L’école marocaine, histoire d’un chantier perpétuel

Depuis l’indépendance du Maroc en 1956, l’enseignement s’impose comme l’un des enjeux majeurs de l’histoire nationale. Placé au cœur des priorités, le système éducatif marocain continue de souffrir de fragilités structurelles qui entravent son développement et son efficacité. Zoom sur les temps forts des réformes qui ont jalonné ces soixante-dix dernières années.

En 1956, le paysage éducatif est sinistré. Les chiffres de l’époque font état d’un taux d’analphabétisme qui dépasse les 82 %. Les écoles sont rares et les enseignants peu qualifiés. Le Maroc comptait alors à peine 350 étudiants dans l’enseignement supérieur, dont seulement deux femmes. Le modèle imposé par le protectorat français et espagnol a laissé une école duale, inadaptée aux besoins de la société marocaine. “La ségrégation imposée par le système colonial a marginalisé les fondements éducatifs traditionnels”, rappellent Abderrahmane Amsidder, Président de l’Université Ibnou Zohr et Directeur de l’École Supérieure de l’Education et de la formation (ESEF) et Samar Chakhrati, docteure en langue et communication et chercheuse à l’Université Ibnou Zohr dans leur étude intitulée “L’enseignement au Maroc : Historique, réforme(s) et progrès” publiée en février 2025. Tout était à construire, et dès 1957, le Maroc pose les premières pierres d’une école nationale en créant une Commission royale chargée de la refonte du système.

Les quatre piliers d’une école nationale

Quatre piliers structurants sont alors définis : l’unification de l’école publique, la généralisation de l’accès à l’enseignement, la marocanisation du corps enseignant, et l’arabisation des contenus. L’unification vise à abolir les dualismes hérités du protectorat, en créant une école unique et moderne.La généralisation instaure, pour sa part, le droit de tous les enfants à l’éducation, avec des slogans forts tels que “l’éducation est un droit, non un privilège”.  La marocanisation tend à remplacer progressivement les coopérants étrangers par un personnel national, tandis que l’arabisation introduit la langue arabe dans les disciplines scolaires, d’abord en sciences humaines, puis en sciences exactes. 

Dans une étude intitulée “L’enseignement au Maroc : exigences éducatives et intrusions idéologiques”, la chercheuse Zahra Riad estime qu’ “il est légitime d’admettre qu’à l’époque postcoloniale, l’indépendance de l’enseignement est difficilement envisageable”.

Les Premiers plans éducatifs

Ces principes traduisent une volonté de rompre avec l’héritage colonial, mais aussi de construire une école à l’image d’un Maroc indépendant, souverain dans ses choix éducatifs. Dans les années 1960, des plans triennaux et quinquennaux viennent appuyer cette dynamique. Le plan Benhima (1965–1967), du nom du ministre de l’Éducation de l’époque, met l’accent sur la qualité de l’enseignement, limite les effectifs pour contenir les coûts et développe la formation des cadres. La massification scolaire s’accélère. En 1969-1970, le Maroc compte déjà plus d’1,1 million d’élèves au primaire, près de 300.000 au secondaire et 13.000 dans le supérieur. Toutefois, les inégalités régionales demeurent fortes, et la qualité ne suit pas toujours la croissance des effectifs.

Valorisation de la formation technique

Les années 1970 confirment cette volonté d’adapter l’école à l’économie nationale. Un cinquième pilier est ainsi introduit : la valorisation des formations techniques et professionnelles, telles que le Brevet Industriel ou le Baccalauréat Technique. Pour Chakhrati et Amsidder,“ce principe nourrit l’inquiétude quant aux besoins du marché du travail d’un pays en perpétuelle métamorphose”. Pourtant, cette stratégie rencontre de nombreuses résistances sociales, et les filières techniques restent sous-valorisées face aux parcours académiques généraux.

