subsistances… des travers qui aujourd’hui échappent totalement à l’encadrement de la loi. Pour plusieurs spécialistes, il existe de grandes opportunités de relecture et de réforme à ce niveau-là mais qui ont souvent été évités.
“Nous ne réclamons pas une égalité totale dans l’héritage entre les sexes, mais nous demandons l’abolition du ta’sib dans les cas où les descendants sont exclusivement des filles. Combien de jeunes femmes sont contraintes de vendre la maison familiale et se retrouvent sans abri parce qu’elles doivent partager leur héritage avec des oncles ou cousins masculins ? Il est inacceptable que des enfants soient dépossédés de leur droit à l’héritage de cette manière”, s’indigne Fatiha Chtatou, avocate et membre de la fédération des ligues des droits des femmes. Malgré les progrès apportés par la réforme de la Moudawana vers l’égalité des sexes, le débat sur l’interprétation des textes religieux crée une tension entre défenseurs des droits humains et traditionalistes. “Pour que les réformes soient pleinement réalisées, il faut un effort concerté pour surmonter la résistance culturelle, sensibiliser et fournir des ressources adéquates pour la mise en œuvre”, affirme Fatiha Chtatou ajoutant que l’État, la société civile et le secteur privé jouent tous un rôle crucial dans la promotion de l’égalité des sexes et la mise en œuvre des réformes. Selon l’avocate, le gouvernement doit lancer des campagnes de sensibilisation, fournir une aide juridique, former les juges et réformer le système éducatif pour promouvoir le respect des droits des femmes.
Ainsi, le chemin vers l’égalité des sexes au Maroc nécessite une transformation des normes sociales. “Cette transformation demande une remise en question des attitudes patriarcales, une éducation sur les droits et un soutien renforcé des cadres juridiques et institutionnels”, conclut Zahia Amoummou.