Crise économique et recul de l’investissement

Dans les années 1980, la crise économique frappe de plein fouet le système éducatif. L’État, contraint par les programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale, réduit ses investissements. Les infrastructures se dégradent, les recrutements ralentissent et les taux d’abandon scolaire augmentent, en particulier chez les filles et dans les zones rurales. “Le déclin commence à partir de l’année scolaire 1983/84 et touche particulièrement les enfants issus du monde rural”, notent Samar Chakhrati et Abderrahmane Amsidder. L’école devient le reflet des fractures sociales. C’est aussi une période où la formation professionnelle est réorganisée, avec des résultats mitigés.

Rééquilibrage et retour à la démocratisation

Au début des années 1990, un vent de réforme souffle à nouveau sur le pays. La période de “relance économique” est accompagnée d’un effort renouvelé pour démocratiser l’enseignement primaire. Le Maroc progresse en matière de réduction des disparités régionales et de genre. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour scolariser les filles, particulièrement en zones rurales. “L’accès à l’école est un droit qui se démocratise, tant en milieu urbain que rural, pour les deux sexes”, affirment les deux chercheurs. Ce rééquilibrage repose sur une mobilisation de ressources considérables, mais les défis structurels – qualité de l’enseignement, formation des enseignants, encadrement pédagogique – persistent. À la fin des années 1990, un diagnostic alarmant est posé. Le système produit des lauréats peu insérés, les enseignants sont insuffisamment formés, et la gouvernance reste trop centralisée. Une nouvelle réforme devient inévitable.

La Charte nationale de l’éducation : Une réforme ambitieuse

C’est dans ce contexte qu’est adoptée en 2000 la Charte nationale d’éducation et de formation (CNEF), présentée comme la réforme du siècle. Elle restructure le système autour de cycles, modules, passerelles et filières, et promeut une école équitable et efficace. L’enseignement supérieur est réorganisé en trois cycles (licence, master, doctorat). “La loi 01.00 vient appuyer ce chantier par une nouvelle architecture pédagogique et une affirmation claire du plurilinguisme: arabe, amazighe et langues étrangères sont appelées à coexister. Mais cette réforme ambitieuse, bien que structurante, se heurte à une application inégale sur le terrain”, précisent les deux chercheurs.

Visions stratégiques pour une école en transformation permanente

Plusieurs plans sont par la suite déployés au fil des années : le Cadre stratégique de 2005, le Plan d’urgence 2009–2012, puis la Vision stratégique 2015–2030. Chaque plan tente de corriger les lacunes du précédent. La Vision 2030, lancée par le Conseil Supérieur de l’Éducation, recentre l’école sur trois piliers : équité et égalité des chances, qualité pour tous, et promotion de l’individu et de la société. Elle marque aussi une inflexion vers le numérique. Les universités doivent se doter de plateformes digitales, moderniser leur gouvernance, et s’adapter à un monde interconnecté. En 2019, la loi-cadre 51.17 vient donner une assise juridique à ces orientations, en définissant 18 projets de réforme couvrant aussi bien l’enseignement de base que le supérieur.

Aujourd’hui, le ministère de l’Éducation nationale poursuit la mise en œuvre de la feuille de route stratégique 2022-2026, qui fixe trois priorités : L’amélioration des apprentissages fondamentaux (la lecture, l’écriture et les mathématiques doivent être maîtrisés par tous les élèves à la fin du primaire), la lutte contre le décrochage scolaire : un enjeu majeur, notamment dans les zones rurales où la pauvreté et l’éloignement des établissements demeurent des obstacles, et le développement de la vie scolaire (davantage d’activités sportives, artistiques et culturelles sont encouragées pour renforcer l’épanouissement des élèves) . Parmi les mesures phares de la réforme, on trouve la généralisation des “écoles pionnières”, lancée en 2022, appliquant des méthodes pédagogiques innovantes.

Les indicateurs positifs du secteur de l’éducation nationale témoignent aujourd’hui, si besoin est, de l’impact positif des décisions prises dans le déploiement de la feuille de route 2022-2026.

Repères chronologiques: 70 ans de réformes éducatives au Maroc

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